mercredi 13 avril 2011

Coach toujours

Ces derniers temps, quelques écrivains ont reçu un sympathique email émanant d'une "coach d'écrivains" – Eric Chevillard en a même fait état dans son auto-fictif. Le dit email semble adressé à des écrivains qui tiennent par ailleurs un blog. En voici le texte, tel qu'envoyé:


Bonjour,

Votre blog m'a interpellé. Si ! l'écrivain fait le poids, encore plus lorsqu'il ose écrire sur son blog, à la vue de tous...sans crainte d'être épié, copié,...c'est ça la liberté, non?

Pour me présenter je suis XXX ***, Coach d'écrivains et artistes. J'accompagne des écrivains à atteindre leurs objectifs, vivre un changement, donner une nouvelle dynamique à leur activité, trouver leur bien être, leur équilibre artistique.
Voici les objectifs que j'ai pu travailler récemment avec des écrivains :
-Je veux être publier, trouver une maison d'édition
-Je veux trouver davantage d'inspiration
-Je veux "accoucher" de ma création, qui traîne depuis un an dans mon grenier
-Je veux gagner en efficacité dans l'écriture de mon roman
-Je veux faire connaître mes ouvrages

Je vous propose donc mes services pour vous accompagner dans votre objectif, votre rêve, accompagner vos idées de changement, acquérir de nouvelles compétences ou tout simplement vivre mieux au quotidien!

Je vous propose qu'on se contacte prochainement pour partager sur vos prochains projets, rêve ou envies...
Je suis à votre disposition pour tester une première séance de coaching adaptée à votre objectif !

Très cordialement,

XXX ***
Coach d'écrivains

Cette séduisante proposition, bien qu'assez ingénue dans sa formulation et totalement grotesque dans son fondement, a au moins le mérite de dégager certains axes, et de pointer ce qui, chez l'écrivain, poserait problème. Cinq objectifs sont fixés, qu'on peut ainsi résumer: 
1/ Publication; 2/ Inspiration; 3/ Création; 4/ Production; 5/ Diffusion. 
Les objectifs 1 et 5 sont fort louables, mais si vous avez déjà un éditeur, ils ne sont plus de votre ressort. En revanche, les 2, 3 et 4 sont fascinants. "Davantage d'inspiration": l'inspiration serait donc quantifiable? Serait-ce une matière, dont existeraient quelque part des stocks? Bigre, on frémit d'impatience. "Accoucher": eh oui, faute d'un quota suffisant d'inspiration (remédiable en 2), l'œuvre gît dans la poussière vétuste d'un grenier, et seule une sage-femme peut aider à lui faire descendre les marches pour, après moult gémissements et contractions, livrer au jour sa plénitude vagissante.
Mais c'est surtout le (4) qui fascine: "gagner en efficacité dans l'écriture de mon roman" – on n'est pas là pour causer rondeau ou texticule, hein. Gagner en efficacité…? Ecrire plus pour gagner plus ? Ecrire plus vite? Ecrire plus fort? Mystère… La fameuse efficacité dont il est question reste un atome insécable. On devine son sens mais elle résiste un peu, quand même.
On se dit qu'il serait peut-être bon, et souhaitable, d'envisager la création d'un nouveau job: coach de coach d'écrivain. Quelqu'un qui pourrait expliquer, en termes choisis et mesurés, à l'aspirant coach d'écrivains, ce qu'il faut dire et ne pas dire, et comment, et même: pourquoi. Naguère (voire, jadis), vivotait l'écrivain public. Voici venu le temps du coach privé. Auquel on aimerait répondre que non on ne cherche pas d'éditeur, que non on ne veut pas "davantage" d'inspiration, que non nous n'avons pas de grenier, que nous nous méfions comme de la peste de cette putride efficacité dans l'écriture et qu'enfin, pour ce qui est de faire connaître nos ouvrages, eh bien nos ouvrages s'en chargent tout seuls, à leur rythme, merci Monsieur Dumollet, et bon voyage. Et débarquez sans naufrage.
Mais ne rejetons pas d'un ton aussi badin cette proposition, qui est si ça se trouve une solution. Car, en la relisant, on se dit qu'elle pourrait peut-être améliorer l'ordinaire de quelques-uns, dont je m'abstiendrai de citer les noms. Et puis on comprend soudain: bon sang mais c'est bien sûr! Ce n'est pas qu'elle pourrait les aider: c'est qu'elle les a aidés!!!! Voilà donc l'explication! Voilà pourquoi ils écrivaient ainsi depuis des années! Grâce à un coach! De là leur surcroît d'inspiration, l'efficacité de leur écriture, sa large diffusion, ses greniers vides, etc. Ces écrivains à succès qui nous parlent d'amour après la mort, de fourmis retorses, de pépé pétainiste, de garde-à-vue cathartiques, d'écureuils new-yorkais etc – ils ont donc testé pour nous la fabuleuse "séance de coaching"! Du coup, on est rassuré. La faute n'en incombe pas qu'à leur talent.

