jeudi 29 novembre 2007

Pour le plaisir

Le doigt et la plume


Désormais, les enseignants vont devoir lever le doigt avant d'écrire:




Auparavant, certains cumuls d’activité étaient soient interdits, soit soumis à une autorisation préalable. Cependant, cela en concernait pas “la production d’oeuvres de l’esprit” (traduction : littérature, théâtre, poésie, mais aussi essais, articles, publication de travaux de recherche), qui s’exerçait “librement”* (voir chapitre IV, article 25, III, de la loi °83-634 du 13 juillet 1983).

Aujourd’hui les fonctionnaires doivent demander une autorisation préalable par voie hiérarchique pour produire “des oeuvres de l’esprit” donc pour écrire. (page 2/5)
Et le chef d’établissement donne son avis

On se demande à quoi a pu penser le génie qui, en haut lieu, a pondu cette circulaire qui tourne mal. A-t-il peur qu'un prof s'engraisse en publiant dans des revues ? Craint-il que la liberté d'expression se prenne pour ce qu'elle est? Le seul mot de "cumul" est une insulte au désir de foisonnement. N'y aurait-il pas d'autres cumuls plus inquiétants et autrement moins ragoûtants à stigmatiser? J'attends avec impatience qu'une circulaire me demande de choisir entre écrire et traduire. Ou, pourquoi pas, entre écrire et écrire. Peut-être devrions-nous envoyer une (scie) circulaire à nos élites pour leur demander, afin d'éviter le "cumul", de choisir entre gouverner et divaguer.
Levez le doigt plutôt que le poing, tel semble être le message subliminalement con que recèle cette pathétique injonction.

mardi 27 novembre 2007

Echo


"C’était un perroquet surdoué, vraiment prodigieux. Vous prononciez une seule fois devant lui une phrase longue et complexe et tout de suite il répétait j’allais le dire." (Eric Chevillard)

lundi 26 novembre 2007

Météo


• Le procureur de la République a requis dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis contre Charles Pasqua, lundi 26 novembre. L'ancien ministre de l'intérieur doit répondre devant le tribunal correctionnel de Paris du financement illégal présumé de sa campagne pour les élections européennes de 1999. Il est également poursuivi pour abus de confiance et faux.

• Jacques Chirac a été directement et personnellement mis en cause à plusieurs reprises dans des affaires qui touchent à ses anciennes fonctions de chef du RPR et de maire de Paris (1977-1995), mais aussi cité dans l'affaire Cleastream, en tant que chef de l'Etat. Des HLM de Paris aux emplois fictifs du RPR, des "faux électeurs" aux billets d'avion payés en argent liquide, les "affaires" ont mis en lumière l'univers d'un système politique.

• Frédéric Beigbeder sera l’homme sandwich des Galeries Lafayette pour toute l’année 2008.

• Les causes de vomissement sont très nombreuses. Il s' agit d'un réflexe entraînant la contraction du cerveau associée à celle des muscles éditoriaux. Toutes les excitations, (au sens médiatique du terme) du canal lecteur dans son ensemble, sont susceptibles d'aboutir à un mécanisme vomitif provenant d'une zone spécifique du système central : le bulbe rachidien, via les nerfs blogorachidiens et pneumopathétiques.

• Poutine a lu le dernier coloriage de Le Pen. Il l'a trouvé "pâlot".

Eric le Rouge


La lecture des livres d'Eric Chevillard pourrait être comparée à une forme d'addiction. Non seulement il titille la phrase et lui pince les oreilles, mais s'il peut sous couvert d'accolade la pousser dans le fossé eh bien il n'hésite pas. Il se choisit des amis, des ennemis, peu importe, singe ou pierre, critique littéraire ou ombre de fresque, et ce qu'il leur fait subir c'est ce qu'il convient de faire subir au langage. Rendre à la phrase (à son déroulé) nos derniers hommages, tout en sachant que ce ne sont pas les derniers. C'est souvent hénaurme, au sens flaubertien (et je crois que Chevillard dort sur un tapis de Bouvard et Pécuchet, plus que sur la dépouille mescalinée de Michaux). C'est toujours salutaire. J'ai toujours eu un faible pour les livres qui changeaient ma vie (les citerai-je?), mais j'ai de plus en plus un faible persillé de forces pour les livres qui changent ma façon de viser ma cible. Les livres de Chevillard sont des manuels précis, des précis manuels. J'en lis des bouts de temps en temps pour m'inoculer les bons virus. C'est un arbalétrier qui a peint la circonférence en rouge. Quand je veux entendre des échos de ce que je suis incapable d'écrire, je pose mes griffes sur ses tumulus. Le courant passe. Une fraternité invisible m'aide à pousser par le milieu.

