samedi 13 août 2022

Du bon usage du rétablissement, et de la vie sauve de Rushdie

A Salman Rushdie, dont j’ai eu la chance et l’honneur de traduire deux livres, Furie et Shalimar le Clown, je souhaite un prompt rétablissement. Son écriture gourmande, généreuse, est de celles qui vitalisent et réjouissent. Cet homme a traversé l’enfer pendant des années et se rétablir a été sans nul doute une de ses permanentes préoccupations : se rétablir dans l’espace littéraire, dans la vie intime, la vie publique. A Hadi Matar, je souhaite également un prompt rétablissement. D’abord, dans la raison, qui aurait dû lui apprendre la distance qui sépare une idée aberrante, conditionnée par des dogmatiques, d’un geste violent. Dans la foi, ensuite, s’il estime en avoir une digne de son geste hideux, car il s'est renversé par son geste, jusqu'à se nier à son insu aux yeux de son dieu. On ne sait rien pour l’instant de ses intentions, mais qu’il sache que son geste les a rendu caduques : il peut frapper l’homme, pas les livres. Au contraire d’un arbre, qui ne donnera plus si on l’abat, l’écrivain est tout entier épars dans ses livres, abattez-le, poignardez-le, vous n’empêcherez pas ses fruits de, tout simplement, être. La fatwa lancée contre Rushdie concerne également ses traducteurs et ses éditeurs. Certains d’entre eux ont été assassinés, blessés, menacés. Mais surtout, avons-nous envie de dire, tous ceux et celles qui le lisent devraient se sentir concernés par la fatwa, qui ne vient pas d’un dieu mais d’un mufti, se disant « interprète » de la loi musulmane. Nous autres, traducteurs et traductrices, qui savons plus ou moins ce que signifient « interpréter », nous sommes déterminés à être plus Rushdie que muftis. Dont acte. Dont parole, aussi.

2 commentaires:

  1. Merci de l'avoir dit, et que cela ait été par toi dit comme tu l'as dit: avec force, tristesse et courage!

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