Oliver Rohe, Ma
dernière invention est un piège à taupes, Éd. Inculte, 13€90

Le travail narratif et descriptif
auquel se livre Oliver Rohe procède lui aussi par rafales, les attaques de
paragraphe envoyant tout d’abord de brèves salves, puis, opérant ce mariage de
précision et d’abondance qui fait la force de l’AK-47, arrosant plus largement
la page, marquant des pauses sèches, obligeant le souffle à épouser la
rythmique de plus en plus tenue de la phrase :
Il avait grandi de quelques centimètres et il était prêt. Il n’avait rien laissé au hasard, du point de départ jusqu’à la ligne d’arrivée, tout avait été prévu et organisé depuis les combles. Dans son sac à dos il y avait assez de provisions pour tenir plusieurs jours, du pain noir, des betteraves, de la viande séchée et des pommes de terre, il y avait du linge propre, un couteau de chasse, une corde, il y avait une boussole et une carte dessinée à la main avec des croix, des cercles, des noms, des échelles de distance, une signalétique complète pour se repérer à la sortie du village, s’engager dans les bons sentiers et avancer dans les bois, sans encombre, tout au long de son trajet. […]
Jouant du double impératif –
précision, abondance –, Rohe reste tantôt tapi dans l’âme de l’arme, aux
aguets, la joue contre la crosse, tantôt laisse sa vision s’enfuir par le
viseur, pour voir, au-delà de la cible, le destin de l’arme, laquelle devient,
en dépit de sa surproduction, la marchandise idéale, monnaie d’échange en soi,
presque pour soi, qui vaut par sa seule apparition sur le théâtre des
opérations, théâtre où il n’est plus nécessaire de parader en livrée pour
prétendre à un rôle décisif. L’AK-47, première arme civile venue réinventer la
guerre dans une parcellisation outrée des territoires à défendre.
Et les taupes dans tout ça, me
direz-vous ? Eh bien, si nous étions contraints de nous terrer dans des
trous, si nous étions mal outillés pour voir plus loin que le bout de notre nez,
si nous étions considérés comme nuisibles malgré notre insouciance, nous
serions à même de nous en faire une idée plus qu’humaine…
Merci de partager cette info. J'ai trouvé cela intéressant alors bon voilà, autant vous le dire dans ce petit commentaire. Ca ne coûte pas grand chose et comme j'ai un blog aussi, moi j'aime bien qu'on me le dise ;-) Au moins comme cela je perçois un peu la qualité de mon audience. Very good !
RépondreSupprimerEt paf, après "Nous autres", retour à la fiction biographique. Me réjouis de lire ça.
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