Deux adresses:
http://l-autofictif.over-blog.com/
http://www.eric-chevillard.net/

mercredi 21 novembre 2007

Loop One

"J'en suis, il est vrai, un naturel tout frais émoulu et je vis encore enfoncé jusqu'au cou dans l'invraisemblable dépaysement inhérent à l'état d'emménagé qui n'est qu'une réplique de la condition (celle-là, tragique), de sinistré, sur le plan de comédie où toute ce dont sang et ruine sont absents ne peut manquer de se situer." (Michel Leiris)

A quoi…


A quoi ressemble la journée d'un écrivain figurant sur la dernière liste du prix Goncourt la veille de la remise des prix?
A quoi ressemble son sourire quand il apprend que oui ?
A quoi ressemble le pénis d'un écrivain que Sarkozy décore de la Légion d'Honneur?
A quoi ressemble le foie d'un écrivain qui ne boit que de l'eau?
A quoi ressemble la raie au milieu d'un écrivain qui en croise un autre et le complimente alors qu'il le déteste?
A quoi ressemble le manuscrit d'un écrivain qui est persuadé que ses personnages ont quasiment une vie autonome ?
A quoi ressemble le bureau d'un écrivain qui vient d'accepter de faire partie d'un prix littéraire en se disant que la contrepartie est plutôt cool?
A quoi ressemble Richard Millet quand il reçoit un SMS avec des fautes?
A quoi ressemble un juré quand il s'éclipse aux chiottes et qu'il s'aperçoit que ça fait douze ans qu'il n'a pas lu une ligne de Proust?
A quoi ressemble un éditeur qui dit oui en pleurant non?
A quoi ressemble un lecteur ayant fait confiance à son dieu et ayant ouvert une merde?
A quoi ressemble un écrivain à qui on a fait tellement de compliments qu'il se demande s'il doit les croire?
A quoi ressemble le foie d'un juré ayant fini par se rendre à certains arguments?
A quoi ressemble l'éthique d'un auteur ayant signé un contrat stipulant qu'il en était l'auteur?
A quoi ressemble l'haleine d'un critique littéraire s'étant fait chié à interviewé un auteur qu'il n'a pas lu et surtout pas l'intention de lire?
A quoi ressemble un lendemain de gloire littéraire quand on apprend que le neveu de la nièce de sa sœur de son frère de sa mère de son cousin n'a pas eu le BAC ?
A quoi ressemble un photographe qui s'entend répondre par un auteur que non merci, sa gueule n'est pas indispensable?
A quoi ressemble une attachée de presse après avoir lu le livre qu'elle doit défendre ?
A quoi ressemble une page après qu'on l'a pas relue?
A quoi riment toutes ces questions?
A quoi bon àquoibonniser sur l'infra-monde littéraronaniste?
Réponse: En temps de grève, prends la pendule par les couilles et remonte-lui les heures dans le conduit vaniteux.

Nous les avons tant ****


Six mois après son départ de l'Elysée, l'ancien président Jacques Chirac a été mis en examen pour "détournement de fonds publics" dans un dossier visant la période où il était maire de Paris, de 1977 à 1995, une "première" dans l'histoire de la République française.

"Rien n'est prédéfini", a lancé M. Poutine, en brandissant la menace d'un retour aux difficultés économiques des années 1990 "tant que n'est pas mis en place un régime de pilotage automatique".

Estimant que "des lignes inacceptables ont été franchies", Nicolas Sarkozy a demandé que ces actes soient punis "avec la plus extrême sévérité".

La grand-mère paternelle de Britney Spears se seraient suicidée alors qu’elle était âgée d’une trentaine d’année, en 1966, a révélé Us Weekly.

Selon des documents découverts dans les archives du Land de Bavière, en 1933, année où il devint chancelier, le dictateur devait plus de 405 494 Reichsmarks au fisc allemand – l’équivalent actuel de 6 millions d’euros.

Blog Balade (épisode 3)


Dernière marge: Le site d'Antonio Werli. Libraire, éditeur, écrivain, hôte, etc. Un état des lieux papillonnant et personnel. Sans en faire trois tonnes, AW va à l'essentiel, vous rempile la pile et vous donne envie de lire crayon en main. On s'abonne les yeux fermés.
La Mygale Pourpre
: Aussi récente qu'arachnéenne, LMP est prêt à se coltiner tout ce qui fait plus de six cent pages et vous prend la tête. On lui en sait gré. La lance de fer lectorienne. Soyez prévenus: la morsure est grave, jouez pas les mouches innocentes…

WRIT:
Mon péché mignon. Proust y plane, des choses s'y passent, c'est une radiographie douce-amère de choses qu'on croyait étouffées par le quotidien. La sincérité a su trouver les mots pour aller au-delà.

Les carnets de Volovent:
Ça souffle que du bon là-dedans. Cinéma, revues, books. Pas la peine de se faire chier à acheter les Inrocks ou Transfuge. Lisez Volovent. Ça suffit amplement. Et en plus il sait de quoi il cause.

Food for your Thoughts:
Le big & happy bazaar. Renouveler sa diskotèk, c'est possible. Lire autre chose, aussi. Franc du collier, gouleyant, ça fuse, touche à tout. On y va, et quand on revient, on a les mains pleines.

TOBECONTINUED…


jeudi 15 novembre 2007

Yves Pagès (la non-recette)


