mercredi 12 novembre 2025

Détruire tout: Ce que dit le lauréat Bernard Bourrit


 Lundi 10 novembre, l'écrivain Bernard Bourrit recevait le prix Wepler-Fondation La poste pour son livre Détruire tout (éditions Inculte). A cette occasion, comme il est de coutume, il a prononcé un bref discours lors de la remise du prix. Le voici dans sa (presque) intégralité: 



 Bonsoir à toutes et à tous, Je ne serai pas long. C’est une expérience vraiment étrange et déconcertante pour moi de me tenir ici devant vous afin de recevoir ce prix. J’étais loin de me figurer en commençant à écrire Détruire tout que mon livre susciterait un quelconque intérêt au-delà du cercle confidentiel de lecteurs auquel j’étais habitué. Alors, tout d’abord, je tiens à exprimer ma joie. L’immense joie que j’éprouve à voir mon ouvrage mis en lumière. Il y a derrière cet honneur que vous me faites ce soir un long chemin d’écriture tracé le plus souvent dans l’ombre et l’indifférence. Et cette joie, je voudrais la partager avec celles et ceux qui l’ont rendue possible. Je remercie donc chaleureusement l’ensemble des membres du jury qui a eu le courage de choisir un livre iconoclaste. Je voudrais également exprimer ma gratitude aux éditions Actes Sud et à mon éditeur, ici présent, Claro […].

 

Si j’ai commencé en vous disant que c’était une expérience déconcertante de m’exprimer devant vous, c’est que, de toute ma vie, jamais je n’ai attendu un quelconque avantage pour mon travail d’écrivain. Pas plus que je n’ai cherché à me mettre en évidence, ou encore à parler à la place de mes textes. Pour moi, un texte s’exprime toujours mieux que son auteur ; et c’est l’inverse qui me paraît problématique. C’est donc l’occasion de rappeler que Détruire tout est entièrement fait de la voix des autres. En m’immergeant longuement dans les archives pour reconstituer le féminicide qui constitue le cœur et le nœud de mon livre, je voulais surtout, et d’abord, faire résonner au présent les voix du passé. Des voix qui précisément n’étaient pas celles de l’auteur. C’est à force de me demander comment m’y prendre pour ouvrir le récit à sens unique qu’avait produit la presse de l’époque que la réponse s’est imposée d’elle-même : en multipliant les échos et les points de vue, quitte pour cela à faire sauter le cadre de la représentation. C’est l’histoire du joujou cher à Baudelaire, comme un enfant, j’ai entrouvert la mécanique de ce fait divers, et je l’ai secouée à la recherche de son âme. Évidemment, je ne l’ai pas trouvée.

 

Je voudrais conclure en partageant avec vous une dernière pensée qui m’est venue récemment en songeant à mon livre. Détruire tout a été écrit dans une perspective féministe, c’est indéniable. Toutefois, il ne s’attaque pas frontalement aux structures patriarcales. Il s’attaque à la société des « pères » : c’est une distinction subtile peut-être, mais importante à mes yeux, et qui légitime mon geste d’écriture, car, si je ne suis pas une femme, je suis au moins un fils. Ce glissement (du patriarcat au père, de la structure à la figure) ne fonctionne que si l’on accepte de désaxer le centre de gravité du mot « père ». Si l’on accepte l’idée que quiconque revendique un territoire où exercer sa force mérite ce titre. Si l’on accepte l’idée que le propre d’un territoire, parce qu’il institue un « tout », c’est d’exclure. Cela posé, nous cherchons tous, et toujours, mes personnages, vous et moi, à occuper une place et à jouer un rôle dans le maillage de ces territoires qui s’enchevêtrent. C’est-à-dire trouver à exister dans l’exclusion que ces territoires fabriquent. Que ce soit dans la résignation, la révolte, la liberté ou la violence. Sous cet angle, on le voit, c’est une autre histoire qui commence de se raconter. Mais assez parlé. Merci à tout le jury ! Merci à la Fondation La Poste ! Merci pour ce précieux encouragement ! Merci à la brasserie Wepler !

jeudi 6 novembre 2025

Le sceptre et le poireau

 


À lire la "critique" qu'a rédigée Frédéric Beigbeder sur La maison vide de Laurent Mauvignier, on se demande bien pourquoi on paie des gens pour faire de la critique littéraire s'ils ne savent pas en faire. Bien sûr, FB a le droit de ne pas avoir aimé le livre de LM mais dans ce cas-là, pourquoi, d'autant que lui-même est censé être écrivain, ne nous explique-t-il pas ce qui le dérange dans l'écriture de Mauvignier, par exemple la structure de son livre, les thèmes qu'il aborde, la manière dont il les traite, les motifs qu'il tresse, les mouvements de sa phrase, son sens de la répétition, etc? En effet, la moitié de son article consiste à énumérer les prix littéraires reçus par l'auteur (et alors?), à dire que la lecture en est pénible (mais encore?) et à le traiter en gros de notaire. Bon, le fiel c'est bien joli, mais un peu de démonstration ne ferait pas de mal, non? Hélas, la suite est à l'encan. Comme c'est un livre "gros" et qui "parle d'une maison", Beigbeder compare avec Claude Simon et Georges Perec, deux références qui n'ont ici guère de pertinence, surtout celle à Perec. Si le livre avait fait cent pages, il l'aurait sûrement comparé à La Maison Tellier de Maupassant ou au conte des Trois petits cochons…

