jeudi 17 décembre 2015

La phrase (ignoble) du jour

"Je ne savais pas que c'était une photo de James Foley. Elle est accessible par tous sur Google. J'apprends ce matin que sa famille me demande de la retirer. Bien évidemment, je l'ai aussitôt retirée."  — Marine Le Pen 


Qui donc, selon Marine Le Pen, était sur cette photographie? Qui était, selon elle, ce décapité apparemment "anonyme"? Comment peut-on être anonyme ? Quelqu'un mais pas James Foley? Quelqu'un qui n'a pas de famille, donc personne pour demander à ce qu'on retire sa photo décapitée ? Et en quoi le fait que cette photo fût accessible par tous sur Google rendait-il légitime de s'en servir sur son compte Twitter?

Dans cette histoire assez pathétique, ce qui ressort surtout, c'est l'art de mettre en scène une forme viciée de double-bind. Un, je suppose que c'est n'importe qui sauf James Foley; deux, j'apprends que c'est James Foley pluôt qu'un autre. Un, je choque en mettant en ligne une photo choquante. Deux, je la retire par souci de décence. Un, je rappelle que la photo est accessible par tous; deux, je ne la rends plus accessible. Un, je suis contre Daech; deux, je suis avec les victimes et leur famille. Un, je suis impulsive; deux, je suis à l'écoute. (Mais au final: Un, je vous prends pour des cons; deux, je vous prends pour des cons.)

"Retirer ses propos (ou des photos)": c'est depuis longtemps la technique du Front National (et de plus en plus d'autres politiques). Car dire puis retirer ce qu'on dit, ça revient en fait, pour eux, à dire deux fois. Je dis que les chambres à gaz sont un détail, puis je retire ce que j'ai dit (sous une pression quelconque, judiciaire, médiatique, etc.) Ainsi, mon propos non seulement est deux fois plus visible, mais la plus-value est évidente: je montre que je suis à l'écoute, que je peux faire une erreur, que je sais reconnaître mes excès, etc.

Ce qu'il faut retenir surtout, dans la déclaration de Marine Le Pen, c'est cette formule: "bien évidemment", dont le cynisme semble nous dire: "Attention, un jour vous verrez ce que j'en ferai, de vos évidences…"

4 commentaires:

  1. Encore une attaque contre le FN qui ne fait que le renforcer. En tant qu'Espagnol, je suis très étonné, depuis très longtemps, de la façon qu'a la gauche française de s'en prendre au FN. C'est toujours le même problème en France avec tout: toujours la Forme, jamais le Fond.

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  2. Monsieur, je vous félicite pour cette vaillante indignation. Toutefois, je me permets de porter à votre attention une faute de français : lorsqu'il s'agit d'écrire contre la famille Le Pen, Eric Zemmour ou quelqu'autre résident des tourbières, il ne faut pas écrire ignoble mais, toujours au grand toujours, nauséabond. C'est pas compliqué quoi, vous le savez en plus : nau-sé-a-bond ! D'autant que cette insulte (ignoble) laisse entendre que son contraire (noble) aurait chez vous une connotation méliorative et trahirait par là une tournure d'esprit aristocratique, c'est-à-dire proto-néo-réac. Faites-moi le plaisir, à l'avenir, d'être plus vigilant camarade Claro.

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    1. Merci de votre vigilance. Il est bon d'avoir l'œil et de ne pas laisser passer des bourdes pareilles, préjudiciables dès lors qu'on ose se prononcer sur les agissements ou les paroles de personnes dites humaines. Pour le sens du mot "ignoble", merci, mais en fait je connaissais, il se trouve qu'il est dans mon Dico Junior.

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    2. Loin de moi (1km300 environ) l'ignoble idée de sous-entendre que ce sens fût inconnu de vous.

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