L'art d'économiser ses lectures
Il n’est point dans le seul domaine culinaire que l’intelligente application d’une recette, l’à-propos de son exécution, simplifient cette économie ménagère dont l’utilité ne saurait se contester. De génération en génération, les traditions de nos aïeul(e)s se sont perdues, certains ersatz de la dernière guerre sont hélas passés de mode, de même les habitudes ancestrales d’accommodement des restes que l’abondance actuelle des produits manufacturés semble avoir aboli de la mémoire française.
D’où ces utiles conseils aux lecteurs épisodiques, les plus nombreux puisqu’il apparaît que pour les deux tiers de nos concitoyens des deux sexes l’acquisition annuelle d’un seul ouvrage imprimé suffit amplement à leur usage familial. Raison de plus pour traiter au mieux cet opus unique, et donc d’une précieuse rareté, cet ami domestique qui a besoin comme chien ou chat de ménagements, d’attentions et de soins, bref d’un entretien régulier qui facilitera d’autant le legs des arts et lettres à nos descendants. Parmi tous les préparatifs de lecture ayant fait leur preuve depuis l’invention de Gutenberg, nous souhaitions vous donner ici trois astuces pratiques à l’usage d’un public soucieux d’équilibrer son budget entre denrées de première nécessité et accessoires d’ameublement spirituel.
1. Cassez un oeuf et séparez le jaune que vous diluerez dans deux décilitres d’alcool à 90° avec une cuillère en bois. Imbibez-en un chiffon blanc et passez-le sur le dos et la couverture de votre livre, s’il est relié cuir. Dans le cas contraire, n’en faites rien, ajoutez plutôt une cuillerée de vinaigre à cette mixture et versez-la en entier sur vos cheveux préalablement mouillés, laissez agir ce shampooing naturel une demi-heure au moins, pendant laquelle vous pourrez vaquer à vos occupations habituelles, avant de rincer abondamment.
2. Munissez-vous d’une râpe à fromage et réduisez menu les restes de savon que vous aurez de longue date mis à sécher sur un radiateur. Feuilletez votre livre jusqu’aux pages comportant des taches de doigts, frottez avec la poudre nettoyante, puis épongez en surface et glissez des papiers buvard entre les feuilles ainsi humidifiées. A peine un coup de fer à repasser, et vous pourrez replacer l’ouvrage à l’état neuf en son rayonnage. Si votre opus n’en avait nullement besoin, versez le résidu savonneux dans un demi-verre d’huile d’olive, jusqu’à produire une pâte que vous amalgamerez à de l’encre de seiche, et laissez pénétrer ce cirage de marine dans le cuir une nuit entière avant de lustrer vos chaussures de ville avec une vieille chaussette de coton.
3. Si certaines pièces de votre logis infectent le tabac, votre livre risque de jaunir, sur la tranche principalement. Il vous suffit alors d’enduire cette tranche d’une solution obtenue en mélangeant deux blancs battus avec quelques gouttes d’eau de vie. En ayant fait mousser le tout et laissé reposer une bonne minute, vous appliquerez enfin une feuille d’or sur le fil des pages mises sous presse ou quelque lourde tare. Mais si, au prix exorbitant du métal fin, la méthode vous semble par trop dispendieuse, prêtez votre volume aussi longtemps que nécessaire à un fumeur définitivement repenti.
De même, si la couleur de vos dents laisse à désirer, et qu’il n’entre pas dans votre budget de pouvoir les redorer de la sorte, vous combattrez le mal par le mal, en effaçant leur teinte nicotinique par l’usage du dentifrice qu’ont bien connu nos soldats dans les tranchées : cette cendre froide de cigarette qui récure, même à sec, sans jamais rayer l’émail.

Blog-Tour (the suite)

Slickgomez, dit aussi Creamy and delicious: D'essence pynchonoïde, ce sphinx aux palpitations intermittentes joue les comètes de Hailey, mais quand il apparaît, c'est pour nous proposer d'étranges fulgurances. Il pourrait à lui seul retapisser tout le catalogue Lot49. Eminence grise ou fantôme? On ne sait. On se contente de one-clicker ses proies.

Ici-Bas (la guerre totale): Qui s'avance ici se perd aussitôt. On y passe pour lire la prose interlope et juste d'un certain Pacôme Thiellement. Un ovnivore.

Le blog de l'ombre: Comme le XIXè siècle a longtemps été pour moi une terre d'accueil, j'y glane des effluves de Jarry et autres… Bibliofreaks.


mercredi 14 novembre 2007

Bilan Blog


Petit état des lieux
des blogs
régulièrement
consultés…


Fabrice Colin: C'est mon juke-box. Et même si j'ai une profonde aversion pour myspace, ce titanic incoulable où tout1chakun croient être l'hami de Pit Doherty et dialoguer avec Miss Chteupompegratosse, c'est là que je cherche le mini-graal matinal. Cinq étoiles pour l'ami Fab.

Garp, on le sait, est l'agité de la toile, l'araignée qui voit tout, entend tout, répète tout. Fidèle acharné, écrivain rongé par la modestie (c'est rare), il nous offre son enthousiasme et jamais ses sarcasmes, sans lui c'est sûr il manquerait something.
Associer
Bartleby, lui, c'est la foire. Plein de good and great freaks. Un homme qui prend une phrase de Pessoa comme maximoblog ne peut pas être foncièrement mauvais. Et s'il s'illustre d'un dos de Bacon, on applaudit. C'est du sérieux, du vigilant, de l'actif.

Dash, comme son nom l'indique assez, est oblique à fond. Très kultur-pop. Mais l'oreille aux aguets. Rebondissant pas comme un. Franc du collier, certes. Plume d'acier.

Tabula Rasa: C'est un cas. C'est Prof. Sérieux. Consciencieux. Un über-lecteur. Qui ne laisse rien passer. Si j'écris un jour une merde, il m'en décrira très exactement la forme et la couleur (et en plus je dirai merci). Curieusement, le petit +, chez Mister Fausto, c'est sa fragilité. Sa proprension à l'infime fissure.