À court d'argument, Beigbeder s'en prend alors aux éditions de Minuit, une maison d'édition qui selon lui formerait "une famille consanguine". Hum. C'est vrai qu'avec deux Nobel, on frôle l'inceste… Mais bon, côté famille consanguine, Frédéric doit servi au Figaro, mais passons. Enfin, dernier coup (mou) d'estoc, cette idée que Mauvigner commet l'erreur de croire que sa famille est intéressante. Là, on ne sait plus quoi dire. C'est un peu comme si on disait que Beigbeder commet l'erreur de croire qu'une critique vide est intéressante – ah non, là c'est pas pareil en fait.

Bref, tout ça pour dire que "descendre" un livre, surtout un livre ambitieux, demande autre chose qu'un plumeau rhétorique usé et une balayette à trous. Mais c'est là tout l'intérêt des critiques négatives: elles doivent jongler avec une verve acide (normal) tout en restant pertinente, argumentée, crédible, susceptibles d'ouvrir une discussion. Quand ce n'est pas le cas, quand la critique négative se contente d'astiquer le petit poireau intérieur autour duquel grimpe, comme un lierre fade, son ego, on se retrouve avec un article de ménage qui ne correspond pas aux dimensions de la pièce à nettoyer.

Mais il est vrai qu'argumenter c'est du travail, ça demande un peu de réflexion, or c'est fatiguant, surtout quand on a mieux à faire, comme de faire le pitre à la Pérouse tous les samedis soirs. En tout cas, on peut reprocher tout ce qu'on veut à Beigbeder, on n'est bien obligé de reconnaître qu'au niveau incompétence critique, il est d'une constance impressionnante.

samedi 25 octobre 2025

L'arrachement à soi: Julien Burri au chevet des peaux

 


Écorché vif: cette expression pourrait parfaitement convenir à Ce que peut un cœur, de Julien Burri, tant le narrateur traverse un état "à fleur de peau", depuis qu'il a été confronté à un corps inerte livré à des regards anatomistes. Oui, quelque chose en lui bascule alors, ou plutôt se retourne, comme si notre être était un gant susceptible de révéler son envers suite à une confrontation traumatique. Le fait est que, depuis qu'il a eu vent d'une certaine séance où des étudiants étaient conviés à dessiner un corps écorché, afin de mieux apprécier la complexité des muscles, le narrateur veut en savoir plus, veut savoir surtout ce que signifierait ce "savoir plus", ce qu'il pourrait lui apporter, s'il va remuer des souvenirs anciens, des peurs récentes, tout son être.

En compagnie de C, qui fut amené à dessiner ce corps jeune et anonyme, il y a plus de trente ans, il va donc tenter de déplier cette peau mémorielle, de déchiffrer ce parchemin au grain tari qui fut non seulement enveloppe mais plaque sensible, où s'imprimèrent des sensations, qui connut des gestes, finit par se figer avant que des médecins stabilisent le processus de décomposition et le livrent aux regards, aux sagacités, aux interrogations d'étudiant.es ayant toute la vie devant eux.elles.

Commence alors un étrange parcours dans les archives réelles et mentales de l'écorchement, quand les corps ne sont plus soumis aux étreintes mais à la dissection, à l'embaumement, à l'amputation, à la préservation. Le narrateur, au cours de son enquête, ne fait pas que soulever des "pans", il sent aussi qu'en lui "s'exhument" des choses tues. Et c'est là toute la beauté poignante de ce texte que de faire dialoguer découverte de ce qu'est la dissection et révélation de qu'en nous le temps a déchiré. L'art et la médecine se sont penchés sur ces gisants contrariés, ont tenté de leur arracher le secret du vif – le narrateur, lui, aimerait que ce "vif" à jamais nié remonte à la surface du corps. Et désormais tout ce qui l'entoure semble lui parler d'un réseau nerveux et sanguin, la ville qui a oublié ses rivières, les arbres à la sève discrète, jusqu'à l'autre qui demeure un squelette emmaillotté de chair.

Ce que peut un cœur est le récit d'une quête aussi essentielle que bouleversante. Avec une délicatesse d'écriture extrême, une sensibilité aux silences et aux failles, Burri parvient à mêler recherches historiques et introspection douloureuse, étude rigoureuse du corps entrouvert et scrutation des angoisses enfouies. Notre inconscient est l'organe le plus rétif à la dissection.

