S'il y a bien un thème de société lié au monde littéraire qui fasse tache, c'est celui du succès et de ses contrecoups. C'est
vraiment la comète de Haley la plus pathétiquement aguicheuse qui traverse
régulièrement le grande vide vulcain de la presse. C'est de la grasse semoule pour tabloïd tâtillon et pourtant c'est traité comme un sujet mucho gravissimo, avec bien sûr la petite pointe – ouist! –
d'humour nécessaire à justifier ce gâchis d'encre (shplouf). Bref, plusieurs fois
par an, il faut qu'on nous serine avec "que sont-ils devenus après qu'ils eussiont
décroché la timbale" ? Vous aurez remarqué qu'avec les chanteurs, c'est
pareil, sauf qu'eux en général ils cachetonnent devant des têtes de
gondole, du moins ceux qu'on veut bien aller dénicher dans leur pavillon
de banlieue. Mais les écrivains qui ont eu le prix des prix, ou juste vendu
un nombre déraisonnable d'exemplaires, ça c'est du solide. Forcément.
Parce qu'il y a paradoxe: ce sont des hommes de l'ombre, ils travaillent
hors durée, dans l'épaisseur des mots, pas dans la gaudriole ou
l'easy-money, alors évidemment, quand le pognon et la gloire viennent
frapper à leur porte, quel effet ça leur fait? Se remet-on d'un Nobel?
Survit-on au prix Mékouille? N'est-on pas paralysé par huit cent mille
euros lourds? Passionnant, n'est-ce pas. Le chiffre va-t-il neutraliser
la lettre? Le zéro de trop vous poussera-t-il dans l'abîme? Vu que vendre c'est pas normal quand on écrit, en fait, vu que l'écriture c'est l'ombre. Stop.
Bizarrement,
c'est-à-dire pas bizarrement du tout, on s'interroge moins sur la précarité des centaines d'auteurs qui 1/ soit
galèrent comme tout le monde, 2/soit ont opté pour un "autre" métier en parallèle. Ceux qui se demandent s'ils peuvent se permettre de ne rien publier pendant un an? Ceux qui publient tous les ans mais pour un résultat aussi nul. Ceux qui touchent le salaire d'un poète. Ceux dont ne sait même pas qu'ils publient, puisqu'ils ne vendent pas.
Non, ce qui excite certaines plumes sorties d'on ne sait quel fondement, c'est ça: qu'est-ce ça fait de devenir Michael Jackson quand on était Samuel Beckett? On devient quoi? Samuel Jackson ? LOL. Ça fait quoi de pouvoir s'acheter une chemise Armani quand on a bouffé de la vache enragée? D'enfiler un smoking quand on ravaudait son jeans ? La veille Valjean, aujourd'hui Rastignac. Et puis, dites donc, qu'elle est subite cette foudroyante ascension! Deux cents pages et hop, le firmament. Vous racontez votre mal de dos et paf! Hollywood. Bon, en plus, les "victimes" en question n'y peuvent rien, le succès les a fauchés, argh. Encore heureux, a-t-on envie de dire.
Non, ce qui excite certaines plumes sorties d'on ne sait quel fondement, c'est ça: qu'est-ce ça fait de devenir Michael Jackson quand on était Samuel Beckett? On devient quoi? Samuel Jackson ? LOL. Ça fait quoi de pouvoir s'acheter une chemise Armani quand on a bouffé de la vache enragée? D'enfiler un smoking quand on ravaudait son jeans ? La veille Valjean, aujourd'hui Rastignac. Et puis, dites donc, qu'elle est subite cette foudroyante ascension! Deux cents pages et hop, le firmament. Vous racontez votre mal de dos et paf! Hollywood. Bon, en plus, les "victimes" en question n'y peuvent rien, le succès les a fauchés, argh. Encore heureux, a-t-on envie de dire.
Tiens, cette semaine c'est le Figaro qui se penche
sur ce drame: "ENQUÊTE - Certains écrivains sont écrasés par le destin
extraordinaire de leur roman, quand d'autres en jouissent sereinement.
Entre agacement, perturbation et gratitude, le conte de fées ne produit
pas toujours les mêmes effets." Bon, on l'a dit, c'est pas nouveau de ce genre
d'enquête, sauf que cette fois-ci, ils ont eu un déclic, au Figaro. Ils
sont montés d'un cran. Attention, je ne dis pas que le sujet n'ait aucun
intérêt. Il en a un bien sûr, mais bon, surtout d'un point de vue journalistique.
Parce que c'est pas le pognon qui fait dire onze conneries à la minute à
Joël Dicker, hein, il avait sûrement des prédispositions. Mais là,
attention, ils ont compris un truc: finalement, les écrivains qui ont
gagné un max avec un livre, eh bien c'est un peu comme les gagnants du
gros lot à la loterie. Ouaich. Certes, y a une petite différence, n'est-ce
pas: le gagnant à barré quelques chiffres alors que l'écrivain à
noirci plusieurs centaines de pages. Mais c'est un détail. Les deux sont
soumis au même traumatisme: too much pognon too quickly. Re-Ouaich. Genre: ils l'ont pas fait exprès. Alors un journaliste du Figaro – Mohammed
Aissaoui – a fait son travail d'enquête, de fond et de grande surface. Et il a carrément contacté Brigitte Roth (aucun rapport avec Philip…), responsable du service relations avec les gagnants de La Française des jeux pour lui demander, avec cette fausse naïveté qui est le sel du plat que tu as pas trop envie de goûter: "Un millionnaire du Loto ou un auteur à succès, est-ce la même chose?" Réponse de la spécialiste du gros chèque tombé du ciel et des détresses liées au surplus d'euros:
«Non, bien sûr. Mais dans les deux cas, il faut un soutien et une écoute. Il y a un temps d'adaptation nécessaire pour intégrer les conséquences de ce changement. On oublie trop souvent que la personne se retrouve en insécurité car ses repères sont complètement bousculés.»Conclusion du journaliste:
À quand une cellule psychologique pour les millionnaires de l'édition?
Le mur du son. Franchi à Mach III. On
se dit: est-ce bien sérieux? Mais attendez, il y a mieux. Car
l'article du Figaro, au cas où on n'aurait pas compris le papier de Mohammed
Aissaoui, est assorti d'une vidéo qui devrait en principe devenir ze vidéo du mois. M. Aissaoui en personne, filmé de face, en costume sans cravate,
nous résume la teneur de son article. Et là on a l'impression d'une
caméra cachée ou d'un truc orchestré par la troupe des Deschiens. Rien
que le début sidère: "Oui cela existe." Notre présentateur vedette va
alors nous assener, avec un sérieux qu'aurait gravement jalousé Droopy,
les mêmes âneries que dans l'article. Mais il le fait avec un sérieux
si terne et si gorgé de plate évidence qu'on croit à une farce, tout en se
doutant que non, ce type fait seulement son métier, et cherche à appuyer
par des images un propos qui rase déjà tellement les pâquerettes qu'on
doute qu'elles auront les couilles de repousser un jour. Temps réel: 1 minute 57 – à se rouler de terre par rire [sic].
Les expressions fusent, fumeuses et fatales: "Le début de ses malheurs", "un succès peut faire mal", "un succès peut être perturbant", "les sollicitations sont extraordinaires, dignes d'une star du show-biz", "s'il ne refuse pas certaines demandes, il n'aurait plus une seule journée pour écrire", etc. Le tout ânonné à la hache à beurre.
Les expressions fusent, fumeuses et fatales: "Le début de ses malheurs", "un succès peut faire mal", "un succès peut être perturbant", "les sollicitations sont extraordinaires, dignes d'une star du show-biz", "s'il ne refuse pas certaines demandes, il n'aurait plus une seule journée pour écrire", etc. Le tout ânonné à la hache à beurre.
Bref, si
vous avez des blancs dans vos soirées entre amis, je vous invite à
mater cette vidéo que le zapping de Canal + devrait reprendre et qui
pourrait figurer également sur YouTube à la rubrique: "Les 345 accidents
les plus hilarants du PAF à lunettes". Allez moteur:
J'espère qu'aucun SDF n'apprendra que cette tartouille de Brigitte Roth a déclaré que l'argent trop-d'un-coup insécurise.
RépondreSupprimerJe préférais le générique avec le rideau métallique.
RépondreSupprimerA quand une cellule psychologique pour les lecteurs et les auditeurs des papier de Mohammed Aissaoui ?
RépondreSupprimerJe ne connais pas ce Monsieur Aissaoui mais votre article m'a bien faire rire. Je dirais plutôt "A quand une cellule psychologique pour les malheureux lecteurs de mauvais romans qu'on nous a fait croire bons, parce qu'ils se vendent à des milliers d'exemplaires...?".
RépondreSupprimerBien à vous.