samedi 22 octobre 2011

The Very Mad Trip (ou ma balade au Canada) / 3

L'intérêt du décalage horaire, c'est qu'il provoque un dérèglement raisonné de tous les sens dans tous les sens. Fini le sommeil paradoxal ! Vous entrez dans le sommeil ambigu — en gros, vous rêvez que vous n'arrivez pas à vous endormir, et comprenez alors que vous êtes éveillé et vous imaginez dormir. Vous prenez pour de la fatigue ce qui est de l'excitation, et profitez de votre énergie décuplée pour savourer une autre forme d'hébétude. Du coup, à six heures du matin, la piscine chauffée de l'hôtel vous semble tout à fait dans vos cordes. L'espace de quelques brasses absurdes, vous êtes un millionnaire désœuvré. Car il faut bien dire que l'écrivain en voyage se voit accorder quelques privilèges, a même le droit d'usurper le droit au luxe, comme pour mieux lui rappeler que les revenus de ses livres ne lui permettront jamais de jouir d'un tel statut. Comme si la société culturelle essayait de le dédommager d'une carrière qui n'en est pas une, soyons franc. (D'ailleurs, le breakfast is not included.)
Le jour s'est enfin levé sur Toronto, ou plutôt le gris, comme si le lac Ontario avait projeté toutes ses rancœurs à même le ciel. Quelques joggeurs traquent l'arythmie sur le front dégarni du lac, tandis que les ouvriers s'activent : ici, c'est le chantier, le parking en surface a été détruit et un autre, abyssal, est en cours d'excavation. Harbourfront fait peau neuve, à quelques blocks des cinq cents et quelques mètres de haut de l'hypodermique et bétonnée CN Tower, dont le fuselage a coûté plus de 240 millions de dollars US et qui s'efforce d'être la plus haute structure au monde, talonnée de près par le fameux Taipei 101. Qui a la plus grande? Le débat est un peu trop humain pour être abordé ici.
Sinon, le brownie cheesecake du Second Cup vaut le détour, ainsi que ses monstrueux cookies en bocaux qui feraient frémir jusqu'à la vaillante Ripley. Sinon (bis), on hésite à visiter le musée Bata — le Bata Shoe Museum, incongru pompodrome où faire du surplace est sans doute une expérience pour les podophiles. On lui préférera donc l'AGO, l'Art Gallery of Ontario qui propose ces jours-ci une expo alléchante:  Constructing Utopia: Books and Posters from Revolutionary Russia (1910-1940), ainsi qu'une assez énigmatique exhibition au concept flou, Haute Culture: General Idea. On vous dira, entre deux gorgées de sirop d'érable.

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