Tin-Man perd les boulons

On savait les requins marteaux, voilà maintenant le Bûcheron en fer-blanc doté d'un redoutable doppelgänger: Monsieur Ferraille!

L'heureux éditeur du Pinocchio primé de Winshluss nous sert en cette rentrée un album métalliquement incorrect, signé Winshluss & Cizo, mettant en scène non seulement cette crapule salace de Monsieur Ferraille – imaginez Tin-Man phagocyté par le professeur Choron… – mais ses "créateurs", les dénommés Waltshluss & Gonzo. Monsieur Ferraille, c'est un ami qui vous veut du bien, et ça fait mal. Sa tête de seau mal boulonné évolue au gré des avatars que lui infligent ses inventeurs, avatars indexés aux différents styles graphiques que sa turbulente présence traverse.
Non seulement ce super-héros libidineux est prodigue en conseils douteux pour les chérubins acnéiques, mais ses aventures calamiteuses rencontrent au fil du temps un faramineux succès. Du coup, Gonzo et Waltshuss intéressent tous les pays, la France en guerre, la France collabo, le Troisième Reich, les dogues de Staline. Nos dessinateurs s'adaptent avec une louable flexibilité, échappant de peu aux griffes du Führer qui est allé jusqu'à concevoir une "arme abzolue", Mr. Fürhaille! (On peut rire de cette extravagance, mais ce serait oublier le succès de Disney en 38 au pays de Goebbels et consorts… )Du décapant pour l'ami en fer-blanc! La double page dans le style constructiviste – "A l'assaut de la 3ème année du plan quinquennal"! – est une réussite absolue: Ferraille au pays des Soviets, c'est quelque chose, surtout quand ses auteurs se voient obligés de fuir avec Laïka dans l'espace…
Le terme "irrévérencieux" semble bien guindé pour qualifier cet album jubilaboratoirissime où Ferraille se tape Marguerite Duras, pelote Natacha l'hôtesse de l'air, dissémine les roublignolles de Ric Hochet et surtout – surtout – propose une fascinante formation pour devenir majorette. On l'aura compris, un des événements de la rentrée littéraire est en couleurs, fait klonk-klonk quand on tape dessus et peut résoudre tous vos problèmes – ou presque.
Alors reposez doucement ce roman débile spécial trentenaire dépressif déjà périmé qui n'a pas besoin de vous et qui se trémoussait sur sa pile des nouveautés telle une écrevisse sur une bouse de mayonnaise, et filez dare-dare au rayon BD, claquez 20 euros et profitez des promos d'enfer du supermarché Ferraille (et oui, l'album recèle quelques coupons alléchants, je pense en particulier aux 3 tongues pour le prix de 2 à 19€99, et à la croisière autour du monde sur un paquebot ukrainien, 29€99 pour les garçons, gratuit pour les filles!).
Allez, soyez généreux, et le Neuvième Art vous le rendra au centuple!