A Country for Old Men: LE trublion. Partout et à la fois. La fouine galactique. Avec en prime une belle sincérité. C'est le onzième beatles. Il en revenu mais il y retourne. Pas la langue dans sa poche, mais sur l'établi. Bouillonnant d'envies diverses et moléculaires.

Odot: bon, si vous n'avez plus d'acide sous la langue, faites-lui confiance. Avec lui vous irez dans la galaxie d'ici. Capable de sillonner d'improbable sillons (eh oui, le vynile still exists) comme de critiques épiques, il taille, essaime, explore. Plume-qui-chante, s'il était indien.

La Bruyantissime: Un drôle de volcan. Le genre à vous tutoyer tout en tripotant une charge de plutonium. Mine de rien, une belle rigueur. Cortazarien de nationalité, il touche lui aussi à tout et sans morgue.

Babel Twenty-Five: Un écorché qui recoud les peaux. Bourré de contradictions et malhérien en diabloe, il va au fond des choses et voit d'autres choses. Pynchonite aiguë. Tant mieux. Légèrement hypnotique, aussi.

N'importe quoi dans le désordre: Ah, l'encyclopédie de l'imprévisible. Une manne. Un tourbillon qui sait la vitesse d'écrire. De l'assurance. De l'aisance. Bref, tout sauf n'importe quoi mais une belle idée du désordre.

Le Festin Mue: Là on touche aux racines de l'émotion. Fraîcheur et plaie. Un rendez-vous. Un feuilleton. Et un pynchonoïde de choc.

TO BE CONTINUED…

Editions La pionnière



On m'a demandé il y a peu si l'ouvrage en question (Tout son sang brûlant) était encore disponible; la réponse est oui. Profitez-en pour jeter un œil au catalogue de cet excellent éditeur. Dominique Janvier a également publié un chouette bouquin de mon ami et collègue Brice Matthieussent (tom-tit dada!).

Sono


vendredi 9 novembre 2007

Derviche Hurleur


Le lendemain à midi, une infirmière de la clinique le trouve étendu sur son lit, un revolver à ses côtés et une règle avec laquelle il mesura méticuleusement l’endroit du cœur. Un oreiller pour amortir la détonation et un drap de caoutchouc pour éviter les taches : « J’avais armé le chien, je sentis le froid de l’acier dans ma bouche."
Un écrivain mesure l'emplacement de son cœur avec une règle graduée… Comme, avant, il écrivait. On est prié de ranger ses calculettes et de compter sur ses doigts les jours qui nous séparent de la décision. Rigaut savait ce qu'il faisait et JL Bitton sait ce qu'il dit, raconte, écrit. Les suicidés de la société ne la saluent pas.

A suivre


Découvert via sa révérence au Temps où nous chantions, de Powers, ce site vaut le tour et le détour, et si en plus vous avez une tête-de-radio, eh bien tant mieux. Il y est question de Last Days, de Bod Dylan, d'une conjuration d'imbéciles et du désormais mythique "chacalomètre"… Put your links on!

Yasser Arafat m'a regardé et m'a souri


C'est le titre d'un texte de l'écrivain libanais Yussef Bazzi qu'a traduit l'écrivain Mathias Enard (photo B/W ci-contre), Enard le trublion polyglotte vivant à Barcelone, un ami pour la vie, auteur de deux romans retournants chez Actes Sud. Grâce à lui, et aux éditions Verticales qui donnent un punch certain à ces Belles Etrangères qui ont cette année pour arbre un Cèdre à la fois fort et fragile, on pourra lire ce récit d'une enfance armée/désarmée, l'apprentissage de la conscience et l'émergence de la poésie.

«Été 1981. J’ai quatorze ans. Mahmoud al-Taqi inscrit mon nom dans le registre avant de m’accompagner au dépôt. On me remet une paire de rangers, un uniforme kaki, une ”tornade rouge” (l’insigne du Parti) à mettre sur l’épaule, une ceinture avec trois chargeurs, deux grenades et une kalachnikov, dont l’extrémité du canon – acier russe, 11 mm de diamètre – est sciée. Je suis affecté aux Forces centrales d’intervention du Parti social nationaliste syrien à Beyrouth. Le salaire est de 600 livres libanaises et un paquet de cigarettes par jour.»

Yasser Arafat m’a regardé et m’a souri est le journal d’un combattant précoce durant cinq années de guerre civile libanaise, le livre cicatriciel d’un ex-enfant-soldat. Bref récit fragmenté, à l’écriture blanche et visuelle, il entraîne le lecteur sur les talons d’un gosse qui vit d’abord la guerre comme une escapade, ce qui le conduit à éprouver la part la plus irréelle du réel. C’est aussi le texte brut et pacifié d’un poète qui s’engage dans la prose sans rien renier des puissances secrètes de sa langue.