Mais Ce que peut un cœur, en dépit des noirceurs et douleurs qu'il explore, est un livre éminemment lumineux. En dépit des apparences, malgré son souci élégiaque, ce "roman" se veut un éloge de la respiration retrouvée. Comment, au filtre d'un frère-défunt, rendre perceptible un "soleil en train de naître dans [une] poitrine".

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Julien Burri, Ce que peut un cœur, La veilleuse

lundi 20 octobre 2025

Dans le passé des gens pour qui mourir n'est qu'avenir


Si j’allais dans le temps, si dans le temps je savais aller, m’en aller, dans le passé je glisserais, me coulerais, en divers points et croisées du temps, dans tous les ici et les là qui forment cette constellation d’impossibles étoiles à partir de laquelle feindre de lire le passé. A partir de laquelle le relier à d’autres passés.

 Dans le passé lointain, le passé écarté, celui qui ne me comprend ni ne me voit pas. Dans le passé invinciblement dépassé où jamais je n’ai marché du vivant de ma vie, j’irais d’un pas égal, sans attirer l’attention, afin que les futurs morts ne sentent jamais sur moi l’odeur de l’autre temps, mon relent de présent différent. Un pas devant l’autre, comme on marche dans la rue, j’irais, dans le temps doux et figé d’autrefois, la longue rue du fini. J’irais chargé, de choses, dans mes grandes poches ou dans un sac. Je les déposerais, ces choses, les laisserais aussi bien ici que là, des choses de mon temps à venir.

Dans le passé des gens pour qui mourir n’est qu’avenir, guère plus, je laisserai ces choses du temps autre, en espérant qu’un jour elles passent à l’attaque, et se prennent d’amour pour ceux et celles qui, par hasard ou curiosité, les découvriraient. Je me vois poser une lampe électrique sur la table de nuit d’un meunier de mille huit cent vingt, et dans la besace du voleur de onze cent trente glisser un téléphone portable, dans la caisse à jouets de la fillette d’un comte de mille six cent trente enfouir un réveille-matin, sur une pierre dans la grotte du chasseur néanderthalien un sachet de cocaïne, dans la bibliothèque d’un lettré du temps de Marignan (1515) un roman de gare ou de Flaubert.

Si j’allais et venais dans le temps, je ferais tout cela puis reviendrais dans mon clair présent et j’attendrais. J’attendrais qu’il se passe quelque chose qui atteste que ces gestes par moi accomplis n’ont pas été vains, pas anodins. Je serais patient. Je serais impatient. J’attendrais d’entendre la musique des morts, des morts imperceptiblement contrariés.

jeudi 16 octobre 2025

Une géguèrre après l'autre: PTA en déambulateur nostalgique

 


One Battle After Another?

Un fastidieux cartoon, n'arrivant pas à combiner émotion et action, aventure et caricature, PTA réussissant l'exploit improbable de faire du trépidant "mou", au moyen d'un faux suspense qui semble promouvoir un ennui distillé, coupant ses scènes dès qu'il s'aperçoit, mais trop tard, qu'elles sont déjà finies depuis trois minutes, se perdant dans des redites et des redondances sans intérêt frôlant le didactisme, chaque acteur jouant sa partition outrée et complaisante sans la moindre interaction avec l'autre, le chaos filmé à la louche, les idéaux traités comme des démangeaisons, le tout encombré d'allusions pynchonesques et laborieuses qui jurent et nuisent à l'ensemble, plein de gimmicks usés, tartinant une énième et poussive "Prisonnière du désert", s'enlisant souvent dans une pathétique parodie de blackexploitation — bref une grosse machine finalement très lourde et très conventionnelle, où le propos central (la défense des migrants) se dilue vite dans une petite quête généalogique courue d'avance, avec de méchants ploutocrates et des activistes benêts ou sectaires, et un rapport à la sexualité qui sent le dortoir pour ados.

Ne sachant sur quel film danser, le réalisateur piétine de la pellicule au kilomètres, délaissant l'essence de la bataille pour s'enfoncer dans un slapstick vainement étiré et au final invertébré.

