dimanche 7 février 2010

COSMOZ (1)

Commencé en janvier 2005, l'écriture de Cosmoz s'achève pour moi dans quelques heures. L'écriture d'un livre: non pas un long et patient déroulement, constitué d'étapes et de coulées, mais l'expérience pierre-ciseaux-feuille-caillou d'un jeu de dissolution, le récit repris d'une diffraction. Il y a les recherches, les lectures, une forme de nutrition à plusieurs niveaux, avec effet de saturation, dispersion, cette impossible tentative d'épuisement d'un sujet qui n'en est pas un (en l'occurence, ici: le monde d'Oz, créé par Baum, animé par Fleming, mis dans ce roman à l'épreuve corrosive des années 1900 à 1945); il y a l'élaboration de la structure, lutte sans cesse recommencée entre l'architectural et le dynamique (un parcours chronologique tout en contractions et dilatations); il y a la réflexion, c'est-à-dire, une forme de culture de cellules, où les choses sont appelées à se complexifier et s'animer d'elles-mêmes, dans le mystérieux confort de leur logique souvent impénétrable: laisser les éléments échanger leurs propriétés, tester leurs impossibilités (faire vivre l'imaginaire d'Oz tout en le détruisant patiemment); il y a les réticences, les expériences, les déviances, les errances, tout le ratage nécessaire à certaines aventures fugitives (le travail de scories, la tentation des réverbérations); il y a l'écriture, dans toute sa redoutable apnée, sa violence physique, son silence cadencé (l'oral devenu matière); et puis se relire, comme à rebours d'écrire, pour s'empêcher, se défaire, couper et retrancher, ce travail complexe afin d'aller à l'encontre du style, c'est-à-dire d'une musique qui risque de se ritournelliser dès qu'un peu trop rodée, éprouvée – écrire est rarement un geste, très souvent un millier de micro-actions se produisant à des dizaines de plans, au service du mouvement fantasmé qu'est, que sera, une fois "autre", le livre, quand livré en pâture à l'œil, délivré donc de la main. Cosmoz, vous dit-on.
Ecrire un livre: disparaître, aussi. Ne pas en être l'auteur, mais faire que le livre devienne, à sa façon anti-personnelle (du fond de sa mine), l'auteur de vous: à lui, donc, surtout, de vous produire, et non l'inverse, sinon ce serait trop facile, bien sûr. Puis le finir, c'est-à-dire, accepter qu'il continue de croître ou rétrécir tout seul, sans vous. Ecrire un livre, aussi: disparaître dans le prochain, à son insu.
Ce que pourrait être, mystérieusement, la construction d'une amitié?

2 commentaires:

  1. si tu savais comme on est impatient, de ce côté du miroir...

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  2. On attendra en ramassant les quelques émeraudes semées de ci de là. La promesse est explosive.

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