(Traduction et postface de Mathias Énard. )

Prix Littéraires: la vérité vraie


Christophe Donner est furieux. Des magouilles lui ont barré la route à ce mini-Nobel époustouflantissime qu'est l'ultra prestigieux prix Reuhnodo. On le comprend. Ce doit être un choc, après des années d'écriture, de découvrir que le ver est dans la pomme. Un vrai traumatisme. Afin que ce genre d'effondrement cataleptique ne se produise plus, je pense qu'il est grand temps de livrer la vérité vraie sur les prix littéraires. On évitera ainsi déceptions, rages, petits fours tièdes et, qui sait, blocages littéraires. Donc donc donc the truth and nothing but the truth: "Ne sont primés que ceux qui le méritent." Voilà, c'est dit. Quant à savoir ce que signifie exactement le "mérite" dans l'esprit de ceux qui décernent des prix (souvent des primés, parfois des déprimés, jamais des brimés), eh bien je crois qu'il est inutile de vous faire un dessin. C'est pas le loto, bordel! D'ailleurs, c'est déjà plié pour le Médicis étrange. Ce sera Les Disparus. Un titre qui ne fera pas rire tout le monde.

jeudi 8 novembre 2007

Lot 49 / Parution janvier: Joanna Scott


Au milieu des années cinquante, Murray Murdoch quitte les États-Unis pour l’île d’Elbe, accompagné de sa femme et de leurs quatre enfants. Bien décidé à tirer un trait sur ses échecs professionnels, il veut se lancer dans le commerce de la tourmaline, cette pierre semi-précieuse, que « l’homme a toujours cherchée, quand il ne savait plus quoi chercher ».
Bercé par les charmes et les langueurs de la vie insulaire et des autochtones pittoresques, tel cet exilé anglais qui n’en finit pas d’écrire et de réécrire l’ouvrage « définitif » sur Napoléon à Elbe, Murdoch va finalement découvrir un autre trésor en la personne d’une jeune beauté de l’Île, Adriana, pour laquelle il ressent une étrange attirance.
Quand la jeune fille disparaît, les événements se précipitent et Murdoch devient le principal suspect, aux yeux des habitants de l’île, de ses amis, de sa propre famille.
Cinquante ans plus tard, son plus jeune fils revient sur l’île, dans l’espoir de faire la lumière sur cette affaire jamais élucidée qui a causé la perte de sa famille. (Traduction Ph. Mikriammos)


Joanna Scott est née en 1960. Tourmaline est son sixième roman.

« Avec Tourmaline, la prodigieuse Joanna Scott nous offre un récit édifiant d’une rare élégance. » Jeffrey Eugenides

« Une romancière exceptionnelle » Michael Cunningham.

« Joanna Scott est notre Michael Jordan : elle a du talent à revendre. » Nick Hornby.

Light my pipe


"N'écrit-on des livres que pour les lire, ou non point aussi pour l'usage domestique? Contre un seul qui est lu d'un couvert à l'autre, mille sont feuilletés, un autre mille demeure dans la bibliothèque, certains servent à boucher les trous de souris, d'autres encore sont lancés contre des rats, plusieurs servent d'escabeau, de tabouret, de tambour, d'assiette pour le pain d'épice, à tenir la fenêtre ouverte et d'autres, enfin, d'allume-pipe."

Georg Christoph Lichtenberg, Le Miroir de l'Âme, éd. José Corti (traduit de l'allemand par Charles Le Blanc).

mercredi 7 novembre 2007

Sauvés!


C'en est fini pour eux du cauchemar! Fini les petits métiers, les grosses galères… Terminé les heures volées au grand Kapital pour écrire, enroulé dans une couverture autour d'un braséro, à la lumière d'une chandelle… Ils vont désormais pouvoir survivre plus qu'honorablement, écrire, écrire, écrire… nous offrir toujours plus de magnifiques dictées pour les siècles des siècles… c'est désormais officiel: Amélie Nothomb et Daniel Pennac n'ont plus besoin d'Emmaüs! Couronnés par un aérophage de sages ils vont toucher le "magic" chèque qui leur permettra de continuer à récidiver dans cet art qu'ils maîtrisent au plus haut niveau. Ils en avaient bien besoin. Et puis, ce n'est pas tous les jours que les dalai-lama de l'édition dénichent de jeunes et innovents talents! On va se jeter sur leurs œuvres comme la chtouille sur une princesse au petit pois. Promis. Ah, France, enfin tu te relèves! Fière! Sereine! Tu vois! Tu entends! Et tu donnes…

mardi 6 novembre 2007

Ton chien leste…


Kuchiuk-Hanem,

par Louis Bouilhet





A Gustave Flaubert

Le Nil est large et plat comme un miroir d'acier
Les crocodiles gris plongent au bord des îles,
Et, dans le bleu du ciel, parfois un grand palmier,
Etale en parasol ses feuilles immobiles.

Les gypaëtes blancs se bercent dans les airs,
Le sable, au plein midi, fume dans les espaces,
Et les buffles trapus, au pied des buissons verts,
Dorment, fronçant leur peau sous les mouches voraces ;

C'est l'heure du soleil et du calme étouffant.
Les champs n'ont pas un cri, les cieux pas une brise ;
- Dans ta maison d'Esneh, que fais-tu maintenant,
Brune Kuchiuk-Hanem, auprès du fleuve assise ?

Le mouton qui te suit, de hénné tacheté,
Sur la natte en jouant agace ton chien leste ;
Et ta servante noire, accroupie à côté,
Croise ses bras luisants tatoués par la peste !

Le joueur de rebec dort sur son instrument...
Dans ton lit de palmier, maintenant tu reposes !
Ou sur ton escalier tu te tiens gravement,
Avec ton tarbouch large et tes pantalons roses !

L'émeraude, à ton front, allume un rayon vert,
Ta gorge s'arrondit sous une gaze fine,
Et tes cheveux, poudrés par le vent du désert,
Ont une odeur de miel et de térébenthine !

