Ecrivains en bordée,
c’est parti !
C’est demain mercredi qu’aura
lieu l’inauguration de la manifestation littéraire « Ecrivains en bord de
mer », manifestation de qualité qui se déroule chaque année à La Baule
sous l’égide de Bernard et Brigitte Martin. Rendez-vous est donc pris, dans la
fraîcheur de la Chapelle Sainte-Anne, où auront lieu nombre de… Stop ! On
n’est pas là pour écrire des articles de journaux, hein. On préfère vous dire
que, avant les discours officiels (dont on guette avec impatience les incontournables métaphores sur plage et
pavé…), auront lieu deux moments qui promettent. Tout d’abord, Jacques Roubaud
lira des passages de son Ode à la ligne 29 des autobus parisiens, et concernant
ce recueil nous renvoyons au post que nous lui avons précédemment consacré sur le Clavier. Ensuite, en avant-première, François Bon se livrera à une
performance autour de 100 questions proustiennes. Pourquoi ? Parce
que Bon vient de terminer un livre intitulé Proust
est une fiction, livre qui sortira en septembre au Seuil dans la collection
Fictions & Cie (titre qui nous ravit, d’autant qu’il nous rappelle celui de
Robert Juan-Cantavella, Proust fiction, qu’a traduit Mathias Enard pour
Lot49…).
Le danger des livres sur
Proust, c’est qu’ils vous donnent assez vite envie de les refermer pour
replonger dans La Recherche. Grâce à
Bon, on parvient à résister à la tentation, d’autant plus qu’il cite
abondamment, au gré d’un découpage subtil, des passages du grand livre. Proust est une fiction n’est pas une
fiction sur Proust, enfin pas vraiment, c’est plutôt, en cent blocs, une
relecture de cette lecture écriture qu'est Proust, un réapprentissage de notre conscience et
compréhension (et sensation) de l’œuvre proustienne, au prisme de ses lumières
et de ses ombres.
Bon s’attache entre autres à la
présence et l’émergence de l’objet nouveau dans la Recherche, tel que le
téléphone, la photographie, l’aéroplane, la voiture, afin de mettre en relief
une «poétique susceptible de se hisser à ces objets
neufs, qui peuvent être considérés comme lui faisant violence ». Lire
(et/ou relire) Proust à l’aune d’une fraîcheur et d’une pratique
renouvelées : ce que fait Bon dans une langue en prise directe et
empathique avec la rythmique proustienne. Revisiter, par exemple, le
sacro-saint épisode de la madeleine autrement qu’en critique pâtissier ;
recourir à la statistique pour faire l’appel des « poiriers » et des
« voyageurs » au fil des pages ; permettre à Flaubert de nous
rappeler qu’écrire c’est « construire notre possibilité d’erreur » ;
distiller un parfum de pot d’échappement au tournant d’un
chapitre (« odeur qui était comme un symbole de bondissement et de
puissance » ; revenir sur
cette incroyable « extase raidie » que convoque Proust à l’heure des
premiers décollages ; se demander pourquoi Venise et jamais New York…
Bon sait que revisiter une
œuvre c’est tuer en soi le touriste distrait pour mieux qu’advienne machiniste,
magicien, l’amoureux des méandres. Et de fait, Bon s’écoule au milieu de Proust
afin d’en éprouver les alluvions et les reflets, il le tourne et le retourne sans
jamais lui couper la chique, grâce à un compagnonnage qu’on sait ou sinon
devine aussi fidèle qu’exigeant. Et Bon d’allumer pour nous la lanterne
magique de cette œuvre aussi circulaire qu’infinie.
Et la fiction ? Oh, la fiction
est là, et bien là, plus réelle qu’on ne la soupçonnait : vous apprendrez
ainsi que Proust et Baudelaire roulaient dans la même voiture et pour la même
cause ou presque, que le petit Marcel est sans doute le fils caché d’Isidore
Ducasse, et que quand l’auteur de la Recherche
danse, c’est avec Kafka, merci Federico.. Il faut parfois être Bon pour
faire pousser les fleurs du mal à l’ombre de Combray et recréer, à force de
connaissance et de conviction, la terrible intimité entre l’homme qui dort et
celui qui meurt.
Alléchant! Bon : naturellement, on le lira.
RépondreSupprimerOn avait pu lire le déroulé passionnant, au jour le jour, sur son site...
RépondreSupprimerLa fiction papier est virtuellement sous presse (l'impatience grandit), en attendant sans doute sa transformation numérique.