mercredi 9 janvier 2008

Epynchonophanie


"Les cieux étaient interrompus par des nuages orageux gris foncé qui se déplaçaient telle de la pierre en fusion, mouvante et liquide, et la lumière qui se frayait un chemin à travers eux se perdait dans les champs obscurs pour se recomposer le long de la route blême, si bien qu’on ne voyait souvent que la route, et l’horizon vers lequel elle filait. Dally se sentait parfois comme éclaboussée par toute cette exubérance verdoyante, trop de choses à voir, chacune réclamant sa place. Feuilles en dents de scie, en forme de pique, longues et minces, aux extrémités émoussés, duveteuses et veinées, grasses et poussiéreuses en fin de journée – fleurs en cloches et en grappes, violettes et blanches ou jaune beurre, fougères en étoiles dans les coins sombres et humides, des millions de voilages verts tendus devant les secrets nuptiaux nichés dans la mousse et sous les taillis, tout cela passait près des roues grinçantes et cahotantes dans les ornières pierreuses, étincelles visibles seulement dans le peu d’ombre qui les caressait, une pagaille de formes minuscules en bord de route qui semblaient se bousculer pour former des rangs volontairement ordonnés, des herbes dont les amateurs de ginseng connaissaient les noms et les prix sur le marché et dont les femmes silencieuses là-haut sur les contreforts, ces homologues qu’ils ne rencontraient jamais la plupart du temps, savaient les propriétés magiques. Ils connaissaient des destinées différentes, mais chacun était l’envers secret de l’autre, et l’éventuelle fascination qui les unissait était éclairée, sans l’ombre d’un doute, par la grâce."
(Thomas Pynchon, Face au Jour)

10 commentaires:

  1. TRANCHEE NOCTURNE

    Dans la nuit mercurielle, des femmes au goût de miel traversent le glen insomniaque. Partout, des formes de Highlanders, amazones ou vipères, environnées d'étranges atmosphères,parsèment de leurs lumières le manteau des abysses nocturnes. Des concrétions nuageuses forment une pélerine au vent, étincelantes nuées anthracites qui bruissent de la réverbération des géants. D'un prisme au calice de soie, des traits solitaires désagrégent les toits, émondant de leurs sourires occis, les arômes de fin d'un soupir d'Italie. Des armes brillent sur des rateliers noirs, luisantes de la saveur cannibale qu'on trouve dans les Mers du Sud, rayons de poudre des corsaires du froid, épées et cierges à la poignée de bois, filets d'argent des servants de la foudre. Tous les reflets du prisme scintillent devant le visage de l'amputée qui postillonne sur les fragances amoureuses de l'aurore une bave chargée de diadèmes, comme une proue de mandarine au chant délicat d'étamine, la larve luminescente des toxicos de l'inutile, l'empreinte de joie d'une perle d'opaline.

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  2. Pas mal mais forcé. On sent la volonté à l'oeuvre, comme si l'auteur voulait s'étonner lui-même ou se convaincre de ce qu'il écrit. Et on a l'impression qu'au-delà des mots, la sensation n'existe pas, que la nature décrite n'est qu'une phrase, qu'au fond Pynchon écrit pour écrire, par éboulement, mais n'a qu'un sujet purement rhétorique.
    (Et n'allez pas vous énerver contre moi, uniquement parce que j'ai mis en doute l'écriture de votre dieu. Merci. )

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  3. Wow !
    P.Q.P(Petite Question Pinailleuse) :
    NRF = Jusqu'au jour
    Clavier Cannibale = Face au jour
    And the winner is...?

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  4. Page 70. J'ai mis un moment à trouver, mais c'est bon.
    J'aime assez le "sans l'ombre d'un doute", à la fin. Et d'autres choses (par exemple le contrefort bien placé, avec son "contre" qui s'est déplacé d'un mot rapport à l'original mais qui reste).

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  5. quote Estragon :
    "Et on a l'impression qu'au-delà des mots, la sensation n'existe pas, que la nature décrite n'est qu'une phrase, qu'au fond Pynchon écrit pour écrire, par éboulement, mais n'a qu'un sujet purement rhétorique."

    Il me semble que l'objet de l'écriture n'est pas uniquement de constituer un miroir de la nature mais aussi d'inventer une sensation qui n'existe qu'en elle et par elle. La rhétorique peut être vivante elle aussi, dès lors qu'il n'est pas simplement question de trucs et ficelles, ce qui ne me semble pas être le cas ici.

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  6. En effet, il n'est pas évident de rendre les lois invisibles et de faire oublier le travail.
    Il est plus aisé, d'aller en sens contraire et d'utiliser la phrase pour faire illusion.
    Mais il y a toujours un moment où le style décroche, où l'homme se montre inférieur au réel qu'il veut décrire et où son effort se fait voir. C'est très subtil, c'est une question d'art.

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  7. Etant un esprit simple, je me suis contenté, ce matin comme hier soir, le café en plus, de me laiser emporter, chahuter, balloter par la P-phrase.
    Rouler dans la farine.
    Tout ce que je peux dire, avant de reprendre un café - quelqu un en veut ? - c est qu il y a sacrément du monde, dans ces quelques lignes ! On a le sentiment de lire droit, en réalité ça fuse dans tous les sens, dans tous les coins. Et rien ne manque : décor, éclairage, perso etc etc.
    Regardez de quoi on part et où on arrive au final. Sans oublier par quoi on est passé. Tout ça en combien de mots ?
    Chapeau, je dis.
    Et je n ai pas senti le moindre effort de l auteur.
    D ailleurs, c est plutot au lecteur, de faire cet effort.
    Ceci dit : café pour qui ?

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  8. ESPRESSO CLONE

    Par-delà les bords de la tasse dans laquelle une cuiller immobile regarde le café dérouler ses vagues de soies, un sucre vert s'amuse à écouter les contemplations des regards volontaires. Echappé des camps de travail de la prohibition, un alcool sanguinaire réclame encore des chaînes tandis qu'un arôme voluptueux énonce une nature empreinte de réel, comme si la tasse avait la capacité intrinsèque de se remplir elle-même, merveille d'autogenèse devant laquelle l'imagination lyophilisée reste de bois. Décrire une tasse ne nécessite aucune disposition d'esprit supérieur, juste une stase dans les montées d'adrénaline vertueuse, un rien d'impertinence envers les codes et usages de la légalité présumée, ce que tout un chacun peut faire sans aucun problème dès lors que les photophores se rappellent leur vocation de diffuseurs d'odeurs purement excrémentielles.

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  9. Cette traduction époustouflante correspond aussi au choix qu'a fait John Carvill dans son compte rendu du roman pour PopMatters: il cite quasiment le même passage.
    http://www.popmatters.com/pm/books/reviews/
    Le lien est trop long, je coupe, vous trouverez l'article, il est tout récent.
    Une belle coïncidence !
    Merci à Claro de régaler ainsi ses lecteurs.

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