Graham Greene / Le Dixième Homme (5)


ÉPISODE 5 – DU SUIF EN TRADUCTION –

Une fois de plus, force est de constater que les traductions vieillissent, et ce souvent pour les mêmes raisons : un lexique et/ou des expressions que le temps n’a pas retenus ; mais aussi: le déploiement du sens au détriment de la rythmique. Prenons la première phrase du livre :
« Most of them told the time very roughly by their meals, which were unpunctual and irregular.”
La traduction, qui est cette fois-ci de Robert Louit, donne ceci :
“La plupart d’entre eux marquaient le passage des heures de façon très approximative d’après les repas, qu’on leur apportait à intervalles irréguliers, sans aucune ponctualité. »
Certes, rien ne se perd du sens dans cette version, si ce n’est que la concision originelle (16 mots) se retrouve péniblement dilatée – presque une trentaine de mots en français. Le « very roughly » appelait peut-être une solution plus resserrée, et la nuance entre « unpunctual » et «irregular » n’est peut-être pas nécessaire en français. Je propose donc :
« La plupart d’entre eux devinaient plus ou moins l’heure d’après leurs repas, servis pourtant de façon irrégulière. »
En gros, dix-sept mots (je ne compte pas les articles élidés…). Ici, l’idée qui préside à la traduction vise à limiter le fameux « coefficient de foisonnement », que j’ai déjà commenté dans des épisodes précédents. Il importe (selon moi) que le lecteur français lise à la même cadence – mieux vaux sacrifier quelques pions (souvent redondants) plutôt que de gâter l’allant de tel ou tel mouvement. Certains mots et certaines formulations – même si l’action se passe pendant et juste après la Seconde Guerre mondiale – ont désormais des sonorités obsolètes : « l’antiquaille se déglingue » (pour une montre qui est détraquée), « un délit d’ordre sexuel » (pour un viol), « une charade en action » (pour une saynète).

Là encore, rien ne garantit que la nouvelle traduction supportera mieux l’épreuve du temps – l’œuvre est datée, et rien ne peut, ni ne doit, gommer sa spécificité linguistique, telle que déterminée par l’époque. Mais l’on peut, non sans prudence, faire que la poussière qui la menace conserve un certain lustre. Après tout, on restaure bien les tableaux anciens que le temps a suifés.


mercredi 15 octobre 2025

Graham Greene / Le Dixième Homme / Journal de traduction (4)


ÉPISODE 4 – DECHIFFRER LE MONDE 

Dans Le Dixième Homme, dès les premières pages, il semble que l’existence – et les menaces qui pèsent sur elle – requiert ce qu’il convient d’appeler simplement, et ce littéralement, une « lecture ». Les prisonniers éprouvent un besoin vital de lire l’heure à leur montre. Quand l’un d’eux s’aperçoit qu’il a oublié de remonter sa montre, c’est un véritable drame. Il a perdu la clé du temps, or le temps était la seule chose qu’il possédait encore, du fait qu’il pouvait encore le mesurer. Et lorsque les prisonniers vont devoir décider lesquels d’entre eux vont être fusillés, ils recourent à un tirage au sort – mais bien sûr, il leur est impossible de « lire » la croix dessinée sur le papier qu’ils vont tirer. Par la suite, c’est par l’écrit – l’acte de donation – que Chavel va sauver sa vie. Puis Chavel peut devenir un autre – Charlot – parce que le gardien de la prison lui a remis un bout de papier portant ce nom.

L’importance des signes prend d’autres aspects, et le monde devient pour Chavel l’équivalent d’une page qu’il ne doit plus signer de son vrai nom sous peine d’être démasqué :
« […] c’était comme si, bien qu’aucun être humain ne prononçât son nom, chaque panneau aux croisements allait le trahir ; les semelles de ses chaussures signaient son nom sur la marge de la route, et les planches du pont qui enjambait la rivière émettaient une note personnelle sous ses pas qui lui paraissait aussi reconnaissable qu’un accent ».
Il manque se trahir en signant une liste de commissions : « il n’y avait quasiment aucune différence entre sa signature actuelle et celle figurant au bas de l’acte de donation ». Certains bruits sont également à déchiffrer : « Les marches grinçaient sous ses pieds, mais à la différence de ses pas vers Brinac, elles ne voulaient rien dire ; elles étaient de nouveau hiéroglyphes que personne n’avait appris à déchiffrer. » Même le col d’une chemise est assimilé à un « papyrus ». Quant à l’église de Brinac, la vision qu’en a Chavel/Charlot parle d’elle-même : « […] il pouvait voir la laide église de briques rouges, dressée comme un point d’exclamation vers le ciel, achevant une phrase qu’il ne pouvait déchiffrer d’ici. » Et quand Chavel et Thérèse marchent sur la route qui mène à Brinac, on assiste à l’équivalent d’une conversation : « Ses pieds à lui avançaient inexorablement telle la plaidoirie d’un avocat ; les pas de la jeune femme, eux, étaient irréguliers comme une succession d’interjections »

Enfin, bien sûr, les noms mêmes ont leur importance, puisque cesser d’être Chavel pour devenir Charlot se révèle vital. D’ailleurs, au moment de mourir, Chavel/Charlot ne parviendra pas à signer son nom en entier, et laissera au bas du document qu’il signe un simple « Ch… ». Une sorte de « chut » inachevé, unique garant du silence qui sied à la mort et au repos d’une conscience. En fait, en échangeant sa vie contre une autre, et en changeant d’identité, Chavel fait du monde un livre truqué, dont il convient de déchiffrer les signes inversés. Ce qui atteste de son identité est désormais une menace ; en désignant la chose, le mot devient dangereux. Tout est devenu affaire d’interprétation.

