Une cinquantaine d'élèves du Lycée français de Toronto m'attendaient au tournant, et nous avons tenté ensemble de négocier le délicat virage de la communication. Après un exposé soigneusement confus et modérément jet-lagée du métier de traducteur, de ses risques, doutes, avantages, les questions se sont frayées un chemin, assez frontales et pertinentes — un garçon bâillait au premier rang tandis qu'au dernier deux blondes pouffaient, ce qui était presque encourageant. Vous écoutez quelle musique en traduisant? Quelle est votre traduction préférée? Vous laissez beaucoup d'erreurs dans vos traductions? Ça vieillit bien, une traduction ? Vous étiez bon en maths? Vous pourriez arrêter d'écrire? Etc. Les questions, même naïves, font souvent mouche. On se découvre sincère, même. Que retireront-ils de cet échange? Je leur fais confiance. Même au bâilleur et aux pouffeuses.
Après ça, la journée s'est déroulée à la vitesse d'un streetcar infatigable, et le soir a vu son lot de petits fours et de grands verres, où on a pu croiser des gens qui font tout pour que le livre voyage, une Australienne qui nous a expliqué que le climat chez elle était devenu fou, un Irlandais fabriqué à partir d'une armoire qui s'occupe d'un festival gallois et ne vous tape pas sur l'épaule pour vous éviter une épaule déboitée, une éditrice new-yorkaise répondant au nom inoubliable de Lexy Bloom, un écrivain anglais charmant du nom de Harry Whitehead ("like Colson, yeah, but different") et son épouse poète Anita, une femme chargé d'organiser des festivals littéraires en Chine ("they read a lot in China" — n'importe quel tirage avoisinant 10 000 ex au minimum…), des gens du Consulat qu'on a juste envie d'adopter tellement ils sont cool, sympas et dévoués (et même drôles). Et le passionnant Emmanuel Delloye, kaboulesque en diable.
On a aussi vérifié une fois de plus qu'arborer un t-shirt portant la phrase "I'm not Thomas Pynchon" vous fait gagner un temps considérable dans la prise de contact. Neat.
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