"C’est en cela que Pynchon se révèle un styliste d’exception, c’est-à-dire un écrivain capable de créer des structures syntaxiques inédites obéissant à une rythmique singulière et recourant à un lexique décalé, toutes opérations visant à l’émergence, chez le lecteur, de sensations et de pensées inédites elles aussi – capable, donc, d’inventer une grammaire en devenir, susceptible de paraître absconse ou artificielle, mais uniquement parce qu’elle nous est absolument étrangère, confirmant par là la formule de Proust : « Les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère » On ne s’étonnera donc pas de voir la prose pynchonienne souvent accusé de pécher par excès d’artifice, ou d’être, mystère incongru de la critique littéraire, jugée « trop cérébrale ». Le fait est qu’on ne trouvera pas dans l’œuvre de Pynchon une seule phrase éprise d’anodin, la raison en étant que l’auteur considère la langue non comme un médium commun visant à titiller des sensations partagées, mais à prendre à revers les effets de lecture, à parer d’un air de charade des énoncés sur lesquels on aurait tendance à glisser si leur identification était par trop accentuée. Précisons, et rappelons, que cet art d’essence chamanique, et subversive, est indissociable d’un humour subtil, non point surajouté, mais révélé, inhérent aux motifs qu’il expose et complexifie. « Same thing, only different », comme aiment à le répéter certains de ses personnages, en un clin d’œil possiblement nietzschéen. Retour différé du même, re-visitation de l’étranger, exploration de l’inouï – la prose de Pynchon, qui dans Face au Jour, use et abuse de l’under-statement, des circonvolutions et tergiversations sémantiques autant que syntaxiques, sait donc se moquer, aussi, d’elle-même, l’auteur n’hésitant pas à se pasticher, à forcer certains de ses traits, conscient du risque encouru par tout style parvenu à l’acmé de sa perfection. D’où le côté irrémédiablement potache de l’écrivain Pynchon, son goût des calembours, des chansonnettes, son attrait pour les geeks en tous genre, le cirque, le cabaret, les saillies drolatiques, la magie de quatre sous ; de là également cette fascination pour le mystique qui reste indissociable d’un ridicule sans cesse décliné. Pynchon écrit toujours au bord, à contre-jour, tout contre, dans les interstices, à la faveur de, malgré, au détriment de – délaissant le frontal pour le biaisé, outrant l’obvie pour mieux le déréaliser. "
(Extrait d'un essai in progress)
(Extrait d'un essai in progress)
A paraitre où?
RépondreSupprimerItseussicraitefozemaumante.
RépondreSupprimerItseudoncpalapeinedentreprendresomeresearchgooglesques...
RépondreSupprimerN'empêche, après avoir savouré (& re) les quelques pages de Face au jour dans la NRF (même si you know what), lire cet extrait d'essai est un délice.
IT'S ONLY ROCK'N'ROLL
RépondreSupprimerLa logique binaire
A du mal avec le rock'n'roll
Et ses effets de feedback
Une seule chanson
Réécrite mille fois
Avec des notes différentes
Lui apparaît multiple
Alors qu'elle n'est simplement
Qu'un éternel remake
Plus ou moins talentueux
De la seule biographie autorisé
Par le Hall of Fame
Je re, parce que je viens de tomber sur la citation du jour :
RépondreSupprimer"Je n’étais pas mécontent de ma petite phrase ; ma rature fut plus belle encore" (Eric Chevillard)
Je l'avais lue sur l'auto fictif : je ne m'en lasse pas^^
Celle sur le critique réduit parce que traitant l'auteur de minimaliste n'est pas moche non plus^^
Voui, encore l'esc@rgot zébulonien. Je me demandais juste si le titre de ce papier ne comporterait pas un indice quant au sikretforzemoment...
RépondreSupprimerpurée, maintenant j'ai honte avec mes pauvres essais sur pynchon...
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