[Le Magazine Littéraire a demandé à des écrivains d'écrire un texte sur leur série préférée, ou une série qui les a marqués, influencés, etc. Voici le début de mon texte paru dans le numéro de mai. La série retenue est La caravane de l'étrange:]
Ainsi nous apparaît l’Amérique, abandonnée
par le Dieu Dollar et promise à la déréliction, livrée aux bêlements du vent et
aux visions des bateleurs, flagellée par des rafales de sable, laissant la
poussière enterrer ses morts. Et voilà qu’au milieu passe une caravane, avec
ses freaks, son avaleur de sabre et son homme-serpent gay, son hercule mutique
et ses siamoises chantantes, sa femme à barbe et tous ceux qui, dotés d’un don
hideux, n’ont à vendre que les fragiles appas de la chair et les ressorts ténébreux
de l’esprit.
Diffusée aux Etats-Unis entre
2003 et 2005, La Caravane de l’étrange
(Carnivàle
en v.o.), riche de vingt-quatre épisodes comme autant d’heures fatales égrenant
le dernier jour du monde, nous propose une vision spectrale du mirage américain
en faisant cohabiter deux univers extrêmes : le cœur agricole du Middle
West dévasté par la Grande Dépression et le cataclysmique Dust Bowl des années
30, et la tribu bancale des forains ambulants. D’un côté le monstre de
poussière qui, tel un fléau biblique, referme ses mâchoires sur les populations
et les cultures ; de l’autre, corps et esprits tordus ou joints, des
charlatans aussi nomades que visionnaires. D’un côté, un voile d’Isis abrasif
et omniprésent, ravageant jusqu’à la trame des rêves ; de l’autre, les
hérauts d’une mauvaise aventure, errants venus réveiller les âmes usées.
Traversée par la musique elliptique
de Jeff Beal, filmée en nuances chrome et sépia, La Caravane de l’étrange, créée par l’inspiré Daniel Knauf, était
prévue pour durer six saisons, mais son coût énorme et son succès mitigé
signèrent son arrêt de mort au bout de deux saisons, au grand dam des fans. Si
aujourd’hui son esthétique nous permet d’y déceler le chaînon manquant entre le
séminal Twin Peaks de Lynch et le
ténébreux True Detective (saison 1)
de Pizzolatto & Fukunaga, l’objet resta plutôt non identifié au début des
années 2000. Renvoyant l’Amérique à ses propres forces occultes, triturant ses
manichéismes et traitant la narration de façon fractale, la série s’impose
pourtant comme une expérience chamanique sur fond d’extrême dénuement.
[…] To be continued…
oui, tout cela est très bien ; mais qu'en est-il de Miss McIntosh, my darling ?
RépondreSupprimeroù en est-on ? bon dimanche