lundi 4 avril 2011

Conseil d'orientation

Le numéro d'avril (serait-ce un poisson?) du magazine mensuel Transfuge pose cette question qu'on supposera, faute de réserve suffisante de gaz hilarant, pertinente: "Après Houellebecq, où va la littérature française ?" Nous serions tentés d'y répondre par un geste figuratif recourant au moins à un doigt, mais hélas ledit doigt nous sert à taper sur les touches du clavier, donc autant le ménager. Toutefois, la question mérite réflexion, tant ses présupposés atteignent des profondeurs où même le Cdt Cousteau n'aurait  osé s'aventurer.
Dans un premier temps, cette fulgurante interrogation laisse supposer que Houellebecq c'est fini, ce qui, bon, enfin, ne brûlons pas la rage de l'ours avant de vendre le bébé avec la peau du bain, un malheur est si vite arrivé. Dans un deuxième temps, il est suggéré qu'une littérature "va" quelque part. Ce qui, reconnaissons-le, est rassurant, même si on peut se demander ce qui va se passer quand elle aura atteint cette destination. Enfin, il y aurait un corpus défini qui formerait la "littérature française" – ce dont on doutait un peu quand même depuis les noces foireuses de Lagarde et Michard, cela dit.  Il serait donc un peu léger et irresponsable de balayer la question posée par Transfuge en recourant à des boutades, Efforçons-donc, le plus humblement possible, d'y apporter une amorce de réponse.
Pour savoir "où va la littérature française" en général, et surtout "après Houellebecq" (pas après Alexandre Jardin, hein, ni après Guyotat, nous sommes bien d'accord), il suffit, je crois, de se laisser guider par les indications suivantes: 

D'abord, rédigez tout droit sur une dizaine de romans, puis corrigez à gauche, juste après le dernier grand poème, écrivez encore sur cinq ou six pages, faites le tour du Rond-Point des Chants Lyriques, traversez d'un bon style la Place du Non-Retour, (anciennement Place de l'Hésitation) puis poursuivez votre brouillon sur une centaine de manuscrits. Là, vous arriverez à une bifurcation: ne prenez surtout pas l'Allée de la Critique-Littéraire, actuellement en travaux, empruntez plutôt la voie dite Impasse du Echouer-Mieux et une fois parvenu à son terme, faites le mur (attention aux barbelés sous les lauriers!) Ne vous laissez pas impressionner par l'aspect désolé du paysage qui s'offre (façon de parler…) à vous, marquez une pause en cornant la page blanche puis repartez après avoir allégé votre paragraphe d'une bonne dizaine  de virgules. Vous y êtes presque. Longez quelque temps le Canal Molloy, franchissez le Pont du Style Innommable. N'hésitez pas à enjamber les règles du bien écrire si vous avez peur de vous assoupir. Piquez un petit sprint afin d'en finir au plus vite avec le terrain vague de l'Autofiction, toujours marécageux en cette saison. Il ne vous reste plus que quelques chapitres à parcourir. Profitez-en pour vous restaurer en avalant quelques vers ou strophes, indispensables à une bonne remise en forme. Vous touchez au but. Si c'est le cas, rebroussez chemin et perdez-vous, croyez-moi, ça vaut mieux. Ceux qui souhaitent emporter une boussole ou tout autre instrument de localisation, peuvent toujours se munir d'un blog, mais c'est à leurs risques et périls. Non, le mieux est d'utiliser un doigt légèrement humecté pour sentir d'où vient le vent afin d'en éviter les pestilentiels effluves (eh oui, "effluve" est masculin…). Bien brandi, ce doigt devrait non seulement vous aider à vous désorienter mais également à faire connaître aux observateurs avertis votre sentiment concernant l'éventualité de la mise en place d'un transport en communs des intentions.
Allez, bonne route.

6 commentaires:

  1. "Effluve" est masculin ? et merde...

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  2. Oh les beaux jours4 avril 2011 à 12:07

    "J'avais dû perdre complètement le sens de la direction, comme si cela avait quelque chose à voir avec la question, la direction" Samuel Beckett

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  3. Bien dit! (qu'ils nous emmerdent avec leur sens aigu de l'apocalypse)

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  4. Bon pour les bac annales ,aussi.

    CIO Région Ouest

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  5. Quel est le doigt qu'il est bon d'utiliser?

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  6. Ainsi souhaitée, la route ne saurait être mauvaise.

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