En France on aime les prix littéraires, et plus que les livres, même. Bon, soit, un prix n'est pas censé récompenser le "meilleur" livre, car ce serait là un concept un peu stupide, et l'on peut supposer que malgré le cirque médiatique qui entoure la remise des lauriers tout le monde (hum) en a conscience. D'autant plus qu'il existe plusieurs prix littéraires, des centaines, en fait, avec chacun sa particularité, sa charte, ses magouilles, son calendrier, etc. Mais apparemment ça ne doit pas suffire. Il fallait qu'un esprit racé inventât le concept de "prix des prix", de "super prix", bref, élire l'élu, le champion, le livre qui, bien que déjà primé, a besoin d'être re-primé (et réimprimé) afin de se dégager de la foule des primés (déprimée?).
On ne s'étonnera que moyennement qu'une telle ânerie ait germé dans l'esprit d'un ponte de l'empire Lagardère, Pierre Leroy, qui bien sûr est un homme de goût, bien sûr est bibliophile, bien sûr a su garder, sous sa cape de dirigeant, un cœur rimbaldien intact. On ne s'étonnera pas non plus que parmi les membres du jurés on trouve Christine Albanel (dramaturge, hadopiphile et désormais france-télécommuniquante), Alexandre "Fnac" Bompard (qu'on croyait un peu fâché avec le groupe Lagardère, mais bon…), Marie Drucker (que ledit Bompard avait justement faire venir à Europe 1). Ensemble, après un petit lunch à l'Hôtel Meurice (voilà au moins une valeur sûre), ils décideront qui des vainqueurs de l'automne sera le super vainqueur. On a hâte de connaître le nom des sponsors.
Tout cela est bien joli, mais ne serait-ce pas un peu, comment dire… timoré? Ne pourrait-on pas aller plus loin? Viser plus haut? Se concerter avec des pays amis, européens par exemple, qui eux aussi ont sûrement des prix littéraires, et tenter d'élire, grâce à l'entremise d'un jury éclairé (composé d'élites des grands groupes de communication, par exemple), "le" livre suprême, celui qui s'est vendu le plus, a rapporté le plus de fric, en tenant compte bien sûr d'un ratio ventes/population des lecteurs?
Imaginons d'ores et déjà le bandeau rouge, élégant, qui "saignera" l'embonpoint du roman des romans, et qui, sous nos yeux ébahis, proclamera avec une humilité quasi-houellebecquienne : "Le livre qui a niqué tous les autres!"
Et maintenant qu'on a bien imaginé, lisons les autres, les perdants, les même pas sélectionnés, bref, les livres nus.
Non ? C'est pas une blague ?
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