lundi 18 février 2013

Beethoven on the table

Certains légumes peuvent s'éplucher intégralement: on les transforme ainsi en lanières. Le geste est le même que pour le simple épluchage, sauf qu'il se prolonge une fois la peau ôtée, l'économe œuvrant comme s'il prenait goût à l'hypnotique translation rectiligne que la main, obstinée, lui impose. On agira donc de la sorte avec des courgettes, et l'on prendra soin de "chemiser" quelques ramequins de cellophane avant d'en tapisser le fond et des parois avec lesdites lanières (cuites au préalable pendant quinze minutes à la vapeur). On veillera à ce que les lamelles dépassent de quelques centimètres, afin de les rabattre par la suite sur le contenu suivant: un mélange de chèvre frais, de brousse, de crème liquide, d'huile d'olivre, de feuilles de basilic hachées finement et d'agar-agar – rappelons que l'agar-agar n'est autre que le cryptique E406 figurant dans la liste des additifs alimentaires, mais c'est un mot d'origine indonésienne-malaise, et il fait plus d'effet que "produit gélifiant"…).
Rabattre les lanières de courgette sur le mélange caprin est une opération des plus plaisantes: on a l'impression d'aider une méduse à se pelotonner sur elle-même. On gare ensuite les ramequins au niveau supérieur du parking glacé qu'est le réfrigérateur et on attend au moins quatre heures (une quinzaine de feuillets traduits) avant de démouler la chose (on aura pris soin, toutefois, de rajouter une petite couche du mélange chèvre-crème au-dessus de la méduse-courgette: ça l'aide à ne pas s'affaler comme le font les véritables méduses quand on les sort du frigo). On obtient alors une "timbale" très présentable et fort succulente, qu'on peut bien sûr décorer à son goût – une demi-tomate cerise, un nuage de paprika, une spirale de vinaigre balsamique sirupeux…
L'idéal serait bien sûr de pouvoir suspendre ladite préparation au sommet d'un mât qu'on installerait au centre de la table. Ainsi, chaque invité aurait la joie, un peu naïve, certes, mais ô combien gratifiante, de "décrocher" la timbale. Après tout, il n'est pas si courant de se sustenter en bonne compagnie d'une expression menacée de disparition.
(Note: On en profitera pour rappeler aux invités que dans le 2ème mouvement de la Symphonie n° 9 de Beethoven, la timbale frappe régulièrement un rythme de sicilienne tantôt au sein de l'orchestre, tantôt seule où elle interrompt la course du Scherzo. C'est, historiquement, la première fois où la timbale sort de son rôle habituel de simple "renfort" rythmique (elle intervient parfois seule) et joue autre chose que la tonique et la dominante (la médiante ici). Ça ne leur coupera pas pour autant l'appétit).

2 commentaires:

  1. Alors, pour la timbale (en musique), sans vouloir rien retirer à Beethoven, il me revient en mémoire l'ouverture de Zaïs, de Rameau, ainsi que l'ouverture de la première cantate de l'Oratorio de Noël, de Bach (jean-Seb !), dans lesquelles la timbale me semble être un peu plus qu'un simple renfort rythmique, même si on reste sur la tonique et la dominante (du moins dans le cas de Bach, chez Rameau on est sur une hauteur unique), mais c'est aussi l'instrument qui veut ça, à l'époque il n'y avait (à ma connaissance) que des timbales à clefs, ça prenait un certain temps de changer l'accord de la peau pour obtenir une autre note, il fallait donc autant de timbales que de notes différentes à jouer...

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  2. Chorégraphie muette
    du désir

    Arracher le fruit
    à son immobilité

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