mercredi 14 février 2024

Baisse des actions libido à la bourse masculine


Récemment, Le Figaro a publié un article d'une psychologue – Marie-Estelle Dupont – sur la baisse de la libido chez les jeunes. L'article en question est promu via une citation, comme c'est souvent le cas, citation que voici:

"La baisse de la libido confirme l'augmentation des troubles psychologiques dans la population. Les jeunes sont victimes de la méfiance grandissante entre hommes et femmes, véhiculée par des discours néo-féministes qui rabaissent les hommes." (source)

Si les mots ont un sens, les sous-entendus, eux, possèdent une puissance décuplée. Ainsi, les mots suivants: victime, méfiance, véhiculer, rabaisser. Ici ils sont subtilement (bof) pervertis. Chacun de ces mots véhicule (pour le coup) un sens faussement caché. Traduisons. S'il y a victime, c'est qu'il y a coupable – et ici les coupables sont désignés : les discours néo-féministes. Quant au mot "méfiance", il est accolé au syntagme "entre hommes et femmes", comme si alerter la société sur la prédation masculine créait un malaise à double sens: les hommes se méfient des femmes, les femmes se méfient des hommes. Le sous-texte est clair: les hommes se méfient des femmes parce qu'ils craignent qu'elles les accusent d'abus; les femmes se méfient des hommes parce qu'elles craignent qu'ils abusent d'elles. Que les femmes se méfient, ça on commence à le savoir, ouf. Mais que les hommes se méfient, c'est assez intéressant, parce que là, l'autre message caché est : les hommes se méfient de la méfiance des femmes. Autrement dit: Les hommes s'aperçoivent que les femmes font preuve d'une vigilance accrue, ce qui limite leur champ de manœuvre. Et ça c'est pas bon, ça fait débander. Alors qu'on pourrait dire l'inverse: la méfiance des femmes oblige – au sens moral – les hommes à surveiller leurs propres comportements.

Mais ce sont surtout les deux autres termes retenus dans la citation qui font le vrai travail. Véhiculer. Rabaisser. Deux dynamiques distinctes qui se rejoignent afin de suggérer une manœuvre, voire un complot. On présente une conséquence en sous-entendant discrètement qu'elle est un but. Soudain, voilà qu'une parole libérée, une parole qui cherche à analyser, est traduite en entreprise de "rabaissement". Là encore, le message est clair: signaler les diverses formes de domination masculine, c'est "rabaisser" les hommes – étaient-ils donc si haut placés? Le procédé est connu et relève de la synecdoque, cette figure de style consistant à désigner le tout par la partie. Grosso modo: vous accusez Depardieu, Doillon, Jacquot, Corneau, etc., donc vous cherchez à diminuer le pouvoir d'abus dont les hommes ont le privilège. Ce faisant, vous ternissez l'image des hommes. Ergo, ces derniers sont vexés et débandent. Et les femmes, OMG, ont moins envie d'eux. Fiel du féminisme = bide de la libido. Ouch.

Qu'importe si l'article que promeut cette citation cherche à nuancer ce propos. Le message, qui est le médium dans ce qu'il a de plus médiocre, a fait son beau job. Et ce message est, très logiquement, le suivant : pour que la libido revienne, il faut que la confiance se réinstalle, et pour cela il suffit d'empêcher les discours néo-féministes de proliférer. Est-ce de la psychologie? Ce serait rabaisser la psychologie que de le prétendre, et risquerait d'instaurer une méfiance de la population envers les analyses subtiles du Figaro.


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