lundi 11 avril 2016

Inculte : travail en procès

Cette semaine, les éditions Inculte sortent un recueil collectif intitulé En procès. Il s'agit de raconter l’histoire du XXe siècle à travers celle des procès qui l’ont jalonné. C’est le pari qu’avait esquissé le collectif inculte dans un numéro de la revue du même nom, et auquel nous avons décidé de donner ici une ampleur nouvelle : en effet, c’est le récit de tout un siècle qui peut être parcouru ainsi, dans toute son envergure historique mais surtout dans toute sa diversité. Si certains grands procès bien connus font date et marquent irrémédiablement leur époque, d’autres, peut-être moins célèbres, plus anecdotiques, voire incongrus, en sont des symptômes plus discrets mais non moins significatifs. Ils disent toute la complexité de leur temps, de ses évolutions historiques, politiques, mais aussi morales, culturelles, esthétiques.

Parmi les contributeurs, vous trouverez outres les membres du collectif, Julie Bonnie, Marie Cosnay, Julia Deck, Pierre Ducrozet, Christophe Fiat, Christophe Manon, Emmanuel Ruben, Frank Smith…

Pour ma part, j'ai écrit un texte centré sur les procès faits aux animaux, procès très en vogue au moyen âge et qui ont disparu à mesure que l'animal se voyait, paradoxalement, octroyé des droits. En voici le tout début:


Animalia bruta. Bêtes malfaisantes : quelles sont-elles ? Viennent-elles du ciel, en frissons de nuées puis en rêches cataractes ? S’abattant rongeant décimant ? Ou écartent-elles les pans des tentes au son du clairon avant de pester et s’élancer ? Ruminent-elles au fond des océans, grésillent-elles entre les pétales, creusent-elles des ombilics dans la vase ? Ou viennent-elles sonner aux portes, la nuit, n’importe quelle nuit, toutes les nuits ? Cachées dans une botte, le dard au garde-à-vous ? Ou assises à la tribune, la tabatière du menton posée sur des mains de bouchers ? Seules avec leurs rayures dans la cage de la jungle – ou lâchant ses dogues dès que s’emplit la rampe du camp ? Bêtes malfaisantes : on ignore encore à ce jour où sont passés les scorpions ailés de l’Apocalypse.Si le mal est le démon, alors il peut élire le réceptacle qui lui sied : homme, femme, enfant, insecte, toute créature brute. Si dieu est vengeur, alors il peut envoyer l’armée qu’il lui plaît : nuages de sauterelles, troupeaux impies, averses infinies. L’esprit malin, aux temps néoplatoniciens, fait escale dans les apparences. L’animal, une escale ? Esclave, escale : ce qu’on soumet sert d’hôte au mal.Bête, brute : le b-a-ba de la bêtise passe par ce bégaiement bâtard.Egorge-t-on, ici et là ? Ô mes amis, voici venu le temps des lycanthropes.

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Collectif Inculte, En procès, 17,90€ 

1 commentaire:

  1. Les animaux ont-ils évolué à force de nous fréquenter (bien malgré eux)? Ou est-ce notre regard, pourtant au sommet de son narcissisme, qui commence à percevoir que cette "animalité" commune n'a rien de la sauvagerie qui nous autorise, nous humains, à abdiquer toute dignité?
    Saint-François d'Assise (puisqu'on parle de procès) a "parlé" aux oiseaux, au loup de Gubbio, le lien pour lui était évident... Est-il en train de le devenir pour le plus grand nombre? On y retrouverait peut-être notre humanité...

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