mardi 19 juin 2007
You Bright And Risen Angels
Extrait:
On avait découvert qu’un des copains de chambrée de notre héros était un insecte. Ce fut horrible. Il existait au camp une règle interdisant les bonbons à cause des insectes, et elle s’avérait aujourd’hui fort sage. — La mère de Tony (une horrible bestiole à six pattes tachetée de noire, sans aucun doute ) avait dissimulé une douzaine de Rice Crispies dans sa valise. Les Rice Crispies étaient en fait de petits œufs blancs, semblables à ceux qu’on peut voir sur les feuilles atteints de la rouille. La nuit, ces œufs donnaient naissance à des larves. Le moniteur confisqua impitoyablement les gâteaux, et le personnel se réunit d’urgence pour discuter des mesures adéquates en vue de leur destruction. Si on se rendait en barque au milieu du lac et qu’on les jetait à l’eau, il y avait des chances pour que des bulles remontent du lit contaminé ; l’eau du lac, dont la pureté suffisait à elle seule à impressionner favorablement les parents citadins, deviendrait à la longue toute verte des suites de la couvée sacrifiée. On décida finalement d’incinérer les gâteaux.
L’époque était à la mansuétude. On se contenta de renvoyer Tony chez lui. C’était un petit gros aux cheveux ras qui mouillait souvent son lit et n’était guère doué pour le foot ou les sports nautiques. Il pleura en apprenant la décision. Sa mère allait être furieuse quand elle saurait qu’on l’avait démasqué.
Le directeur du camp devait le conduire à l’arrêt de car le lendemain matin. Entre-temps, les autres garçons, désormais au courant des ses origines scarabéenne, le battirent jusqu’à ce que du sang verdâtre coule de son nez.
Bug, qui la veille avait eu droit à une nouvelle paire d’yeux au beurre noir, resta terré dans son sac de couchage quand les garçons de sa chambrée entrèrent, jetèrent leurs gants de base-ball sur leurs couchettes et remontèrent leurs manches dans un silence solennel. Ils ne firent même pas attention à lui ; Tony était devenu la nouvelle attraction. Bug se fit tout petit dans son sac de couchage comme une bête prise au piège. Seul son nez dépassait. Il vit les autres garçons entourer Tony dans un nuage de poussière dorée filtrée par la fenêtre grillagée. Tony poussa un cri quand le cercle des gosses se referma sur lui. Aux abois, il scruta les lattes du plancher à la recherche, pensa Bug, d’un trou sous une couchette par lequel il pourrait se défiler. Il devait être capable se faire aussi petit qu’un ongle de pouce en cas d’urgence, mais, vu les circonstances, un tel recours se solderait sûrement par un désastre car l’un des gosses pourrait alors facilement l’écraser, la conscience tranquille. En attendant, il n’y avait aucune échappatoire. Les gosses encerclèrent Tony en silence. Parker lui fit un croc-en-jambe. – Allez, lève-toi ! cria Wayne furieux à cette créature qui offrait si peu de résistance. Lève-toi !
Mais comme Tony n’obéissait pas, Wayne se saisit de lui et le releva avec une telle brutalité qu’il frappa le sol avec un drôle de craquement, comme s’il venait de briser son exosquelette ; puis Roger Garvey lui fourra une chaussette dans la bouche et ils se mirent au travail. Ils lui tinrent les yeux ouverts et arrachèrent ses pupilles, qui parurent montées sur tiges comme celles d’un crabe. Ils découvrirent ses antennes, attachées sous sa perruque, et les arrachèrent. Ils le traînèrent dans un carré de lumière sous les fenêtres et brûlèrent son thorax avec un verre grossissant. Ils lui baissèrent son pantalon et lui balancèrent des coups de pieds dans le scrotum. Puis la cloche qui annonçait les activités forestières retentit. Wayne, qui était cette année le gosse le plus populaire, ne les aurait manqué pour rien au monde. Ils essuyèrent donc leurs mains sur la chemise de Tony et s’éloignèrent d’un pas tranquille, en riant et en discutant. La cabane sentait l’insecte écrasé et démembré.