10 commentaires:

  1. Je suis choqué. C'est un vrai scandale. Je n'en reviens pas - et pour tout dire, j'y retourne. Puisque c'est comme ça, je... je boude ! C'est vrai : pourquoi n'ai- je pas eu droit à recevoir ce message ?

    (N'empêche, on rigole on rigole, mais pour l'inspiration, notre coach doit quand même s'y connaître : il a tout de même inspiré deux billets de blog avant même de réclamer l'addition.)

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  2. Probable qu'avec ses petits doigts de fée, le même c(ockr)oach s'apprête à proposer du conseil en marketing viralo-social web 2.0 avec User Generated Content.

    Même pas besoin d'envoyer une facture, suffit d'amorcer!

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  3. Les conséquences de l'autoentrepreneur.gouv.ump.fr ?

    J'attends impatiemment la suite.

    Une grosse chaîne de tévé qui produit une starac' des écrivains en devenir, chaque semaine, un prime time, lecture publique du chapitre écrit dans la semaine, coachés par des pointures du best seller, les tévéspectateurs votent, maître Fougnasse, huissier à Villepinte sur Orsay, amène l'enveloppe avec le patronyme des élus. A la fin, un chèque de 100 keus, une publication chez TF1Editions (ça existe ?) et la postérité.

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  4. cher claro,
    comment ne pas mettre cet article en rapport avec celui, datant de décembre 2009, où vous nous faisiez découvrir les fameux "conseils aux écrivains en herbe" généreusement offerts à l'internaute par l'entomologiste - ô retorses fourmis - préféré des ménagères... il aurait donc tout piquer à son coach ? quelle tristesse...
    reste à savoir si, à l'instar de raymond domenech, autre excellent coach s'il en est, cette dame pourra prétendre à quelques dommages et intérêts (surtout des dommages, ou bien ?) pour appropriation indue de concept brillantissime... hé bé !

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  5. Ce gentil garçon a, de toute évidence, besoin d'un coach. Je vais lui proposer mes services de coach de coach d'écrivain.

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  6. Ah ah ah, le coatch d'écrivain ne se mouche pas du coude et a oublié de consulter son petite Robert avant d'envoyer sa lettre. Je suis comme Philippe, extrêmement dépitée de n'avoir pas reçu mon exemplaire de ce courrier. La faute à la poste, c'est sûr et certain.

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  7. je n'emploierai plus jamais le verbe "interpeller".

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  8. Oh les beaux jours15 avril 2011 à 08:11

    Et si c'était Philippe Sollers, je ne révèle rien, mais tout le monde sait qu'il a un grenier, tout le monde n'a pas de grenier, il est quand même dit :

    -Je veux trouver davantage d'inspiration
    -Je veux "accoucher" de ma création, qui traîne depuis un an dans mon grenier

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  9. Certains prétendent qu'il s'agit d'un canular. Je le crois volontiers - pour ma foie inébranlable en l'avenir de l'humanité.

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  10. Il s'agit peut-être de la reconversion d'une coach de placards tupperware, placards que chacun sait inrangeables mais dont on peut comprendre facilement qu'une coach s'use vite à nous en expliquer la maîtrise. Et s'est donc attaquée à la blogosphère, nouveau paradis du désordre.

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