Tu
as dit n’importe quoi, tu as dit une contre-vérité, tu as affirmé calmement, « à
froid » comme tu l’as si humblement précisé, que Malik Oussekine n’était pas mort à la suite de violences policières, alors que la justice de l’époque a très
clairement établi le contraire, mais peut-être contestes-tu cette décision de
justice, ce qui apparemment n’est pas le cas, car c’est bien le fait que Malik
Oussekine soit décédé suite à des violence policières que tu as froidement nié
l’autre jour, et publiquement, sachant que personne ne te contredirait. Tu as
dit cette chose immonde et fausse puis, voyant que ça ne passait pas,
découvrant que ça coinçait, comme on
dit, puisque l’opinion n’est finalement qu’un gros meuble aux tiroirs
capricieux, tu as présenté des excuses, ou plutôt tu as dit que tu « t’excusais »,
ce qui est impropre grammaticalement mais prouve assez que tu n’es bien servi
que par toi-même. Mais de quoi t’excuses-tu
ainsi ? D’avoir dit ces choses,
de les avoir pensées, de les avoir crues, de n’avoir pas réfléchi, vérifié,
fait ton métier ? En tout cas, ce qui est clair, évident, grave, c’est que
tu ne t’excuses pas d’avoir estimé que l’exemple déformé que tu as donné
servait ton propos, et ce propos, hélas, lui, n’est pas excusable, à l’heure où
ces violences policières que tu sembles minimiser ont fait plusieurs victimes
(renseigne-toi, c’est ton métier, non ?).
Et puis il y a l’usage que tu
fais, très calmement, de ce mot : « factuellement ». Un mot qui
semble agir tout seul, de son plein droit, un mot qui semble dire que la
relation de cause à effet n’est pas recevable, et que si je pousse le faible et
que le faible tombe, la faute en revient à sa faiblesse. J’ai l’impression désagréable
d’avoir déjà entendu cet argument et je ne te ferai pas l’affront de recourir
au point Godwin pour t’expliquer d’où me vient cette impression. Mais enfin, je
trouve que ce genre d’argument est plus que pernicieux. Et tu le sais très
bien. Tu as le droit d’être bêtement de droite, de vouloir défendre la police,
de trouver qu’il y a de la violence du côté des manifestants, mais en quoi ce
droit t’oblige-t-il à fausser les faits et salir la mémoire d’un mort ?
Mais peut-être savais-tu exactement ce que tu faisais, comme tant d’autres avant
toi. Peut-être n'as tu pas été surpris d'apprendre que tu mentais. Tu cherches à défendre une position – une posture? –, et pour cela tout est bon, même la
contre-vérité, même s’il faut par la suite faire machine arrière, présenter des
excuses, ou plutôt s’excuser. J’espère
qu’il n’y a aucune stratégie délibérée derrière ta façon faussement
objective d’assener des horreurs. J’espère sincèrement que tu es bête et
méchant, par aveuglement politique, et non froid et calculateur, par
machiavélisme.
Tu emploies également l’expression « donner à penser »,
mais là je t’arrête tout de suite : tes propos ne donnent pas à penser,
ils ne relèvent même de la pensée, ils sont le contraire de la pensée, ils insinuent, s'insinuent, au même
titre que les saletés morales que déversent régulièrement nos tristes philosophes du PAF. De quoi
relèvent-ils, alors, ces propos ? Tu le sais très bien. Ils
relèvent, et ici la langue semble nous jouer un tour pendable, de l’abaissement. A croire que c’est
désormais votre job : abaisser. Abaisser la vigilance, le niveau intellectuel, l'exigence morale, faire de tout un cirque, et tester la puissance d'absorption de la sciure. Et plus vous œuvrez à cet abaissement,
plus vous haussez le ton – autre paradoxe.
Tu le vois, les mots ont un sens, qui ne
coule pas de source, à l’inverse du sang, qui lui va toujours de l’homme au sol,
et la terre le boit, et la tache demeure, et ceux qui piétinent ces taches en affirmant
qu’il ne s’agit que d’ombres ont beau jeu de s’excuser. Mais peut-être les
excuses sont-elles, pour eux, pour toi, un jeu ? Qui perd gagne ? Allez, je te laisse avec une expression qui devrait te parler: réviser son jugement.
Bien pensé et bien dit
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