Comme souvent chez Greene, la perte d’identité (volontaire comme ici, ou accidentelle comme dans Le Ministère de la peur) semble pointer vers une duplicité existentielle. Nous ne sommes que celui que nous acceptons d’être en fonction des autres. A nous d’en faire une force ou une faiblesse. Et bien sûr, la figure de l’espion exprimera chez Greene la gestion idéale de cette double personnalité. Se faire passer pour est le meilleur moyen de passer à travers les mailles d’autrui.

mardi 14 octobre 2025

Graham Greene / Le Dixième Homme / Journal du traducteur (3)


ÉPISODE 3 – LA FIGURE DU LÂCHE – 

Tout comme dans Deux Hommes en un, Le Dixième homme met en lumière (et en ombre) un personnage de lâche. Dans le premier roman de Greene, Francis Andrews est lâche parce qu’il a peur – peur de son père, peur des contrebandiers, peur de la mer démontée, etc. Et par une logique viciée, il a peur d’être vu comme le lâche qu’il se savait être. Dans ce roman, Chavel, lui, est lâche pour des raisons à la fois similaires et différentes. Ayant échangé sa vie contre celle d’un autre, afin de la sauver, il vit dans une honte perpétuelle. C’est la peur de mourir qui a motivé son geste. Par la suite, sa lâcheté le pousse à se faire passer pour un autre, afin de n’être pas détesté (de Thérèse). Chavel a conscience qu’à la fin de la guerre, ce sont les collabos qu’on va traquer, mais lui a été fait prisonnier des Allemands, il n’a pas collaboré. Pourtant, son crime semble aussi grand, sinon plus grand. Il a collaboré, en quelque sorte, avec le diable (on a vu dans un post précédent qu’il avait conclu une sorte de pacte faustien). Mais si Faust-Chavel a sauvé sa vie (tout en se sachant damné), il est devenu également comme Job : il s’est dépouillé de tout ce qu’il possédait. Sa vie est désormais son seul bien. Et l’on verra à la fin du livre qu’il va « rendre » ce bien dont il a démérité par sa lâcheté.

Jamais Greene ne porte de jugement sur la lâcheté des hommes – à la différence de Sartre, il ne crée pas une typologie du salaud. Tous ses personnages, quelles que soient leurs faiblesses, ont des raisons d’être ce qu’ils sont, et ce qui importe à Greene c’est qu’ils prennent la mesure de ces raisons, et même s’ils ont un libre arbitre, Greene insiste toujours pour resituer ce libre arbitre dans son contexte. Nos actes sont dictés certes par notre caractère, mais ce caractère est plus ou moins malléable face aux circonstances. On ne naît pas lâche ni courageux, on le devient. Face à cette inquiétante évidence, tout jugement se révèle péremptoire, voire arrogant. Non que Greene cherche des excuses à ce qui, au final, relève d’un choix personnel et assumé, mais il refuse la posture du juge, préférant celle, peut-être, du « prêtre », qui écoute et pardonne au nom d’une entité supérieure.

Mais Greene pardonne-t-il ? Qu’on en juge par soi-même : dans Deux Hommes en un, Francis Andrews se suicide à la fin. Dans Le Dixième Homme, Chavel pousse à bout Carosse pour que ce dernier lui tire dessus, se suicidant ainsi par la bande, si on peut dire. Le jugement final revient donc au « coupable », qui échappe à la justice des hommes en se condamnant lui-même et en exécutant lui-même sa peine. Faut-il voir le suicide comme l’ultime courage du lâche – ou une ultime lâcheté ? N’oublions pas que le suicide a été longtemps l’obscur compagnon de Graham Greene, qui, très jeune, a fait plusieurs tentatives (timides, avortées) pour mettre fin à ses jours, allant jusqu’à jouer (il l’a prétendu, du moins), à la roulette russe. Et rappelons-nous le titre qu’il a donné à son « autobiographie » : Ways of Escape. Des moyens de s’évader…

lundi 13 octobre 2025

Greene / Le Dixième Homme / Journal de traduction (2)

EPISODE 2 – LA PERSISTANCE DU DOUBLE – 

Décidément, on pourrait écrire toute une thèse sur le motif du double dans l’œuvre de Greene. Le Dixième Homme met une fois de plus ce motif à l’honneur, non seulement dans son intrigue, qui voit un homme prendre la place d’un autre, mais jusque dans le personnage d’un de ces hommes, à savoir ici le maire, Chavel, cet homme qui en prison, après avoir tiré au sort le mauvais bout de papier (ceux qui le tirent sont désignés pour être exécutés par les Allemands), propose une somme d’argent importante pour qu’un autre homme prenne sa place. Greene s’amuse alors à nous le dépeindre comme dissocié : tandis que le Chavel paniqué supplie ses compagnons de le laisser vivre en échange de sa fortune, un Chavel « calme et sans honte » se moque de cet homme paniqué, le félicitant pour ses dons d’acteur puis lui reprochant de marchander. C’est, de façon stupéfiante, exactement le même artifice dont il use dans Deux hommes en un, lorsqu’il met en scène Francis Andrews en perpétuelle discussion avec « le critique en lui ».


