lundi 13 mars 2017

De l'effet d'ombre possible qu'est la lecture (et de l'imminence du charnier)

Jeudi 16 mars, à 19h, je serai présent à la librairie L'Arbre à Lettres (62 rue du Faubourg Saint-Antoine, 75012) pour une rencontre autour de mon dernier livre paru, Hors du charnier natal (éditions Inculte). Le soleil se couchera ce soir-là à 18h57, ce qui signifie que lorsque vous sortirez de la librairie, à supposer bien sûr que vous y pénétrassiez, vous entrerez dans la nuit, ce qui, comme vous en conviendrez aisément, constitue une métaphore assez éloquente et palpable du rapport qu'entretient à son insu la littérature avec le réel.

Une façon de méditer, même brièvement, sur ce phénomène relevant de l'illusion qu'est le rayonnement, aussi ténu soit-il, d'une lecture, rayonnement qu'on pourrait, je crois, qualifier plus simplement d'effet d'ombre, et là prenons le temps de nous pencher sur le mécanisme assez pertinent de l'ombre. Car, à bien y réfléchir, si l'ombre tremble, nous tremblons aussi – puisque n’être que nous-mêmes ne fait pas de nous, nécessairement, une chose unique. L’ombre est cet écho devenu lac où ne jamais vraiment nous noyer. Il nous suffit de l'ignorer, d'ailleurs, pour qu’elle nous pousse de l’avant, mais vers quoi, nous ne l'apprenons toujours que trop tard. Dotée de parole, l'ombre serait sans doute une mère furieuse, elle nous écorcherait jusqu’à ce que nous lui ressemblions. Nous y coucher n’est pas impossible, mais cela requiert un abandon dont le secret nous a été depuis longtemps dérobé. C'est donc la tête légèrement penchée vers l'autre que nous abordons la lecture, comme si, en feignant d'imiter l'ombre, nous cherchions à retrouver le secret de la lumière.

A jeudi soir, par conséquent. Sur ce, je vous laisse méditer cette phrase d'Arlette Laguiller:
"La lecture, une bonne façon de s'enrichir sans voler personne."

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4 commentaires:

  1. Fleur des Ciels Jaillir13 mars 2017 à 10:06

    Je crois que c'est le plus beau texte que tu ai jamais écrit, ou l'un des plus beaux, c'est totalement bouleversant, il y a quelque chose de très nouveau dans ton écriture, et il se produit un renversement narratif absolument incroyable. J'étais partie dans une analyse sur Bergson, ça tenait bien la route, le regard du regard et vlan ! Je vais essayer de l'écrire. Mais pour le moment je le relis. C'est bouleversant. Je suis bouleversée par ce texte.

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  2. Ca me rappelle qu'il faut que je relise "House of Leaves", mais en français cette fois.
    Je l'ai acheté exprès pour goûter la traduction. Quand je le lisais en anglais je me demandais souvent : "Bon sang! mais comment Claro s'en est sorti, là?".
    Même dans une langue qui n'est pas la mienne l'ombre de ce bouquin continue de me hanter... à égalité avec la lumière de sa langue propre (bien que s'insinuant dans des recoins peu recommandables).

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  3. Je dis ça parceque je n'ai pas encore eu le temps de lire "Hors du charnier natal" pourtant acquis le jour de sa sortie.
    J'ai vraiment une vie de merde en ce moment.

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