Depuis des années, les traducteurs littéraires se battent à feuillets nus pour que soit reconnu leur travail, c'est-à-dire, entre autres, pour que leurs noms soient présents sur la couverture des livres ou cités dans les recensions critiques et les notices bibliographiques. Leur cause a pas mal progressé depuis vingt ans, mais ça résiste encore. Il n'est pas rare de tomber encore sur des éditeurs qui vous expliquent que la charte graphique de leur couverture les empêche de l'encombrer avec votre nom. (C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles je signe seulement "Claro", car le gain d'encre et de place est considérable pour l'éditeur.)
Quant aux articles dans la presse, il arrive encore souvent de lire un éloge du style de l'auteur sans qu'un vague lien soit établi avec le fait de la traduction. Très récemment, Olivier Mannoni, traducteur de l'allemand, signalait une notice établie par un festival littéraire, dans laquelle il était précisé que l'auteur avait remporté… un prix de traduction. Hum. Mouais. C'est pas gagné, hein, cette histoire de reconnaissance.
Voilà pourquoi je propose les solutions suivantes – au choix – afin de régler une bonne fois pour toutes cet épineux problème.
1/ Obligation faite à l'éditeur qui refuse de signaler le nom du traducteur sur la couverture de rajouter un bandeau rouge portant, au choix, les mentions suivantes: "Ceci est un faux", "Ce livre s'est traduit tout seul", "Peu importe la langue pourvu que ça soit lu".
2/ Le traducteur pourrait aller en mairie et faire une demande de changement de nom, en proposant d'adopter celui de l'auteur qu'il traduit. Ainsi, il serait assuré de figurer sur la couverture.
3/ L'éditeur ne souhaitant pas faire mention du traducteur sur la couverture devra publier le livre dans sa version originale, en faisant figurer la traduction uniquement en note de bas de page, à raison d'un appel de note par mot.
4/ Les critiques désireux de louer le style de l'auteur mais rechignant à évoquer le nom ou le travail du traducteur devront démontrer que la langue est une donnée transcendantale qui se moque de ses incarnations bassement vernaculaires.
5/ Plutôt que des prix de traduction, on créera des Prix d'Invisibilité, dont on dissimulera soigneusement l'attribution.
6/ Tout éditeur, critique ou rendeur-compte de traductions qui omettra de signaler le nom du traducteur devra recopier cent fois la phrase suivante: "Petit bout de traduction, quand te dépetit-bout-de-traductionneras-tu? Je me dépetit-bout-de-traductionnerai quand tous les petits bouts de traduction se dépetit-bout-de-traductionneront.
Voilà. Il était temps d'agir. C'est chose faite. Et maintenant que la pluie s'abatte incessamment sur les contrevenants!
Je suis le premier à reconnaître que mon intérêt pour le travail du traducteur date de… la découverte de ce blog.
RépondreSupprimerIdem. Claro nous bonifie. Maintenant, lorsque j'entends qu'une traduction est de Philippe Jaworski ou de Claro, je jubile. Quand j'ai lu (dans la même phrase !) "Jérusalem de Alan Moore traduit par Claro", je crois bien me souvenir que j'ai joui.
Supprimer"Obligation à l'éditeur qui ne refuse de faire figurer"
RépondreSupprimer"qui refuse", plutôt, non ?
On ne peut mieux dire, merci, Claro, au nom de tous les traducteurs, dont les petitsboutsdetraduction gagneraient à être mis bout à bout par les jusqueboutistes que nous sommes forcés d'être.
RépondreSupprimerMais si forçats de l'ombre nous sommes, rien n'est écrit dans le marbre (si ce n'est celui du tombeau) et tant que le souffle anime nos plumes, grattons la page et tâtons du clavier pour prouver qu'il existe un monde en-deçà des paillettes, sans lequel une grand part de la littérature ne serait plus que l'ombre d'elle-même.
Hauts les cœurs ! Le Marathon de Toulouse n'a qu'à bien se tenir... Et il ne se tient pas très bien, cette année.