- Mais une ombre obscurcit ton regard éclatant.
Tu te sens, dans ton coeur, triste comme une veuve,
Et tu penches la tête, écoutant... écoutant
Passer le bruit lointain des canges sur le fleuve.

(in Festons et Astragales – 1859)

lundi 5 novembre 2007

Souvenir de pré-enfance


J'avais - 30 ans en 1932. Je n'étais qu'une virgule de foutre dans l'ombre de l'utérus maternel encore irréalisé quand mon jeune et fringant grand-père déboula dans la non-pièce en s'écriant:
– Ce c*** de Mazeline vient d'avoir le Goncourt pour Les Loups!!!!
(Il était fou de rage. Il préférait Céline.)
J'ai frémi au fond ma cellule à venir. Et senti que ce n'était que le commencement. Puis Pépé a pris Mémé par la main et l'a entraînée vers la chambre à coucher en lu disant: "Viens, on va procréer de nouveaux désabusés." Ça m'a fait sourire. J'en ai profité pour m'adénéiser à la va-vite dans leur guirlande génitale. De là ma passion pour Freaks, Le Magicien d'Oz et, en règle générale, les documentaires animaliers.

Pennac


Daniel Pennac vient de remporter haut la plume le Renaudot.
A priori, pendant les douze heures qui viennent,
il ne devrait pas trop écrire.
Comme quoi les prix littéraires
ont du bon.
(Question subsidiaire:
L'aspirine est-elle l'ennemie du bien?)

Leader Price (the Goncourt)


En direct, le gagnant. Pour le reste, voyez avec Bottin. Et n'oubliez pas: les paris sont illicites, sauf à Saint-Germain. Ceux qui vont mollir se saluent. Les autres liront autre chose.



Extrait de Omega Minor,
de Paul Verhaeghen
(translaté for the happy fous):




Im Anfang war die Tat
– Au commencement était l’Acte.
Et pour conclure l’acte – ce duo ondulant si habilement mené sur le satin de la nuit la plus totale – un éclair jaillit vers le haut, une courbe aveuglante d’un blanc virginal, affranchie pendant un quart de seconde des lois de la gravité. Une guirlande écumante foudroie l’air printanier saturé de lune, une corde vibrant d’une énergie folle, puis un cri triomphal – et dans un bruit mat la bille d’albâtre retombe sur le ventre soyeux, rasé de près, bronzé et tendu. Dans le silence haletant qui succède à cet essai marqué, la chambre résonne du hurlement silencieux d’un demi milliard de bouches qui jamais ne furent : terrifiées, des cellules dotées de 23 chromosomes cinglent la peau stérile de leur queues minuscules. La main coupable arrache une nouvelle et puissante giclée à son pénis, plus sauvage encore que la première, et une langue compatissante s’abaisse, sa pointe frémissante s’enfonçant dans le bassin du nombril. Un fil gluant de perles relie la femme au Centre de l’Être de cet homme (son hara ? Hare Krishna ! D*** bleu argent de la vaine Création !) mais seulement un instant, car alors elle avale – elle boit ma semence, pense-t-il, elle VEUT ma semence, et cette pensée gonfle son cœur, non d’amour mais d’orgueil mal placé – puis ses lèvres se détachent de son lingam et elle laisse glisser au fond de sa gorge luisante l’ultime fruit de ses efforts. Et tandis que la bouche de l’homme demeure ouverte sur un cri de triomphe, les hordes gamétiques protestent en Todesangt, car leur pire cauchemar est devenue réalité : Dans l’estomac barbouillé de la femme, les membranes des cellules se fendent, les molécules se dissolvent, les fibres du Code se défont, et mettant à nu le Grand Plan, le secret de qui est Goldfarb ; les acides nucléique – adénine, cytosine, guanine et thymine se fondent en un chaos définitif ; leur alchimie à jamais perdue. Ici gît un homme, réjoui par le trépas d’une population mondiale.
Au commencement – beresheet – était l’Acte.
Et l’acte fut stérile. Ça ne le rendit pas moins agréable. Ou moins important. Mystique, peut-être, voire magique, cet acte, mais certainement délirant.
– Cigarette ?
Goldfarb ne songea pas une seconde à demander : « Etait-ce aussi agréable pour vous, madame, que ça l’était pour moi ? » Goldfarb n’a pas besoin de confirmation orale. Goldfarb observe le cosmos. En présence de Goldfarb, un corps féminin ne ment jamais. Les femmes de Goldfarb sont toujours satisfaites. Exact ?
– Cigarette ?

La technologie est de notre côté. Nous pouvons utiliser la permanence du souvenir à notre avantage.
Nous remontons le temps, forçons l’horloge à ravaler ses propres chiffres. Nous choisissons le point de départ et nous repartons – lentement – de là. Souvenez-vous. C’est le printemps. Même si le sol est encore saupoudré de neige, les jonquilles devant le Gästehaus agitent leurs lourdes couronnes dans la lumière dorée de la lampe suspendue au-dessus de l’entrée. Le temps se rembobine au gré de la mémoire. La jeune femme ôte ses lèvres de la queue, un filet de liquide perlé coule de ses lèvres sur le ventre de l’homme, puis le flot est soudain aspiré par le gland enflé. Regardez-le se gonfler ; voyez comme elle renvoie la crémeuse moisson jusque dans ses testicules – et n’est-ce pas encore plus excitant de voir tout ça au ralenti ? Laissons à nouveau le temps suivre son cours : Admirez le gland violacé qui oscille rapidement sur sa lourde tige ; voyez comme il luit, enduit de salive et de fluides ; regardez le petit cratère à son sommet qui décoche ses traits zigzagants – et voilà que ça gicle, une girouette tourbillonnante, une comète ivre propulsée entre les astres, et dans l’humide et nébuleuse cavité de la chambre de Donatella un signal s’allume, un signal d’un blanc argenté, un cercle presque parfait que décrit le ruban de foutre descendant, un serpent qui essaie de se mordre la queue, mais la manque de peu – un ancien symbole grec, la lettre Oméga, en majuscule – Ω.

