jeudi 31 janvier 2008

Vaches


P.O.L vient de publier Vaches, de Frédéric Boyer. Et Frédéric Boyer vient de traduire les Confessions de saint Augustin en Aveux. Quel pas mène de pâture à confesse? Ou plutôt: qu'est-ce qui, en nous, ne cesse de ruminer? Dans Vaches, Boyer oblige la langue à épouser la pierre de sel de la disparition. Celle de ces bêtes impensantes projetées hors notre conscience. La vache dont nous parle Boyer est tout à la fois la masse sourde plantée dans le pré et l'absente de nos bouquets ruminants. Elle est ce vent investi de vie que nous en voyons pas. Que nous ne voyons plus. Les vaches se pressent contre la clôture de notre iniquité. Est-ce à dire que Boyer fait de la vache un symbole, une icône, l'élément d'une équation? Non. Boyer laisse la vache aller à notre oubli comme au champ. Il la laisse le/nous conduire hors la page, comme Artaud et Homère avant lui, vers un sombre abattoir qui nous mérite. Au merlin nous voilà condamnés, nous qui avons renoncé à toute spiritualité bovine. L'écriture de Boyer, qui a l'acuité d'un Chevillard et la prescience d'un Guyotat, nous apprend, in extremis, un douloureux mais nécessaire penser-vache. Une "constellation céleste", dit Boyer. Mais peut-être Boyer n'utilise-t-il que le mot "vaches"? Peut-être n'en presse-til que la pulpe abstraite et cependant juteuse? La gravité de ce livre tient à cette évidence d'écrivain: l'objet tenu à bout de main ne se réduit pas à sa monstration. Il se laisse "traire" de son sens. Pour remplir d'autres seaux plus profonds. Texte mystérieux, texte religieux, Vaches, en soixante pages, piétine le peu de suffisance qu'il nous restait.

1 commentaire:

  1. Juste une info en passant : Mme a levé un sourcil intéressé sur "Aveux". Elle compare avec la dernière trad des Confessions qu'elle a en sa possession (ce mot-là, dans un commentaire sur St Augustin, j'vous jure, c'est involontaire).
    Et pendant que j'y suis: elle attend toujours une certaine trad en braille...

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