mardi 27 mai 2008

Le poing sur l'aktu

Koid'9? Cannes est fini et Pialat pleure. Rien de neuf sous le soleil de satin [sic]. Il paraît qu'Angot revient, que le tango revient, que Richard Millet go go go! Heureusement il y a Coover au Comptoir des mots le 3 juin, et Laure Limongi le 18 au même Comptoir pour parler d'Hélène Bessette, qui n'a pas de leçon à recevoir des Américains puisqu'elle écrivait, alors que nous n'étions qu'une larve littérante, une prose desquamante. On lira donc Suite Suisse, et tout le reste. On lira aussi L'Or des fous, paru chez Gallmeister, récit indispensable à tout pynchonien qui se respecte de l'histoire de Telluride (Colorado), écrit par un baroudeur à la fois nomade et mélancolique, à la plume trempé dans l'œil de lynx et le cul de basse fosse, où chaque paragraphe est comme une pierre sur laquelle la main crispée se hisse vers l'étape flamboyante suivante – Rob Schultheis. Sous-titre: Vies, amours et mésaventures au pays des Four Corners. Une bonne partie de Contre-jour, de Pynchon, se passe à Telluride, cette ville minière percluse d'antiques mythes et désormais immonde resort bourge pour skieurs friqués. Schultheis est un poète inné, doté de crocs, de griffes et qui sirote sa métaphore et ménage ses coups. Un extrait suffira à mettre les karmas à l'heure: "Le fauve le fixe sans ciller de ses grands yeux phosphorescents, pareils à la lumière qui s'échappe d'un réacteur nucléaire. Cronk cronk slurp cronk. Ses mâchoires, qui auraient pu briser en deux une batte de base-ball aussi facilement qu'un gressin, fouaillent le tartare de cerf et il avale des pintes de sang encore chaud pour faire descendre le tout." C'est traduit – magistralement, symbiotiquement, jubilatoirement – par Marc Amfreville. Sinon, on peut relire L'Art Poétique, de Paul Claudel, et s'interroger : "Comme la main de celui qui écrit va d'un bord à l'autre du papier, donnant naissance dans son mouvement uniforme à un million d emots divers qui se prêtent l'un à l'autre force et couleur, en sorte que la masse entière ressent dans ses aplombs fluides chaque aport que lui fait la plume au marche, il est auc ciel un mouvement pur dont le détail terrestre est la transcription innombrable." En blind test, j'aurais dit: Pynchon. Sous le soleil de Satan: Depardieu flagellé, Sandrine Bonnaire et sa volubile confession, Pialat psalmodiant. Satan: pas vu pas pris. Contre-jour. Aujourd'hui, évidemment boulevard Saint-Germain, j'ai croisé Ana Karina dans la rue, après l'avoir (re)vue (avec Louison, The Godard-Golden-Girl) la veille au soir dans Une femme est une femme. Contre-jour, vous dis-je. Pialat pleure et tout le monde n'a pas la classe.

1 commentaire:

  1. Rencontré Guyotat au Lieu Unique, là où vous étiez, il y a trois semaines. Le lisant, l'écoutant, j'ai toujours dans la tête ce que vous avez si bien énoncé, sur France Cul :
    « Je vais t'apprendre à me lire »

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