vendredi 2 novembre 2007

Perfect


La perfection, on ne le dit pas assez, n'est pas une toile cirée dont on a effacé tous les plis et toutes les cloques. La perfection, bien souvent, est ce micro-événement, ce bout de trois fois rien qui fait que, eh oui, ça passe, sans heurt. La perfection est, profondément, et c'est dément, bancale, bancroche, de traviole en nous et un peu partout autour. Prenez la chanson "Dominoes", de Syd Barrett(e), posez-la au bon endroit, à la bonne seconde, c'est parfait. Prenez une page de Queneau, lisez-la quand il faut, à mi chemin entre distraction et concentration. Sortez sur le balcon juste quand la boule polluée du soleil cogne la barre nuageuse entre deux buidings. Une épiphanie ne devrait être qu'anecdotique, volée, dérobée, arrachée, pillée ou cueillie, et l'on renverrait ainsi aux vulgaire pénates du grandiloquent tous ces "grands moments" qui sentent la suie et la cendres, l'éruption retransmise et la commémorabilisation. Explosons donc par pincées éparses, ça nous économisera pas mal de retombées radiopassives.

Light (l'édition)


Un salon qui vaut sûrement le détour (Inculte y sera…):

Pour la quatrième édition consécutive, le Cneai et Point Ephémère invitent une cinquantaine d’éditeurs européens pour présenter leurs dernières publications, inédites ou introuvables : livres, magazines, vinyles, cd, dvd... Lancements, signatures, rencontres, projections toutes les 1/2 heures.

Infos pratiques
> Lieu
Point Ephémère
200 quai de Valmy. 75010 Paris
M° Jaurès ou Louis Blanc
> Horaires
Samedi: 11h-23h
Dimanche: 11h-18h
> Contacts
T. 01 40 34 02 48
Mail: info@pointephemere.org
Site: www.pointephemere.org
> Entrée libre

INCULTE n°14


Gass, Deleuze, Danielewski, Benet, K. Dick… que du bon! Le numéro 14 de la revue Inculte vient de sortir. On en avait donné il y a peu le sommaire, mais ça a un peu (beaucoup) bougé, donc voici le vrai menu du jour :




Entretiens
:
William Gass: L'achitecture du milieu
Claude Murcia: Autour de l'œuvre de Juan Benet

Dossier: Deleuze et la musique
La Ritournelle, par Manola Antonioli
Fini de rire, par Claude Mercier
Deleuze et la musique, un plan de résonance; par Bruno Heuzé
Concept, conception, événement, par Jean-Claude Dumoncel

Interventions
(Re)battre les cartes, par P. Vasset, X. Bismuth et X. Courteix
Vladimir Sorokine et la langue sans objet, par Bastien Gallet
L'ABC-Dick, mot°1, par Ariel Kyrou

Fictions
CruciFictioN, par James B. Hound (trad. Claro)
Le mieux est l'ennemi du chien, par Leon Rooke (trad. Judith Roze)

Prolongations
Ceux qui rient d'être sauvés, par Maël Le Garrec

Série affiches Inculte
A Spoiler, par Mark Z. Danielewski

jeudi 1 novembre 2007

Omega Minor


L'excellent éditeur Dalkey Archive, dirigé par l'inventif John O'Brien, publie ces jours-ci l'impressionnant Omega Minor, le roman de Paul Verhaeghen, traduit par l'auteur himself en anglais (du hollandais). Publié par Harold Polis chez Meulenhoof/Manteau en 2004, il vient également d'être publié en langue allemande par Eichborn Verlag (traduit par Stefanie Schäfer). Comme dirait Pugnax: mais que foutent les éditeurs français? (Vous le saurez bientôt…) L'ami Fausto avait déjà évoqué brièvement ce livre sur son site. Rappelons que l'auteur, Paul Verhaeghen, s'était vu décerner le Flemish Culture Award for Fiction, mais avait refusé l'argent du prix pour signifier son désaccord avec la politique va-t'en-guerre des Américains.
Voici, en attendant mieux, une petite accroche…


Berlin, Spring of 1995. While a group of neo-Nazis are preparing an anniversary bash of disastrous proportions, an old physics professor returns to Potsdam to atone for his sins, an Italian postdoc designs an experiment that will determine the fate of the universe, and, in a room at Le Charité, a Holocaust survivor tells his tale to the willing ear of a young psychologist. Who is that talking cat, why do ghosts of SS soldiers roam the city, and what is Speer’s favorite actress up to?
Moving back and forth between the main stages of the past century—Berlin united and divided, Boston, Los Alamos, Auschwitz—Omega Minor is a novel of big ideas, a tale of survival of the soul cast in a whirlwind plot that is in turns smart, inquisitive, funny, violent, nutty, pornographic, moving, deeply compassionate, and profoundly moral. Or not.
Do scars ever heal? Can history be transcended? And will love, for once, save the world? Welcome to Omega Minor, where nothing is ever what it seems and nothing ever ends.



