Raymond Federman Les Carcasses Editions LaureLi, 12 € En librairie le 9 septembre
Les Carcasses est peut-être une méditation sur la mort, peut-être une description de ce que deviennent les livres après avoir été lus. Federman n’a pas peur des ombres et s’amuse à décrire l’impertinent cimetière où nos êtres échouent avant d’être recyclés, nolens volens, après la mise à zéro de nos petits compteurs. Il est question de « transmutation », autrement dit de réincarnation, de nos avatars futurs, serons-nous mouches ou fleurs, qui nous renverra de nouveau au vaste compost galactique ?
La fable tissée par master Federman pétille agréablement sous la langue, tant qu’on feint de ne pas entendre sous ce terme craquelant de « carcasse » celui, plus gluant, de « charogne », car si le ton est à la gambade philosophique, l’auteur n’en perd pas moins de vue l’horizon pourrissant où tout ça finira : la mouche se prend une claque, la fleur finit la queue dans l’eau saumâtre, le lion bouffe de la carne viciée, la capote anglaise se fait déchiqueter par les rats une fois la chasse tirée… Et comme toute fable qui se respecte, celle-ci ne fait pas l’économie du politique : certaines carcasses aimeraient être transmutées plus vite que d’autres, ce sont les fanatiques, elles agacent les autorités qui, bon, on sait combien les autorités aiment le changement…
Federman joue ici un peu les Prévert, mais le ton naïf qu’il manie est plus griffant qu’il n’y paraît, plus « anthologie de l’humour noir » que « pêche à la baleine » – surtout, le mantra que devient le mot « carcasse » dans le texte « dicté » par RF à son « enregistreur » (simple dictafaune [sic] ou ange greffier ?), texte uniquement ponctué de tirets comme autant de claquements de langues gourmands, ce mantra permet une mise en bouche assez jubilatoire. Federman y va même d’un petit aparté sur la mort de la littérature, au cas où l’on s’obstinerait à ne voir en ces carcasses que des âmes détaxées, et nous donne une liste de titres qui semblent, ma foi, prouver, que le cadavre de la littérature bouge encore… « Le Tunnel – La Mort de la littérature et autres histoires – L’Arc-en-ciel de la gravité – Textes pour rien – T/zéro – Quitte ou double » : autrement dit, différemment écrit : Gass, Ehrman, Pynchon, Beckett, Calvino… et Federman ! Le deuxième texte cité par l’auteur est une curiosité – renseignement pris auprès de Federman, il s’agit d’un ouvrage écrit par son grand ami, Jacques Ehrmann, mort à l’âge de 41 ans, publié anonymement en 1971 par les éditions de L’Herne, « un livre très curieux, avec à la fin un essai absolument brillant ». (Ainsi, au sein d’un livre, se cache souvent d’autres livres, qui n’attendent que notre curiosité pour renaître…)
La fable tissée par master Federman pétille agréablement sous la langue, tant qu’on feint de ne pas entendre sous ce terme craquelant de « carcasse » celui, plus gluant, de « charogne », car si le ton est à la gambade philosophique, l’auteur n’en perd pas moins de vue l’horizon pourrissant où tout ça finira : la mouche se prend une claque, la fleur finit la queue dans l’eau saumâtre, le lion bouffe de la carne viciée, la capote anglaise se fait déchiqueter par les rats une fois la chasse tirée… Et comme toute fable qui se respecte, celle-ci ne fait pas l’économie du politique : certaines carcasses aimeraient être transmutées plus vite que d’autres, ce sont les fanatiques, elles agacent les autorités qui, bon, on sait combien les autorités aiment le changement…
Federman joue ici un peu les Prévert, mais le ton naïf qu’il manie est plus griffant qu’il n’y paraît, plus « anthologie de l’humour noir » que « pêche à la baleine » – surtout, le mantra que devient le mot « carcasse » dans le texte « dicté » par RF à son « enregistreur » (simple dictafaune [sic] ou ange greffier ?), texte uniquement ponctué de tirets comme autant de claquements de langues gourmands, ce mantra permet une mise en bouche assez jubilatoire. Federman y va même d’un petit aparté sur la mort de la littérature, au cas où l’on s’obstinerait à ne voir en ces carcasses que des âmes détaxées, et nous donne une liste de titres qui semblent, ma foi, prouver, que le cadavre de la littérature bouge encore… « Le Tunnel – La Mort de la littérature et autres histoires – L’Arc-en-ciel de la gravité – Textes pour rien – T/zéro – Quitte ou double » : autrement dit, différemment écrit : Gass, Ehrman, Pynchon, Beckett, Calvino… et Federman ! Le deuxième texte cité par l’auteur est une curiosité – renseignement pris auprès de Federman, il s’agit d’un ouvrage écrit par son grand ami, Jacques Ehrmann, mort à l’âge de 41 ans, publié anonymement en 1971 par les éditions de L’Herne, « un livre très curieux, avec à la fin un essai absolument brillant ». (Ainsi, au sein d’un livre, se cache souvent d’autres livres, qui n’attendent que notre curiosité pour renaître…)
Enfin, le lecteur découvrira, pour sa plus grande édification, une liste des plus célèbres transmutés, qui ne dépareillerait pas dans une sequel des Grandes têtes molles signalées par Isidore Ducasse. On n’en citera qu’une, pour activer les papilles : « Bouvard et Pécuchet – en Mercier et Camier lors de leur 3e transmutation »…
[Du même auteur, on lira, aussi en rentrée, et avec une intense délectation, réédité chez la même LaureLi, La Fourrure de ma tante Rachel.]
quelle merveille, quelle merveille!
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