dimanche 2 mai 2010

Quid du Kid?


Quién es ? Si l’on pose la question, c’est parce que la réponse est au bout du canon encore fumant. Il était une fois une légende, quelque part dans l’ouest, et voilà Sébastien Doubinsky qui traque l’instant où les choses commencent, vraiment, c’est-à-dire, l’instant où untel devient ce qu’il est, devient Billy the Kid, un homme changée en l’ombre de sa légende naissante, le coup est parti, le sang a coulé, on peut parler.

D’autres possibilités d’existence. Dans Quién es ?, Doubinsky laisse la parole suivre le cours tortueux des bifurcations et des décisions. Son Billy the Kid sait d’entrée de jeu comment ça marche : « Quand on réfléchit les possibilités semblent infinies, c’est quand on agit que le monde se rétrécit à ne devenir plus qu’une seule chose. » Dans le cas présent, cette chose unique c’est le moyen de faire taire définitivement cette grande gueule velue de Windy Cahill, cet obstacle sur la route mentale de Billy – mais éteindre ce vent, c’est tuer, et tuer, c’est entrer dans la peau de la légende et donc laisser son moi ancien, son moi-plume, s’envoler dans la poussière dorée du grand ouest.

Il faut agit, donc rétrécir, même si la légende vous fait toujours plus grand que nature, grand comme une gazette dépliée aux quatre vents, un feuilleton déflorée sur toutes les lèvres des badauds. On pourrait dire que Quién es ? est un monologue, mais ce serait mal compter. Car Billy est plusieurs. – « ombre comprise ». Et ce plusieurs se dirige vers le bout du tunnel, ce point noir que prend pour cible l’œil aveugle du canon, car « ce que nous appelons destin est le plus souvent une association d’éléments contradictoires dont notre survie donne le sens comme une pièce de théâtre que l’on se rejouerait à l’envers ».

Notre Billy a un problème avec le temps. Il est le temps incarné, dont chaque geste marque le grand décompte. « M’offrir une montre, c’est comme donner de l’eau à une rivière en crue » : le Kid a goûté à tant de choses, il a dû traverser l’arrière-pays burroughsien, « les poumons déployés par la joie d’être encore en vie », avant de jouer à saute-mouton entre US et Mexique, parce qu’une ligne est comme le trajet d’une balle, qui se cherche une nuque…

Alternant accélérations et ralentis, tordant le fil de la conscience pour mieux crocheter l’âme de Billy, Sébastien Doubinsky crée un cocktail qui en appelle d’autres — et un despérado, un ! Tournée générale à venir, on l’espère.

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Sébastien Doubinsky, Quién es ? (Editions Joëlle Losfeld)

2 commentaires:

  1. Tiens Tiens... Un truc pour moi, ça...
    Je vais me le lire... Puis je proposerai un duel au soleil...

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  2. Je le sens bien le duel, là...

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