Cette obsession de Greene pour l’homme habité par un autre, qui le juge, le moque, est typique et révélatrice de sa conception de l’homme : nous sommes tous partagés entre notre personnalité immédiate, contingente, celle qui réagit aux malheurs, aux choix à prendre, et une autre « persona », qui prend plaisir à nous mettre face à nos contradictions, pointe nos ridicules, et nous fait bien sentir que notre éthique est chose fragile. L’autre en nous : une sorte de dibbouk amusé et distant, un horla narquois, qui gagne à tous les coups : soit nous cédons à ses raisons, soit nous nous enferrons dans l’erreur : dans les deux cas, ce « critique intérieur » l’emporte, soit par son influence, soit en démontrant combien nous sommes prévisibles dans certains contextes. Et c’est comme si cette « division » intérieure, parce qu’irrésolue, et insoluble, faisait boule de neige et contaminait toute l’intrigue, s’incarnant pour de bon via des personnages, des situations, des pensées, etc. Parce que double, nous nous faisons « doubler », au sens de gruger, tout en essayant de duper autrui. Nous sommes tous des agents doubles embarqués dans la pire guerre humaine qui soit : celle qui voit s’affronter notre éthique et notre intérêt.

Cette histoire de double prend chez Greene une dimension quasi faustienne. De même que dans le mythe de Faust, le diable propose une seconde vie en échange de son âme, de même c’est ici la vie sauve que Chavel est prêt à acheter en offrant tout ce qu’il possède – à un moment, Chavel demande au serveur d’un café : « Est-ce que vous croyez au diable, Jules ? ». On assiste ici à un étrange renversement : c’est comme si les rôles s’inversaient, et que celui qui accepte l’argent en échange de sa vie concluait à son insu, à son corps défendant, un pacte faustien, un pacte où il perd la vie mais s’enrichit (tout en sachant que cette richesse, il n’en profitera pas, il la donne à son tour à ceux qui vont lui survivre, c’est-à-dire sa famille, comme si la malédiction se devait d’être transmise). Qui est le diable : celui qui offre sa fortune en échange de sa vie ? celui qui renonce à la vie en échange de la fortune d’un autre ? Chacun, semble-t-il fait un choix où l’éthique est malmenée : le premier pense que tout peut s’acheter, même la vie d’un autre ; le second pense que sa vie, parce qu’on lui en propose une fortune, mérite d’être sacrifiée.

dimanche 12 octobre 2025

Sirat, ou le droit chemin dans l'abîme


Le film d'Oliver Laxe, Sirat réussit à cocher toutes les cases qu'il semble imprudent de cocher au cinéma. Psychologie évacuée, intrigue expédiée en un quart de tour, relations humaines réduites à la portion congrue, émotions volatiles, douleurs rentrées, quête explosée, destins condamnés, fuite vaine, drames repliés sur eux-mêmes – et pourtant, malgré tout cela, le "récit" fracturé auquel nous assistons dans l'impuissance la plus vibrante, est plus que jamais éloquent: dans une ambiance désincarnée où les raves seraient les vestiges d'un désir collectif, où le désastre planétaire se double d'une interdiction de fêter la fin du monde, des individus acculés dans leur ultime désarroi décident d'avancer, d'avancer encore, quitte à errer dans le désert et danser sur des mines.

C'est bien sûr désespérant, mais d'un désespoir qui semble faire de l'insistance à respirer et marcher une forme souveraine de résistance. Alors que la plupart des films s'ingénient péniblement à agencer des dialectiques fumeuses ou à jongler avec de fastidieux renversements, Sirat fonce dans une nuit à jamais transfigurée, où des humains-particules explorent à leur âme défendante d'absurdes mouvements browniens, livrés à un éco-système décharné. Rongé par une musique trance, le décor tremble de tout son vide ocre. Les corps oscillent ou carambolent, les enfants disparaissent, l'éternelle police sévit. La radio crache ses défaites. On est dans les faubourgs du néant, et seule la liberté du corps reste à fêter

Eloge de la fuite dans tous les sens du terme – fuir sa condition, ses affects, ses proches, jusqu'au Temps et l'Espace –, le film s'affranchit de tout message pour offrir une vision radicale de notre déjà-après-monde. En arabe, 'sirat' désigne le "chemin droit" – libre au spectateur de donner un sens adéquat à cette "droiture" suggérée.