Bug était navré. Tony ne l’avait jamais battu. Il s’extraya de son sac de couchage à présent qu’il n’y avait plus de danger (ce n’était pas le genre à prendre des risques) et ramassa les antennes de Tony. Ces dernière gisaient par terre des, tels de noirs cure-pipes abandonnés. Les appendices à l’agonie s’entortillèrent timidement autour de ses doigts ; leurs cils vibraient encore. S’il avait été comme tous les autres, il aurait été dégoûté et les aurait jetées, mais elles lui firent pitié et il les assista dans leurs derniers moments en les caressant, et il ne les abandonna pas, même quand un mince liquide verdâtre coula le long de son bras. Elles se raccrochèrent à ses doigts et moururent calmement. Pendant ce temps, Tony s’était relevé. Il se tenait au milieu de la cabane et émettait un gémissement doux et irrégulier, une espèce de sanglot guttural et grillonnesque typique de ceux de sa race. Des taches vert sombres maculaient le sol là où les gosses l’avaient battu. Avec la plus extrême prudence, il tendit les mains à l’aveuglette et toucha le visage de Bug.
- Ce n’est que moi, dit Bug en regardant autour de lui (personne ne pouvait le voir).
- Tu ne me feras plus de mal ? demanda Tony.
- Je ne t’en ferai jamais, dit Bug. Voici tes antennes si tu en as besoin.
Elles s’effritaient déjà entre ses mains, comme des ailes de mouches recroquevillées.
- Elles ne servent plus à rien maintenant, sanglota Tony.
C’était surtout la mort de ses antennes qui semblait l’affecter ; de même, un homme dont la famille a été massacrée et dont la maison a brûlée déplorera surtout la perte de ses belles chaussures du dimanche. J’ai lu quelque part que cette attitude était un mécanisme de défense très utile.
- Est-ce que tu vas mourir ? demanda Bug.
Il déposa les antennes dans la corbeille à papier, sans faire de bruit pour ne pas faire de peine Tony, et essuya ses mains sur son pantalon.
- Ma mère va me manger quand elle le saura. Elle a toujours dit qu’elle le ferait si ça m’arrivait.
- Peut-être qu’elle dit ça pour te taquiner, dit Bug. Essaie de voir le bon côté des choses.
– Ça ira, dit Tony. Je l’ai vu le faire à d’autres gosses. Ça ne fait pas mal.
– Oh, alors, dit Bug, tout va bien.
On avait découvert qu’un des copains de chambrée de notre héros était un insecte. Ce fut horrible. Il existait au camp une règle interdisant les bonbons à cause des insectes, et elle s’avérait aujourd’hui fort sage. — La mère de Tony (une horrible bestiole à six pattes tachetée de noire, sans aucun doute ) avait dissimulé une douzaine de Rice Crispies dans sa valise. Les Rice Crispies étaient en fait de petits œufs blancs, semblables à ceux qu’on peut voir sur les feuilles atteints de la rouille. La nuit, ces œufs donnaient naissance à des larves. Le moniteur confisqua impitoyablement les gâteaux, et le personnel se réunit d’urgence pour discuter des mesures adéquates en vue de leur destruction. Si on se rendait en barque au milieu du lac et qu’on les jetait à l’eau, il y avait des chances pour que des bulles remontent du lit contaminé ; l’eau du lac, dont la pureté suffisait à elle seule à impressionner favorablement les parents citadins, deviendrait à la longue toute verte des suites de la couvée sacrifiée. On décida finalement d’incinérer les gâteaux.
L’époque était à la mansuétude. On se contenta de renvoyer Tony chez lui. C’était un petit gros aux cheveux ras qui mouillait souvent son lit et n’était guère doué pour le foot ou les sports nautiques. Il pleura en apprenant la décision. Sa mère allait être furieuse quand elle saurait qu’on l’avait démasqué.
Le directeur du camp devait le conduire à l’arrêt de car le lendemain matin. Entre-temps, les autres garçons, désormais au courant des ses origines scarabéenne, le battirent jusqu’à ce que du sang verdâtre coule de son nez.
Bug, qui la veille avait eu droit à une nouvelle paire d’yeux au beurre noir, resta terré dans son sac de couchage quand les garçons de sa chambrée entrèrent, jetèrent leurs gants de base-ball sur leurs couchettes et remontèrent leurs manches dans un silence solennel. Ils ne firent même pas attention à lui ; Tony était devenu la nouvelle attraction. Bug se fit tout petit dans son sac de couchage comme une bête prise au piège. Seul son nez dépassait. Il vit les autres garçons entourer Tony dans un nuage de poussière dorée filtrée par la fenêtre grillagée. Tony poussa un cri quand le cercle des gosses se referma sur lui. Aux abois, il scruta les lattes du plancher à la recherche, pensa Bug, d’un trou sous une couchette par lequel il pourrait se défiler. Il devait être capable se faire aussi petit qu’un ongle de pouce en cas d’urgence, mais, vu les circonstances, un tel recours se solderait sûrement par un désastre car l’un des gosses pourrait alors facilement l’écraser, la conscience tranquille. En attendant, il n’y avait aucune échappatoire. Les gosses encerclèrent Tony en silence. Parker lui fit un croc-en-jambe. – Allez, lève-toi ! cria Wayne furieux à cette créature qui offrait si peu de résistance. Lève-toi !
