mercredi 16 septembre 2009

Allez comprendre (mais revenez vite)


Lu, entre deux sauts à l'élastique, sur le site Actualittéraires.com, le parachu… pardon, le paragraphe suivant :

"Enfin ! Le Goncourt ! Tant attendu. Tant espéré. À croire que le monde littéraire ne vit chaque année que pour lui. Et pourtant, impossible de passer à côté de la sélection des quatorze titres du Goncourt."

Jamais syntaxe n'a été aussi révélatrice (et, ma foi, aussi énigmatique). "Tant attendu": soit, mais par qui ? Sûrement "le monde littéraire", sujet d'une des phrases suivantes. Mais peut-être est-ce une illusion, d'où ce magnifique "à croire que" – ça serait trop énorme pour être vrai, en dépit des apprences, qui sont souvent trompeuses. Mais le plus beau, le plus mallarméen, c'est le "et pourtant" placé en tête de la dernière phrase: "Et pourtant impossible de passer à côté…"

Impossible pour qui? Pour le monde littéraire? Ben non, lui ne vit que pour ça, on vient de le dire, faudrait suivre. Pour Actuallitéraires.com? Oh, sûrement pas, c'est leur boulot de parler de ces trucs, après tout, comme l'indique le nom du site, concrétif à souhait. Il doit donc s'agir des gens qui ne font pas partie du monde littéraire, qu'on suppose nombreux. Les lecteurs, peut-être? Ouais, on va dire que c'est ça. Alors comment comprendre cet obscur "et pourtant", chu vraisemblablement d'un désastre journalistique, qui semble signaler un paradoxe, lequel soulève une vague esquisse d'étonnement (on pense à Galilée, pas moins)?

Hum. Scratch-scratch.

Allez, creusons-nous les méninges : le Goncourt obsède le monde littéraire (éditeurs, écrivains et critiques littéraires,) mais malgré ça, les lecteurs sont également obsédés par le Goncourt. Pourquoi sont-ils obsédés? Simple: ils ne peuvent échapper à la sélection. Pourquoi? Parce que cette sélection est reproduite partout. Entre autres par Actualittéraires.com. En gros le message, grossièrement subliminal, serait: "Nous parlons du Goncourt pour constater que tout le monde en parle, pas pour en parler, mais du coup nous en parlons quand même, puisque si tout le monde en parle il n'y a aucune raison pour que nous n'en parlions pas, alors parlons-en."

On pourrait imaginer (imaginons!) que tout le monde se mette à parler du Goncourt pour dire que personne n'en parle, mais sans doute l'effet obtenu serait-il le même. Et pourtant…

Bon, d'accord, tout ça n'est pas très clair, aussi je propose qu'en attendant d'y voir plus clair tout le monde relise Les Loups, de Guy Marius Paul Mazeline, né le 12 avril 1900 au Havre, fils de Alphonse Mazeline et de Elise Hélène Suzanne Jaqueneau, marié le 18 décembre 1924 à Claire Louise Dors. Oui, le type qui a eu le Goncourt en 32, coiffant superbement au poteau un certain Louis-Ferdinand Céline. Et pourtant… (comme dirait la sentencieuse et sibylline sphinge Actualittéraires.com).

3 commentaires:

  1. Boarf, les prix littéraires, il y en a tellement qu'on croirait une fabrique de bandeaux rouges à coller sur les bouquins. A tel point que je me demande même si les lecteurs y font gaffe, désormais.
    Bandeau rouge pour un prix, bandeau rouge pour indiquer "par l'auteur de...", bandeau rouge "par l'acteur de...", bandeau rouge "le plus vendu aux USA", bandeau rouge "déjà plus de X millions de lecteurs", bandeau rouge "aura bientôt un bandeau rouge", bandeau rouge "n'a jamais eu de bandeau rouge", etc etc.
    Le premier qui collera un bandeau vert...gagnera un prix.

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  2. Ce monde de rosée
    est un monde de rosée
    pourtant et pourtant.
    Kobayashi Issa

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  3. Ca revient souvent cette constatation que l'appel à la norme fait la norme ces derniers temps sur ce blog,non? En tout cas, je ne vais pas m'en plaindre, je trouve que ça donne des articles savoureux, merci!

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