Décidément, c'est entré dans les mœurs… Après Ovaldé vantant Twingo (ou le contraire, allez comprendre…), une autre alliance de haute volée nous tombe sous les yeux: David Foenkinos & Nespresso ! Est-ce suite à la décomplexitude bling-bling initiée par notre ex-lutteur de foire à talonnettes ou est-ce simplement le signe que, désormais, l'écrivain a intégré le merde-chandaille-zinc sous toutes ses formes? On n'imagine mal Claude Simon vanter un label de pizza ou Gracq le lancement d'un nouvel iPad, mais bon, ces temps obsolètes sont révolus, désormais l'écrivain est devenu le mec plus ultra, le mannequin des marques, l'homme club-sandwich du futur, le sémaphore de sa propre inanité. Foenkinos, donc, grâce à l'entremise éclairée de La Martinière (qu'on ne présente plus, sauf sur un plateau à roulettes) et de Nespresso (le café aux couleurs chères), s'est fendu d'une nouvelle inédite qui raconte une rupture dans un café "près des Champs-Elysées" (on appréciera le "près", qui est ici l'équivalent linguistique d'un pli sur un costume Armani). Moyennant une vingtaine d'euros, après commande sur le site Nespresso.prout, le bobocaféïnomane n'aura qu'à soulever (et, éventuellement, lire Eviter la rupture, titre qui laisse à penser que l'auteur va nous donner un conseil sur d'éventuelles problèmes techniques pouvant subvenir dans la manipulation d'une machine Nespresso) la nouvelle de Foenky pour trouver quelques grands crus en poudre. On se demande pourquoi Florian Zeller ne cherche pas à nous vendre de shampooing…
On se demande aussi ce qui pousse un écrivain – ou, du moins, quelqu'un dont quelqu'un publie les livres pour que quelqu'un l'achète – à assurer ainsi la promotion d'un produit qui n'entretient que de vagues rapports avec sa profession, même si Balzac aurait souri devant une telle audace. Voiture, café, stylo… difficile d'estimer jusqu'où peut s'étendre – pardon: s'étaler – la complaisance épicière de ces professionnels de la plume. Que vanter, hein, franchement, en plus de soi? Que venter, oui, plutôt.
Mais qui a dit que l'écrivain avait devoir d'éthique? Personne. Il n'est redevable d'aucune morale, devant personne. Il est libre. S'il estime que sa liberté passe par le sponsoring, s'il veut promouvoir une lessive (ce qui serait plus raccord avec sa prose aseptisée…), ma foi, pourquoi pas? C'est sans doute qu'il a compris qu'il ne risquait pas de vendre ce qu'il n'a pas: son âme. Enfin, je dis son âme, c'est une métaphore. Un peu comme le café est une métaphore de l'éveil, et la connerie une métaphore de la nouvelle inédite vendue avec des capsules pleine de poudre.
Félicitons en tout cas Véronique Ovaldé et David Foenkinos. Ils ouvrent la voie. S'ils pouvaient juste fermer l'autre, celle qui finit par un x au lieu d'un e, on les trouverait presque cohérents avec eux-mêmes.
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RépondreSupprimerTrès drôle et je suis tellement d'accord, sauf peut être sur un point : qu'il le veuille ou non, tout écrivain à une éthique. Et elle se lit dans ce qu'il publie - et dans la manière dont il vend sa plume (ceci venant de quelqu'un qui a souvent écrit pour de l'argent).
RépondreSupprimerAmitiés
Martin Winckler
j'ai beaucoup ri, mais pense que ceux qui commandent leurs livres chez nespresso sont perdus pour la "bonne cause" - s'il y a éthique de l'écrivain, qu'en est-il de celle du lecteur ? ou encore... la chaîne du livre est longue - ça me rappelle le tollé qu'a soulevé l'éditeur allemand Rowohlt, lorsqu'il avait décidé de financer ses livre de poches par une page de publicité à la fin du livre - pour l'achat des obligations de l'État.
RépondreSupprimerLes limites entre art et prostitution sont extrêmement tenues
En réalité, Foenkinos sert de trait d'union entre Nespresso et Gallimard dans un partenariat dédié à la promotion de la littérature lavasse.
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