L'autre jour, à Lausanne, j'ai fait un saut dans l'excellente librairie Humus, et comme à chaque fois je ne cherchais rien de particulier, comptant sur la "sérendipité" pour guider ma main vers l'ouvrage idoine. Sans trop réfléchir, j'en ai pris deux, et le hasard voulut qu'ils soient tous deux situés à New York. Le premier est une curiosité, un roman crypto-culte du méconnu Stephen Schnek, Le concierge de nuit; l'autre est le scintillant New York Party, de Pierre Bourgeade.

New York Party est un des premiers livres publiés par Pierre Bourgeade. Paru en 1969 chez Gallimard, dans la collection Le Chemin, c'est une errance new-yorkaise fortement marquée par la littérature beat, dans laquelle on peut sentir également l'influence de Cendrars. Texte habité, vibrant, qui se veut une ode à Manhattan et un panorama tordu des vices errants entre l'East River et l'Hudson, avec pour personnage principale une narratrice assez impalpable qui passe par pal mal de sales pattes. Bourgeade, plus ginsbgergien que jamais, y peint NY avec truculence, jouant lui aussi avec la typographie – textes encadrés, suite de chiffres, etc. Les premières lignes donnent le ton:
"Si le bon Dieu existait, qu'il eût fourgué dans sa poubelle quelques tonnes d'acier, de verre, de béton, mélangé à tout ça quarante races humaines et renversé sa poubelle sur l'Hudson, alors il eût créé New York. Si le bon Dieu existait, et qu'il eût fourgué dans sa poubelle douze millions d'hommes et de femelles mélangés à des cubes d'acier, agité le shaker et qu'il eût renversé sa poubelle sur ce marécage rectiligne que limitent la mer, l'East River et l'Hudson, alors il eût créé New York. Salut New York! Salut, vierge rigide aux angles de l'Hudson, et salut, poubelle renversée. Et salut, frères rats qui fouillez la poubelle."
Un lien magique, qui n'est pas uniquement celui du sexe et des rayonnages, unit ces deux livres, comme si en cette fin des sixties, l'appétit de subversion avait eu besoin des néons de Broadway pour mieux faire danser ses noirs secrets. Comme quoi, les livres parus en 69 ne font pas que se mordre la queue.
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