Graham Greene / Le Dixième Homme / Journal de traduction (1)

L'édition du Troisième Homme que publient les éditions Flammarion (sous l'égide bienveillante, la houlette attentive et la férule amicale de Bertrand Pirel), est accompagnée d'un court roman intitulé Le Dixième Homme. C'est donc reparti pour quelques épisodes de ce journal du traducteur



ÉPISODE 1 – L’AUTORITÉ DE L’AUTEUR –

Une fois de plus, il semblerait qu’il faille se méfier des déclarations d’un auteur habitué à brouiller les pistes. Dans sa préface au Dixième Homme, Greene affirme avoir complètement oublié ce récit qui dormait dans les archives de la Metro-Goldwyn-Mayer. Soit. Il apprend ainsi, un jour de 1983, par un Américain, que la MGM a proposé d’en vendre les droits à un éditeur, et il se souvient alors avoir vaguement signé un contrat en 1944 avec la MGM, à partir d’une simple idée, juste quelques lignes, et ce afin de mettre les siens à l’abri financièrement. Mais lorsque l’inconnu lui envoie le manuscrit, il ne s’agit pas de quelques lignes, mais d’un court roman, que Greene a la surprise de trouver « très lisible », allant même jusqu’à prétendre qu’il le préfère au Troisième Homme. Qu’en est-il exactement ?


En 1943, Greene travaille comme éditeur avec Douglas Jerrold pour la firme Eyre & Spottiswoode, l’éditeur de la King James Bible, où il est chargé de développer le département Fiction – il publiera ainsi Titus Groan de Merwyn Peake, ainsi que The English Teacher de R. K. Narayan. Pendant cette période, Greene se remet à écrire : la libération de la France s’accompagne alors d’un cortège d’histoires, d’anecdotes, d’atrocités et Greene « pitch » Le Dixième Homme à Alexander Korda en vue d’en écrire le scénario. Le 6 novembre 1944, il signe un contrat avec la MGM, pour une somme de 1500£, contrat dans lequel il abandonne les droits de l’œuvre à venir à celle-ci. Greene écrit alors ce court roman et l’envoie à la MGM.

Redécouvert des années plus tard, les droits du Dixième Homme sont rachetés par l’éditeur Anthony Blond. Une fois de plus, comme cela avait été le cas pour Le Troisième Homme, Greene estime que le texte n’a été écrit que pour donner lieu à un scénario, non pour être publié tel quel. Il s’oppose donc à sa publication. Blond passe alors un accord avec l’éditeur de Greene, Bodley Head, afin qu’ait lieu une coédition en 1985 – et Greene de toucher 22 000 £ de royalties l’année suivante.

Greene a-t-il vraiment oublié qu’il avait écrit ce livre, un roman dont le titre résonne aussi fortement avec celui du Troisième Homme ? Le fait est que, dans la bibliographie officielle de Greene, publiée en 1979, et disponible en bibliothèque, figure Le Dixième Homme, dont il est précisé qu’il s’agit d’un manuscrit inédit. Oui, car Greene avait vendu un exemplaire du manuscrit, ainsi que d’autres écrits, à l’Université du Texas, y adjoignant une lettre de son agent adressé à un bibliophile que ce titre intéressait. Ce bibliophile avait demandé à Greene s’il était possible d’en envisager la publication, mais Greene lui avait fait savoir par son agent que la MGM en détenait les droits. La lettre de l’agent est datée du 30 mars 1967. Il était bien sûr plus intéressant, au niveau promotionnel et lucratif, d’accréditer la thèse du fameux (et précieux) « manuscrit perdu ». — Perdu, oublié, refusé, loué, publié : la mémoire de Greene est une drôle de machine, décidément.

samedi 11 octobre 2025

Graham Greene / Le Troisième Homme (12)


