Depuis Défaut d’origine, son premier livre paru en 2003, Oliver Rohe interroge
les ruses de la mémoire et ausculte les illusions de l’individualité. Ses
personnages, souvent hantés par le spectre d’eux-mêmes, vivent non sans douleur
la question du devenir, qu’il s’agisse du narrateur de Défaut d’origine, dont l’authenticité des pensées est sans cesse
mise à mal par la vibration d’une amitié, de la voix solitaire qui fait de son
deuxième livre, Terrain vague, un
espace assiégé où la répétition est résistance, ou même des trois intervenants
d’Un peuple en petit dont les trajectoires
composent un triangle du doute.
L’œuvre en cours d’Oliver Rohe
procède par règlements de comptes, ou plutôt, si l’expression est possible,
« dérèglements de compte ». Des zones sont investies, des repaires
débusqués, des postures démolies. L’écriture, elle, mûrit et s’étend, à force
excursions concentriques, gagnant en liberté, exigeant à chaque fois la
création d’une structure inédite, toujours plus dynamique.
Sous-tendus par un humour à la
Beckett, à moins qu’il ne s’agisse du rire caché de Buster Keaton, les romans
d’Oliver Rohe inscrivent la narration dans l’ADN même de la phrase qui, par sa
rythmique souvent changeante (et le phrasé crucial qu’impose sa ponctuation),
permet au lecteur d’éprouver pleinement la richesse de ce qui ici se joue :
ni plus ni moins la liquidation joyeuse des vanités individuelles.
Dans son dernier livre paru, Ma dernière création est un piège à taupes, Rohe
cite, en exergue, cette phrase de Rilke : « Si, plus semblables aux
choses, nous nous laissions terrasser par une aussi grande tempête –, comme
nous serions vastes et anonymes. » Et le fait est qu’Oliver Rohe écrit
dans l’ombre de cette salutaire tempête.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire