lundi 14 mai 2012
un roche est un roche est un roche
Flagornerie, faucon, fornication foutaise
Mais fesse et flûte aussi, tout cela comme des
Efes, des èfes (puisque la majuscule m’empêche
De faire apparaître l’accent grave. Ici : coin –
La parenthèse est à l’eau elle me ferait remarquer
Continuellement ma complaisance. La pire, je peux
Mettre trois ou quatre complaisances par poème.
Femelle du refus aux beaux italiens qui va encore
Me pomper toute chaleur tout fort vent exécrable
Ingurgitation furieux trope sans mot que celui
qui tend à l’accumulation de mots consternants
Ficelle que celle qui sort des lèvres, signet
Menstruel, floculante agitation témoin.
Ce qui est passé, je n’atteindrai plus l’affliction.
Denis Roche, La Poésie est inadmissible, Seuil, 1995, p. 575.
[photo © Christian Prigent]
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Dans la folie scribouillée, y a-t-il plus de vérité que dans le poème lentement composé ? On s’est appliqué à être fou jusqu’à laisser couler Artaud de notre sang, ne dirait pas tout-à-fait Denis Roche. Seul un lecteur borgne ou aveugle pourrait se croire dans un roman de Stephen King (Misery) ou prendre L’ombilic des limbes pour Shining. « L’écrit égale la chair, La chair égale l’esprit » (Antonin Artaud) et nous nous égarons entre fiction et perception d’une réalité fictionnelle. « La poésie est inadmissible d’ailleurs elle n’existe pas » : Denis Roche destructure le poème ou le recompose en défigurant les convictions du langage (ou la convention du langage dixit Ponge). Un percept se glisse au creux des nerfs, influe sur une réalité, sudation, grain de peau hérissé, effroi ou plaisir, il n’y a cependant que littérature érigée. Les enfants se racontent des histoires, ils aiment la littérature. Ils aiment aussi scribouiller les murs ; Brassaï, ami d’Henri Miller, a donné à voir une série de graffitis. La matière des murs dans ses photographies est une peau scarifiée d’histoire(s). Brassaï est un photographe du Dehors, il n’a eu de cesse de parcourir les rues, sans peur des contrastes, son noir est marqué, sculpteur, il cherche dans la nuit la lumière, les éclairages et les volumes qui vont donner sens et corps à l’image. On est loin de la nuit violente sans nuance, des cadrages vifs et de l’enregistrement d’une réalité crue au flash d’un Weegee. Nous sommes avec le numérique dans une ère « Weegee », où le fait divers s’imbrique dans l’histoire personnelle. Les cadrages s’empilent sur le vif comme des cadavres, « Murder is my business » (titre de la première exposition de Weegee), jusqu’à former « un mur des images »* et parasiter l’activité mentale. Naomi Klein parle de « La stratégie du choc, la montée d’un capitaliste du désastre ». Weegee a inspiré Stanley Kubrick, photographe avant d’être réalisateur. Weegee parrain sur le tournage du Dr Folamour. Mais il faudrait lire Brassaï, sans se perdre dans un labyrinthe comme dans Shining, réalisé par Kubrick. Brassaï aurait écrit 17 livres et serait écrivain en plus d’être photographe, dont deux livres sur son ami Henry Miller. Brassaï photographe du Dehors et Denis Roche photographe du Dedans. Le gris est une tonalité expressive, c’est la caresse de ce regard intime que Denis Roche pose sur les proches qu’il photographie. Sa photographie est un journal de vie personnel ; « Détruire un négatif, c'est s'amputer de ses propres ratages » alors il garde tout. Il capture en captant. Ses écrits partent du dedans, ils analysent comme pour se frayer un passage vers le dehors, avec distance, jusqu’à inviter à un nouveau sens aux choses. Va-et-vient constant du dedans au dehors plus qu’opposition définitive, les choses s’entrelacent s’entremêlent, s'embellissent, se parachèvent, se repoussent se contraignent se séparent (cf. Jean Tinguely, Alexander Calder), parfois jusqu’à vivre en parallèle sans se frôler sinon dans l’illusion (Jésus Rafael Soto, Victor Vasarely), vers la construction charpentée ou chancelante d’une œuvre finale. Tandis que les tableaux noirs, (comme celui photographié par Christian Prigent avec Denis Roche en avant-plan), s’effacent et qu’on ne cesse d’y réinscrire de nouvelles mémoires.
RépondreSupprimer* « On dit le mur du son mais il y a aussi le mur des images qui se transforme en mur du silence. » JL Godard dans le film « Comment ça va ».