jeudi 14 avril 2011

Territoire du Tendre


Amour partit du point le plus à l’ouest de cette vaste étendue qu’on dit vierge mais qui n’en est pas moins prompte à se laisser souiller. Son avancée était lente mais régulière, sa tenue impeccable, même si l’on sentait que sa constance dissimulait une infinité d’hésitations ponctuelles. Le fait est qu’Amour ignorait ce qu’elle ferait une fois parvenue à la limite orientale de cette étendue granuleuse et vaguement transparente – tout comme elle ignorait ce qu’elle rencontrerait en chemin. Cet état d’esprit, disons-le d’emblée, ne caractérisait guère Haine. Cette dernière, lasse du grand nord où elle végétait, avait entamé son voyage vers le sud en proie à de turbulents cauchemars: elle se voyait sans cesse en train de trancher dans la chair à vif d’une inconnue, tantôt elle lui passait sur le corps, tantôt elle la traversait purement et simplement, comme un spectre zélé. Son voyage aux antipodes lui faisait l’effet d’une chute. Pendant ce temps, Amour approchait du milieu du chemin de sa vie, comme il est dit dans les livres. Son épuisement était à la mesure de ses espoirs. Bientôt elle franchirait le fatal mitan. C’est alors qu’elle perçut comme une vibration au-dessus d’elle, ou venant de sa gauche, ce n’était pas très clair. Quelque chose, quelqu’un approchait, et il semblait que la rencontre fût inévitable. Prenant sur elle, Amour se figea et attendit. Haine la vit. Amour se mit en boule. Haine accéléra. Se produisit alors un étrange phénomène qui vit plus d’un plan se chevaucher. Les choses ne furent plus ce qu’elles avaient rêvé d’être. Certes, Amour acheva son périple vers l’orient et Haine disparut dans les zones subarctiques, mais l’intersection de ces deux entités idéalement rectilignes avait créé un dangereux précédant et l’Idée humaine s’abattit sur le monde.

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