jeudi 11 octobre 2012

Et un plagiat de plus !

Pareille supercherie ne pouvait perdurer plus longtemps. L'originalité, si elle n'est pas le but vers lequel tendre tous ses efforts, reste néanmoins la moindre des obligations à laquelle se doit de rendre l'hommage l'écrivain, et il serait bon qu'on en convînt. Certes, il n'est nul besoin de réclamer du bloggeur ou du critique qu'il se fasse le chiourme des lettres, et tel n'est point son dessein ici-bas. Mais il arrive parfois que l'érudition, alliée à la vigilance et secondée par la mémoire, permette de "lever", comme on le dit pour le gibier lors de la battue, un "lièvre" ici et là. Faut-il se taire, et ainsi laisser le braconnier des pages s'en tirer à peu de frais dans la forêt des gloires? Nous en doutons, et c'est pourquoi nous nous permettrons aujourd'hui de signaler à l'attention du lettré comme du curieux un cas d'emprunt cavalier qui fait souillure à la réputation par trop encensée de leur auteur, auteur dont l'aura montante, bien que par de nombreux aspects mérités, n'en est pas moins passible de scrutation et de méfiance. On le tient pour si habile de la plume qu'on en oublie de contrôler son ramage. Une des plus hautes récompenses littéraires plane actuellement au-dessus de sa tête altière. Sera-t-il primé? On l'ignore, tant les voies de la gratification sont tortueuses et soumises aux aléas des guerres intestines que se livrent, telles d'ivres factions, les rares éditeurs à briguer la palme et ses dividendes.
Qu'on ne confonde donc pas notre justifiée délation pour la marque d'une honteuse jalousie ou de je ne sais quel esprit retors de vengeance. Il y a va ici de la salubrité des lettres françaises. D'autres cas semblables, par le passé, n'ont que trop sévi, et l'on aurait pu espérer que le romancier moderne, dûment tancé, renonçât enfin à piller allégrement les beaux jardins de nos encyclopédies & anthologies. Or voilà que récidive il y là, et de la plus basse espèce.
Il suffira au lecteur de comparer les deux paragraphes suivants, afin de constater par lui-même l'extension coupable du délit. Le premier cité est celui de l'auteur, devenu brigand, ou pis, voleur à la petite semaine. Le second est de l'auteur pillé, qui n'a plus, trépas oblige, les moyens de se défendre. La comparaison, quasi verbatim, suffira à convaincre l'amateur éclairé que le vol est violent, quel que soit le vent qui l'a porté à ce détournement:

Les collectifs d'écrivains ont une manière de voler qui leur est propre, et semble soumise à une tactique uniforme et régulière, telle que serait celle d'une troupe disciplinée, obéissant avec précision à la voix d'un seul chef. C'est à la voix de l'instinct que ces écrivains obéissent, et leur instinct les porte à se rapprocher toujours du centre du collectif, tandis que la rapidité de leur plume les emporte sans cesse au-delà; en sorte que cette multitude de créateurs, ainsi réunis par une tendance commune vers le même point aimanté, allant et venant sans cesse, circulant et se croisant en tous sens, forme une espèce de tourbillon fort agité, dont la masse entière, sans suivre de direction bien certaine, paraît avoir un mouvement général d'évolution sur elle-même, résultant des mouvements particuliers de circulations propres à chacune de ses parties, et dans lequel le centre, tendant perpétuellement à se développer, mais sans cesse pressé, repoussé par l'effort contraire des livres environnants qui pèsent sur lui, est constamment plus serré qu'aucune de ces ouvrages, lesquels le sont eux-mêmes d'autant plus, qu'ils sont plus voisins du collectif. (Claro et alii, in Les collectifs d'écrivains, mirage ou profanation? éd. Inculte, à paraître en mars 2013)

Or il suffit de connaître un tant soit peu l'œuvre d'un de nos plus grands écrivains pour voir combien l'auteur sus-cité (ou l'un de ses comparses, on ne sait, tant chez eux le collectif est gage d'anonymat…) l'a pillé sans vergogne ni panache:

Les bandes d'étourneaux ont une manière de voler qui leur est propre, et semble soumise à une tactique uniforme et régulière, telle que serait celle d'une troupe disciplinée, obéissant avec précision à la voix d'un seul chef. C'est à la voix de l'instinct que les les étourneaux obéissent, et leur instinct les porte à se rapprocher toujours du centre du peloton, tandis que la rapidité de leur vol les emporte sans cesse au-delà; en sorte que cette multitude d'oiseaux, ainsi réunis par une tendance commune vers le même point aimanté, allant et venant sans cesse, circulant et se croisant en tous sens, forme une espèce de tourbillon fort agité, dont la masse entière, sans suivre de direction bien certaine, paraît avoir un mouvement général d'évolution sur elle-même, résultant des mouvements particuliers de circulations propres à chacune de ses parties, et dans lequel le centre, tendant perpétuellement à se développer, mais sans cesse pressé, repoussé par l'effort contraire des lignes environnantes qui pèsent sur lui, est constamment plus serré qu'aucune de ces lignes, lesquelles le sont elles-mêmes d'autant plus, qu'elles sont plus voisines du centre. (Lautréamont, Les Chants de Maldoror)

Comme l'a dit si justement Amédée Floupette: "Voici venir le temps des imbéciles."


7 commentaires:

  1. En même temps, le livre plagiaire est publié aux éditions Inculte... ils annoncent la couleur, non ?

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  2. Vol au vent, en effet (cela n'échappa pas à notre cordiale vigilence!) La tienne t'honore, délateur de toi-même!

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  3. Franchement, ce filou ne mérite ni l’air battu mille fois par les ailes, ni les perfections géométriques vibrionnantes de ces somptueux essaims…mais seulement le guano abandonné ici ou là par pure nécessité ;-)

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  4. Je ne comprends pas. Qui plagie Lautréamont ?
    Claro ou alius ?

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  5. Salut Claro,
    j'ignore ce que vous pensez de ça : http://www.teamalexandriz.org/claro-tous-les-diamants-du-ciel2012-french-ebook-alexandriz-rar/

    car autant je suis heureux de pouvoir télécharger chez eux les livres de défunts illustres (José Farmer !), autant là je suis un peu... gêné. Si c'était Zeller, encore...

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  6. Salut Claro, je ne sais pas ce que vous pensez de ça : http://www.teamalexandriz.org/claro-tous-les-diamants-du-ciel2012-french-ebook-alexandriz-rar/

    autant pour les auteurs défunts illustres (José Farmer !) je pioche allègrement chez eux, autant là ça me gêne énormément... si c'était Zeller, encore...

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