Épisode 12 – UN SECOND TROISIEME HOMME –

La chose est connue : Graham Greene était ami avec Kim Philby, cet important officier des services secrets britanniques qui se révéla être un agent russe. Philby avait deux autres complices, infiltrés comme lui au MI6, et quand ces derniers furent démasqués (mais après avoir été exfiltrés en Union soviétique), les soupçons se portèrent alors sur un mystérieux «troisième homme », qui n’était autre que Philby. Ce dernier, qui avait huit ans de moins que Green, avait été son superviseur lorsque l’écrivain, recruté par les services secrets, était chargé de surveiller les activités de l’Abwehr allemande au Portugal en 1943. Démasqué à son tour, Philby alla se réfugier en URSS où il passa le reste de sa vie, et où Greene lui rendit visite. En 1968, Greene préfacera le livre de Philby, My silent war, et écrira ceci :
« La fin, bien sûr, justifie les moyens aux yeux de Kim Philby, mais c’est là une conception adoptée, peut-être moins ouvertement, par la plupart des hommes impliqués dans la politique, si l’on juge par leurs actes, que ces hommes politiques soient un Disraeli ou un Wilson. ‘Il a trahi son pays’ – oui, peut-être l’a-t-il fait, mais qui parmi nous n’a pas trahi quelque chose ou quelqu’un qui soit plus important que son pays ? »
Le fait est que Le Troisième homme n’est pas sans lien avec la personnalité de Philby. Rappelons tout d’abord que Philby avait été présent à Vienne en février 34, et qu’il avait contribué à cacher des gens dans les égouts de la ville avant de réussir à les faire sortir d’Autriche clandestinement – nul doute qu’il en avait parlé à son ami Graham. Et puis il y a les conditions dans lesquelles Greene recueillit des informations sur Vienne. A son arrivée, à la mi-février 1948, seulement doté d’une vague idée de l’histoire qu’il compte écrire – une phrase notée au dos d’une enveloppe en septembre 47 –, il déjeune avec le colonel Charles Beauclerk, un contact du SIS (le fameux MI6), qui l’emmène entre autres escapades faire une visite des égouts, et l’informe également de l’existence d’un trafic de pénicilline. C’est du moins la version « officielle », que donne Greene des sources de son inspiration dans le second volume de son autobiographie, Ways of Escape.

Mais le fait est que c’est une autre rencontre qui l’aide à bâtir son récit. En effet, à l’instigation d’Elizabeth Montagu, une assistante du producteur Korda, Greene rencontre un correspondant du Times, Peter Smollett. Ce dernier, de son vrai nom autrichien Hans Smolka, a travaillé pour le département russe du Ministère de l’information, où il a fort bien pu croiser le chemin de Greene. C’est surtout un espion russe, proche de Philby. Et il a déjà rédigé plusieurs articles sur les égouts, les patrouilles de police dans Vienne, et le trafic de pénicilline. Or, quand Elizabeth Montagu lit le premier jet de Greene – que celui-ci rédige rapidement, en Italie, entre le 2 mars et le 24 avril 48 –, elle s’inquiète de ce que le journaliste puisse faire un procès à son producteur pour plagiat. Il s’en suivit un contrat signé avec Smollett, où moyennant 210 £, il s’engage à ne pas chercher de noises à la production. (Pour l’anecdote, dans une scène du film, on entend le colonel ordonner au chauffeur de sa jeep de l’emmener dans un bar. « Smolka », lance-t-il pour seule indication…)

vendredi 10 octobre 2025

Marche ou crève : Quand King éclate le crâne de l'Amérique


Comme la ville où j'habite possède un cinéma d'art et d'essai, je ne me prive pas (moyennant cinq euros) d'aller voir tout ce qu'ils passent (ou presque). C'est ainsi qu'hier soir, n'écoutant que mon courage, je suis allé voir Marche ou crève, sans savoir de quoi il s'agissait, juste ce que c'était un film labellisé "horreur" et interdit au moins de seize ans. Or il se trouve que Marche ou crève, réalisé par Francis Lawrence, et adapté de The Long Walk de Stephen King est tout sauf un film d'horreur, plutôt une fable radicale sur l'Amérique actuelle. Imaginez: cinquante jeunes marchent sur une route, soi-disant pour redorer le blason d'un pays ravagé par une guerre interne (on n'en sait guère plus, mais visiblement la misère règne), le but de cette "manifestation" (l'inverse en fait d'une "manif") est réduire le nombre de participants à un seul, le dernier à survivre à cette rando de l'enfer.

Oui, car ceux qui lambinent ou traînent la jambe ou capitulent sont abattus séance tenante. Le film se "résume" donc, d'un point de vue cinématique, à des plans sur des corps qui avancent, des visages qui souffrent, des êtres qui parlent: les rivalités cèdent peu à peu la place à une camaraderie tragique (puisqu'il n'y aura qu'un seul "gagnant"). Et cette longue marche est supervisée et encouragée par une sorte de généralissime autoritaire, une sorte de père tout sauf spirituel qui mène cette mini-nation de marcheurs à sa perte inéluctable. Sans concession, rythmé par la chute de quarante-neuf corps abattus, le film se concentre sur quelques destins déjà brisés, attirés au début, pour certains, par l'appât illusoire du gain, mais découvrant à mesure que leur parcours christique se rapproche du golgotha de la ligne d'arrivée, que seule la solidarité peut faire front contre la folie quasi trumpienne qui les manipule.

Stephen King, executive producer du film, a par ailleurs modifié la fin de l'histoire, par rapport à celle proposée dans son roman. En passant du contexte initial (la guerre du Vietnam) à l'Amérique selon Crazy Trump, le récit implacable de King s'offre une fin nettement plus radicale. Un peu comme dans cette autre version de la chanson de Vian, Le Déserteur, qui s'achevait par ces mots : "et que je sais tirer."

PS Si j'ai le temps je vous parlerai de Sirat. Mais pas de L'intérêt d'Adam (bof bof) ni de Nino (aussi vide que creux).