Il n’est pas question ici d’aborder
la question de l’écriture inclusive, mais plutôt de s’interroger sur la
réaction « solennelle » des membres de l’Académie française, lesquels
viennent de publier un communiqué, ou plutôt une « déclaration »,
afin de faire savoir tout le mal qu’ils (ou elles ?) pensaient de ladite
écriture inclusive. On ne s’attardera pas sur les raisons invoquées
pour mettre en garde contre son application. En revanche, on notera deux points
intéressants. Tout d’abord, nos éclairé.es académicien.nes, bien qu’éclairé.es, « voient
mal l’objectif poursuivi », et comment cet objectif – non précisé
dans leur déclaration – pourrait faciliter l’apprentissage du français. En
outre, on notera que dans leur texte on ne trouve à aucun moment un seul terme
évoquant, même de façon purement lexicale ou périphérique, la question de l’égalité
hommes/femmes. Pas une seule fois les mots égalité, parité, femme, féministe, genre, domination linguistique… Non, l’écriture inclusive dont il est fait ici
mention semble se heurter à une pensée éminemment exclusive. La seule
problématique envisagée par l’Académie est celle de l’acquisition d’une langue
– comme si la langue était un bien, un produit – et de son usage – comme si
etc. L’écriture inclusive est considérée comme cause d'un « redoublement de
complexité » – ce qui au final servirait d’autres langues (l’anglais de
Shakespeare ?) qui, n’ayant pas de problème de genre identique, en profiteront
« pour prévaloir sur la planète ». My tailor is a bitch, quoi.
Aveuglement, déni, paranoïa,
étroitesse d’esprit ? Rien de tout cela. L’inquiétude des Académiciens est
réelle, immense : selon eux (elles ?) la langue française est « en
péril mortel ». Mortel ?
Mortel, comme dans coup mortel ? comme dans violence conjugale ?
comme dans viol ? Non, mortel comme dans ouh-là-la. Peu importe les
raisons qui motivent l’émergence ou l’application de l’écriture inclusive. Peu
importe que la langue, creuset de conscience, véhicule en son sein même le
patron de la domination masculine. Non, le péril est mortel. La langue, aussi,
donc. Une goutte de féminin et voilà l’océan linguistique pollué ! La
langue serait alors « désunie ». Comme scindée. Fendue ? L’Académie
rappelle par ailleurs sa mission : codifier les innovations de la langue.
Le Larousse définit ainsi le verbe « codifier » : normaliser. Mais
ici, normaliser une innovation revient en fait à la refuser et la nier en bloc. Alerte Jument de Troie!
La langue inclusive n’a pas fini
de faire débat. Elle a pour l’instant le mérite d’obliger les gardiens du
temple à se positionner clairement. Où va-t-on, se demandent ces derniers
(dernières ?) si l’usage ajoute à la langue « des formes
secondes et altérées » ? Le féminin pluriel de ces termes résonne
péniblement, et nul doute pour que certains hommes les femmes sont, ni plus ni
moins, des « formes secondes et altérées ».
suis femme, et j'ai eu goût - pas facile à mon époque - pour métier encore masculin (depuis ça s'est ouvert) - mais je trouve stupide et laide cette écriture, de toute façon je décide que le masculin n'existe pas, c'est le neutre, et le féminin est un petit privilège limité à certains mots
RépondreSupprimerAmusante corollaire: la même joure, l'Acacadémie française décernait sa Grande Prise de la Romane à la livre de Danielle Rondelle, "Mécaniques du chaos". C'est dire en effet si la défense de notre langage.e et de notre lis-tes-ratures a de belles joures devant elle...
RépondreSupprimerCe n'est pas tellement la langue française qui souffre de cette écriture inclusive, mais bien plutôt la société, qui apparaît plus déchirée et plus divisée que jamais. C'est un peu le fameux "vivre ensemble" qui en prend un coup. Et ces points (de rupture) ne sont que le révélateur de ce déchirement. Bien sûr, après DSK, Weinstein, Baupin, Cantat, etc. On ne peut, on ne doit être que féministe. Mais enfin, la société d'aujourd'hui se résumerait-elle donc à cela : d'un côté de vilains porcs, de l'autre d'innocentes victimes ?
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