Il n'y aura donc pas de nouvelle édition du formidable festival littéraire Ecrivains en bord de mer. Faute de budget alloué à la culture. La quoi? La culture, ce mot qui écorche la gueule de la présidente de la région, ce mot pratique que certains aimeraient voir uniquement réservé à la gestion du patrimoine. Oui, parce qu'aux yeux de nos dirigeants, il y a quelque chose de pourri dans ce qu'ils appellent culture. Pour eux, il s'agit au mieux d'un ramassis d'écrivains islamo-gauchistes, de saltimbanques en claquettes, de théâtreux des rues. Jour après jour, région après région, la chienlit made in Puy du Fou gagne du terrain. Les voix indépendantes, libres, nuancées sont toujours les premières à pâtir de la haine de l'expression qui anime les droitards de tous bords. Comment faire des économies quand une bonne partie du fric part dans les poches de ceux et celles chargés de le répartir ou dans des cisaillages de rubans débiles ? En sucrant les subventions aux artistes, bien sûr. Car notre déficit budgétaire n'est plus causé par la sécu, mais par l'art. Fallait y penser, hein.
On connaît la chanson: qui dit baladins dit parasites. On est presque étonnés qu'on ne nous ressorte pas le coup de l'art dégénéré, mais ça ne devrait pas tarder. La Maison des écrivains et de la littérature ferme? Pas grave. Le Festival littéraire de la Baule arrête? Pas grave. Le festival Midi-Minuit à Nantes vas devoir bientôt s'appeler le Festival Midi-Treize heures? pas grave. Ce qui compte c'est que quelques heures après la mort de Pierre Nora, l'immense historien Louis Sarkozy soit invité à la Baule pour son pensum sur Naboléon N°3, et franchement ça change des élucubrations de Yves Tanguy ou Laurent Mauvigner.
Une personne peu recommandable aurait dit un jour : Quand j'entends le mot culture, je sors mon revolver. Eh bien ici pas besoin de flingue – pas encore. Le mépris suffit. Un mépris qui s'avance ouvertement, avec son petit cortège d'aigreur, en faisant des sales remous haineux. Et ça ne fait que commencer. On sent qu'une certaine France voudrait faire corps avec un fantasme de France, où on s'occuperait plus des monuments que des intermittents. Une France patrimoniale, droite dans ses bottes. Comme si dans l'expression "manifestation littéraire", le mot "manifestation" équivalait à "manif" – et littéraire à… à quoi? On s'en fiche. Les écrivains sont des manifestants, apparemment. Un black bloc comme de l'encre qui fait voir rouge. Après le printemps des poètes, voici venir l'hiver des pète-sec.