Et un extrait (in english…):

Im Anfang war die Tat – In the Beginning was the Act.
And to conclude the act – that serpentine pas-de-deux so skillfully performed against the satin backdrop of the blackest night – a lightning bolt hurls itself upward, a blinding curve of pristine white, the laws of gravity suspended for a quarter-second. A gushing garland spouts into the springtime air pregnant with moonlight, a string vibrating with unbound energy, and then a scream of triumph – and with a dull thud the alabaster blob flops on a silken belly, smoothly shaven, tan and taut. In the panting silence after the touchdown the room echoes with the silent howl of half a billion mouths that never were: 23-chromosome cells thrash their tiny tails in terror on the barren skin. The illicit hand elicits another power surge from his penis, fiercer still than the first, and a compassionate tongue descends, its trembling tip dipping into the basin of his navel. A sticky thread of pearls connects the woman to the Center of the man’s Being (his hara? Hare Krishna! Silver-blue G*d of futile Creation!), but only for an instant, for then she swallows – she drinks my seed, he thinks, she WANTS my seed, and the thought makes his heart swell, not with love but with misguided pride – and then her lips slide full over his lingam and the last fruit of her labor slides down her shiny throat. And while the man’s mouth is still screaming in triumph the gametic hordes yell out in Todesangst, for their worst nightmare has come true: In the woman’s churning stomach the cell membranes break open, the molecules dissolve, and the strands of the Code itself unwind, and naked lies the Blueprint, the secret of who Goldfarb is – the nucleic acids adenine, cytosine, guanine and thymine swirl in irreparable chaos; their alchemy forever lost. Here lies a man, and he exults over the demise of a world population.



Madman Bovary: c'est dans la boîte…


Mon éditeur Verticales fait bien les choses - voici ce qu'il dit de mon prochain roman à paraître sur son site (et je serais tenté de le croire…). Date de sortie: 7 février 2008.



Dans son livre précédent, Black Box Beatles, Claro pénétrait la conscience artificielle d’un robot tombant par hasard sur une boîte noire, dernier vestige de la civilisation humaine, contenant l’intégrale des Beatles. Ce subterfuge narratif lui permettait de s’approprier de façon détournée et jubilatoire un pan entier de la pop-culture.
La folie douce de Madman Bovary part d’un procédé similaire, mais c’est le chef d’œuvre de Gustave Flaubert qui fait ici l’objet d’un « plagiat psychique » (en l’occurrence explicite et assumé). Tout part d’une banale rupture amoureuse. Le personnage-narrateur tente de conjurer sa rupture avec une certaine Estée et cherche un dérivatif à son absence. Encore sous le choc, il se jette dans la lecture compulsive de Madame Bovary. Ce livre, il l’a déjà lu et relu, à tel point qu’il s’y sent presque chez lui. À peine entré dans la salle de classe du premier chapitre, il s’y promène, il s’y démène, avant de s’y dissoudre et bouleverser ainsi la structure du roman, devenant le double tyrannique et schizophrène de l’auteur. Mais « jouer au démiurge à ceci de navrant que les dés qu’on pipe sont toujours ceux de l’autre », et l’œuvre de Flaubert, mâchée et remâchée, ne se laisse pas facilement digérer.
Dès lors, il faut à ce psychopathe littéraire, qui ne parle jamais d’un même « je », inventer à Emma Bovary des mœurs trash et au très guindé Charles des orgies de cocaïne. Il lui faut aussi revisiter d’une façon burlesque, pathétique ou déjantée toutes les scènes-clés du roman (du banquet de mariage au suicide d’Emma à l’arsenic). Pour ce faire, l’anagramatique « madman » doit sans cesser changer de nature, endossant diverses identités parasites : puce, virus, voyeur, charognard, âme damnée d’une casquette, rat de bibliothèque, pique-assiette, gâte-sauce ou passager clandestin du navire flaubertien en déroute.
Cette fièvre des métamorphoses devient le véritable moteur d’un récit à double-fond. Dans cet univers sous influence, l’amoureux en état de manque voit partout l’ombre obsédante de sa chère Estée, comme pour mieux la vider de son sens ou se déposséder d’elle, sur le fil du rasoir de la saturation et de l’oubli. Éternel décalé, provincial à lui-même, il cherche désespérément en les autres (personnages, détails anatomiques et objets du décor) son propre centre de gravité. Entre cauchemar et catharsis, sa mise à mal du texte le conduira aux limites de la négation de soi, dans la peau d’un SDF tabassé par des policiers ou d’un cinéaste filmant l’agonie suicidaire d’Emma.

Claro s’offre ici un nouveau grand écart narratif où la familière étrangeté d’un chef d’œuvre devenu terrain de jeu existentiel donne naissance à une polyphonie délirante. Moquant la déférence mortifère envers l’académisme littéraire, il rend hommage à l’inventeur du roman moderne sur le mode d’un sabordage érudit. Mais il renoue aussi avec l’ambivalence ironique de son maître pour les passions du cœur en signant là son roman le plus cruellement sentimental.
Avec Madman Bovary, la langue de Claro, maintenue sous tension par la folie démiurgesque du projet, n’a jamais autant joui de sa propre liberté, entre cut-up musical et subversion des registres.