Nathalie B.
On ne peut mieux dire, merci, Claro, au nom de tous les traducteurs, dont les petitsboutsdetraduction gagneraient à être mis bout à bout par les jusqueboutistes que nous sommes forcés d'être.
RépondreSupprimerMais si forçats de l'ombre nous sommes, rien n'est écrit dans le marbre (si ce n'est celui du tombeau) et tant que le souffle anime nos plumes, grattons la page et tâtons du clavier pour prouver qu'il existe un monde en-deçà des paillettes, sans lequel une grand part de la littérature ne serait plus que l'ombre d'elle-même.
Hauts les cœurs ! Le Marathon de Toulouse n'a qu'à bien se tenir... Et cette année, il ne se tient pas très bien.
Nathalie B.
J'ai envie d'aller allumer une page sur le tombeau du Traducteur Inconnu...
RépondreSupprimer"... 3/ L'éditeur ne souhaitant pas faire mention du traducteur sur la couverture devra publier le livre dans sa version originale, en faisant figurer la traduction uniquement en note de bas de page, à raison d'un appel de note par mot. [...] "
RépondreSupprimerECLAT DE RIRE EN A MAJEUR !
Puis revenue à moi ça m'a rappelé quelquechose et, de très loin, m'est revenu le procédé d'un roman de Brice Mathieussent, grand traducteur devant l'Eternel.
A tout seigneur tout honneur!
Addendum (in case...)
RépondreSupprimerhttp://www.pol-editeur.com/index.php?spec=livre&ISBN=978-2-84682-334-0
Merci ! Et comme de nos jours plus rien n'existe vraiment s'il n'est pas filmé : http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=livre&ISBN=978-2-84682-334-0
SupprimerC'est un combat constant. Cela fait près de 40 ans que je le mène.
RépondreSupprimerÇa donne envie de devenir traducteur, tiens.
RépondreSupprimerC'était le but de ce post: décourager la concurrence.
SupprimerEt proposition d'utiliser un strip de Tom Gauld pour clarifier la méthode de traduction utilisée: http://40.media.tumblr.com/830a18a04044c00b9ca04106971ac45b/tumblr_n2bnuyapAX1rwkrdbo1_500.jpg
RépondreSupprimerNe serait-il pas plus urgent de se révolter pour rappeler aux éditeurs qu'ils doivent rémunérer correctement les traductions (et pas à 12 euros les 1500 signes VO, comme me l'a proposé un éditeur de fantasy, et pas au forfait comme on le voit de plus en plus souvent...) ? Que dans l'intérêt du texte et du travail de traduction, ils auraient tout avantage à proposer des délais corrects et à confier les corrections à des personnes compétentes ?
RépondreSupprimerJe préfère de loin l'éditeur qui ne signale mon nom qu'à l'intérieur, mais me renvoie de prépas nickel et me paie bien, à celui qui fait figurer mon nom en quatrième de couv', mais s'est ingénié à massacrer la traduction que j'avais eu la faiblesse d'accepter, pour un "tarif d'urgence" bien peu avantageux...
Non qu'il y ait nécessairement à choisir entre deux maux, mais j'ose parfois rêver que les traducteurs qui sont déjà sous les projecteurs et bossent pour des maisons respectueuses de leur boulot se préoccupent de ceux dont les conditions de travail sont bien plus... rock n'roll.
Et évoquer aussi les éditeurs qui trouvent votre proposition super intéressante, tous à la fois, et qui après avoir reçu vos échantillons de traduction, n'en accusent même pas réception et ne vous donnent plus jamais de nouvelles. Comme si on demarchait pour des aspirateurs... Cécile Lombard, qui traduit du portugais.t
SupprimerLe changement de nom ne se fait pas à la mairie mais par requête déposée devant le Garde des sceaux,au cas où certains traducteurs opteraient pour cette voie... sinon j'ai bien rien en lisant ce coup de gueule bien justifié car il n'y a pas que dans le monde de l'édition qu'interprètes et traducteurs sont mal payés et peu reconnus !!!
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