Mais comme Tony n’obéissait pas, Wayne se saisit de lui et le releva avec une telle brutalité qu’il frappa le sol avec un drôle de craquement, comme s’il venait de briser son exosquelette ; puis Roger Garvey lui fourra une chaussette dans la bouche et ils se mirent au travail. Ils lui tinrent les yeux ouverts et arrachèrent ses pupilles, qui parurent montées sur tiges comme celles d’un crabe. Ils découvrirent ses antennes, attachées sous sa perruque, et les arrachèrent. Ils le traînèrent dans un carré de lumière sous les fenêtres et brûlèrent son thorax avec un verre grossissant. Ils lui baissèrent son pantalon et lui balancèrent des coups de pieds dans le scrotum. Puis la cloche qui annonçait les activités forestières retentit. Wayne, qui était cette année le gosse le plus populaire, ne les aurait manqué pour rien au monde. Ils essuyèrent donc leurs mains sur la chemise de Tony et s’éloignèrent d’un pas tranquille, en riant et en discutant. La cabane sentait l’insecte écrasé et démembré.
Bug était navré. Tony ne l’avait jamais battu. Il s’extraya de son sac de couchage à présent qu’il n’y avait plus de danger (ce n’était pas le genre à prendre des risques) et ramassa les antennes de Tony. Ces dernière gisaient par terre des, tels de noirs cure-pipes abandonnés. Les appendices à l’agonie s’entortillèrent timidement autour de ses doigts ; leurs cils vibraient encore. S’il avait été comme tous les autres, il aurait été dégoûté et les aurait jetées, mais elles lui firent pitié et il les assista dans leurs derniers moments en les caressant, et il ne les abandonna pas, même quand un mince liquide verdâtre coula le long de son bras. Elles se raccrochèrent à ses doigts et moururent calmement. Pendant ce temps, Tony s’était relevé. Il se tenait au milieu de la cabane et émettait un gémissement doux et irrégulier, une espèce de sanglot guttural et grillonnesque typique de ceux de sa race. Des taches vert sombres maculaient le sol là où les gosses l’avaient battu. Avec la plus extrême prudence, il tendit les mains à l’aveuglette et toucha le visage de Bug.
- Ce n’est que moi, dit Bug en regardant autour de lui (personne ne pouvait le voir).
- Tu ne me feras plus de mal ? demanda Tony.
- Je ne t’en ferai jamais, dit Bug. Voici tes antennes si tu en as besoin.
Elles s’effritaient déjà entre ses mains, comme des ailes de mouches recroquevillées.
- Elles ne servent plus à rien maintenant, sanglota Tony.
C’était surtout la mort de ses antennes qui semblait l’affecter ; de même, un homme dont la famille a été massacrée et dont la maison a brûlée déplorera surtout la perte de ses belles chaussures du dimanche. J’ai lu quelque part que cette attitude était un mécanisme de défense très utile.
- Est-ce que tu vas mourir ? demanda Bug.
Il déposa les antennes dans la corbeille à papier, sans faire de bruit pour ne pas faire de peine Tony, et essuya ses mains sur son pantalon.
- Ma mère va me manger quand elle le saura. Elle a toujours dit qu’elle le ferait si ça m’arrivait.
- Peut-être qu’elle dit ça pour te taquiner, dit Bug. Essaie de voir le bon côté des choses.
– Ça ira, dit Tony. Je l’ai vu le faire à d’autres gosses. Ça ne fait pas mal.
– Oh, alors, dit Bug, tout va bien.
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chapitre fastoche :)
RépondreSupprimerest-ce que tu as une piste pour le titre?
Le titre? Argh! Ça fait quinze ans que je le cherche, ce foutu titre. Mon cheval à qui trouve.
RépondreSupprimerVersion Reverso : Vous anges brillants et montés [sic]
RépondreSupprimerVersion Babel Fish : anges lumineux et levés vous [sic itou...quoique le "et levés vous" recelle un jeu de mots qui ne me déplait pas]
Version Free Translation : vous anges brillants et élevés [ce que ne dit pas la chanson, c'est s'ils sont bien ou mal élevés]
J'en passe...et des pires.