J'ai déjà évoqué à plusieurs reprises sur ce blog l'aventure que fut la traduction du roman de Lowry, Under the Volcano : ici, ici, et ici. Mais un détail m'avait échappé, qui fait que la version signée par Stephen Spriel et Clarisse Francillon n'est pas, comme on le pense souvent, la toute première traduction du chef d'œuvre de Lowry, mais plutôt… la deuxième (celle de J. Darras, intitulé Sous le volcan, étant donc la troisième). C'est en lisant divers entretiens avec Maurice Nadeau que ce "détail" a attiré mon attention.
On sait que c'est Max-Pol Fouchet qui a "rapporté" Under the Volcano des Etats-Unis. C'est du moins ce qu'affirme Maurice Nadeau dans un entretien donné au journal Le Point en 2011:
J'ai eu beaucoup de chance dans ma vie. J'avais comme ami Max-Pol Fouchet, qui me dit qu'aux États-Unis le livre d'un poivrot sur l'alcoolisme faisait florès. Il s'agissait de Malcolm Lowry et d'Au-dessous du volcan. Max-Pol avait essayé de le traduire, mais sa traduction avait été refusée par Gallimard. À l'époque, Corrêa, mon éditeur, qui ne pouvait s'engager financièrement seul, a dû s'allier au Club français du livre, et j'ai proposé alors que le roman paraisse dans ma collection.
"C’est Max-Pol Fouchet qui découvre le livre lors d’un voyage aux États- Unis, qui le rapporte et qui le traduit. Et qui le donne à un grand éditeur, qui s’appelle Gallimard, qui le refuse. Il a pour amie Clarisse Francillon, une Suissesse qui a de l’argent et une petite maison d’édition où je crois qu’il n’y a que Malcolm Lowry. Clarisse Francillon connaît l’anglais, mais Lowry, c’est d’une telle difficulté à traduire... Elle ne se sent pas capable, elle voit clair. Je travaille alors chez Corrêa, je dirige une collection.
On cherche un traducteur, on pense à la Sorbonne, à Jean-Jacques Mayoux, qu’on connaît bien, on ne trouve personne, tout le monde dit pff, c’est trop difficile, j’ai autre chose à faire. Alors tu ne sais pas ce qu’on fait, elle et moi ? Elle me dit : Je connais un petit gars qui traduit des romans policiers américains, qui connaît le slang, l’argot américain. Lowry, ce n’est pas de l’argot, mais ce traducteur a une grande habitude de l’américain. On va le trouver. C’est un mathématicien. Il prend un pseudonyme. Lowry est très intéressé, il vient à Paris, il habite chez Clarisse. Il ne connaît pas bien le français mais il participe au travail. C’est comme ça que paraît la première édition d’Au-dessous du volcan en français. Quel bric-à-brac...
Ils ont finalement traduit à trois, Stephen Spriel (c’est un pseudo) associé à Clarisse Francillon, tous deux sous le contrôle de l’auteur. La première traduction due à Max-Pol Fouchet est carrément passée à la trappe."
"Que d'heures n'ai-je point passées […] sur ces pages, sur ces lignes, dont la beauté m'enflammait et me désespérait par leur impossible traduction… Plus tard, Malcolm Lowry vint à Paris. Nous nous rencontrions dans de petits bistrots de Saint-Germain-des-Prés, ou chez Clarisse Francillon […]. Je questionnais Malcolm sur les ambiguïtés et difficultés de son texte, sur les multiples références qu'il y fait aux œuvres de la littérature universelle et plus encore aux connaissances ésotériques. De celles-ci, Malcolm avait une longue pratique, un savoir précis. Pour en parler, nous abandonnions bientôt, au cours de nos rencontres, les soucis de la traduction. 'Au train dont vous allez', disait-il, en plaisantant, 'vous aurez fini dans dix ans!' C'était vrai. Je n'avançais guère et me rendais compte qu'il eût fallu, pour le traduire, une équipe nombreuses, comme celle que l'on réunit pour la version de l'Ulysses de Joyce. Finalement, avec tristesse, je dus renoncer. Clarisse Francillon et Stephen Spriel prirent le relais."
c'était effectivement l'édition de 1947 de chez Jonathan Cape, Londres
RépondreSupprimermais il y a eu avant une pré-édition en 194O (comme souvent chez ML)
qui a donné lieu à une version annotée (Chris Ackerley et David Large)
laquelle version a été éditée en 2015 par University of Ottawa Press
isbn 978-0-7766-2315-3
The 1940 Under the Volcano by Malcolm Lowry. A critical Edition
on pourra la lire avec intérêt (252 p. + autant d'annotations) (510 p. en tout)
Bonjour, Michel PILOTIN serait le nom qui se cacherait derrière ce pseudonyme, qui aurait traduit de Stephen Heuer, LES HABITANTS DES AUTRES PLANETES, il aurait dirigé la collection Le rayon fantastique chez Gallimard entre 51 et 54 : ce serait donc le chaînon manquant qui relierait Malcolm Lowry à l'univers extra-terrestre...Merci pour tout M. Claro !
RépondreSupprimerMais alors, pour moi par exemple qui n'ai encore jamais lu ce livre, et qui m'apprête à le faire, quelle édition dois-je choisir, selon vous ? Merci.
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