Qu’est-ce que la culture ? Un récipient ? L’intérieur du
récipient ? La main qui s’empare, à bon escient, dudit récipient ?
Lire, voire, entendre : ainsi se décline en apparence l’opération
consistant à ne pas rester nu. Mais la multiplication des lectures, des
musiques, des choses vues, l’errance des sens, les pièges de la mémoire et la béance
du regret ::: comment créer dans cette salle où nous convoquons sans cesse
des tripotées d’échos ? Comment oublier les faramineuses réminiscences, les
fines résonnances, les cracheurs de vœux et souffleurs de vers ? qui nous
poussent et nous bousculent ? Est-il même possible d’aligner deux dés sans
que leur total se réclame d’une piste où tous les acrobates forment des
lettres ? A force d’absorber des formes, risquons-nous d’ankyloser une
vision qui aspirait au jeûne, à la modernité du squelette renaissant ? Pourtant, comment museler l’alexandrin rutilant
de Rimbaud, les comparaisons en vrille de Lautréamont, comment voler plus haut
que le christ aéroplane d’Apollinaire, pourquoi négliger Breton dans l’alphabet
des nuits urbaines, casser des bouts d’Artaud au moment de lâcher le
corps ?
On l’a compris : ce qu’on appelle culture – cette culture qui se
constitue plus qu’on ne la constitue, qui enfle et se fragmente au hasard des
drames de la vie, des heures d’ouverture des librairies et des conseils
délivrés par les fantômes – cette culture qui n’a de générale que ses
approximations rêvées ::: forme un "recueil improbable" que nous compulsons à
notre (inlassable) insu.
C’est sans doute la raison pour laquelle l’écrivain passe ses heures d'écriture à décevoir ses attentes pour mieux faire dévier ses espoirs. Les
strates sur lesquelles nous griffonnons grincent telles les lattes d’un sommier
que d’autres semblent continuer d’étrenner. Dans la nuit de notre inquiétude, ça parle encore
en baudelaire, ça continue de lamartiner, des spectres hugolisent, d’anciennes
tribus tarkosisent, on croit même entendre des poltergeists cadioter ici et là.
Qu’importe. Les outils valsent. Les formes fêlent. Les recettes débordent. Nous
apprenons, nous ratons, nous guyotons, volodinons. Echos, aimantations,
tensions. Silences, stupeurs, sources d’étonnement et de détours. A la rencontre
d’un autre que soi, tout en fragmentation, confusions, effusions. Puis, à force
de déplacements ::: frapper sa diction – et procéder à l’alphabétisation
de ces milliers de petits soi qui voulaient prendre le pouvoir et qui, renvoyés
d’un coup sec de la glotte au néant extérieur, se changent en gammes – et
enfin, dans l’abandon d’hier,
s’absenter silence, mais en musique.
Magnifique! Je songe au "Cyclone" de F-Y Jeannet....
RépondreSupprimerAvez-vous encore erré solitaire dans votre mardi, vous cognant aux quatre angles de votre plafond de phrases? C'est en tout les cas joliment versé, d'une carafe à un verre de Bohème, un vin frais à notre midi dépeuplé, sont-ce tous ces mots qui chassent l'amitié?
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