"Poisse épaisse poisseuse empoissant la laine lourde engluée dans les plaies, mes pas pressés ravaudant ma peau fendue, ma mitaine humide raclant le mur. Briques rouges rêches déchirant la laine. Déchirant la peau. Peau rêche rouge. Tête rêche rouge. Je grimace en ôtant le gant plucheux, la laine lacérée érafle mes doigts meurtris. Il fait nuit. Le sang est noir. Sec. Grince grinçant grincement. Le relent de gras grillé m’obstrue les narines. Je porte mes doigts à mon visage, essuie le gras. Il colle à ma langue, glisse dans ma glotte, coule sur mes dents, mes joues, goutte au fond de ma gorge. Je vomis. Le vomi est rose au clair de lune. Charnu. Gras. Je m’appuie contre le mur, ferme les yeux. Ravale ma bile. Goût de chair. De viande. Je vomis encore. Mes yeux dansent. Éclairs roses. Retour au noir. Le corps racle la brique. Je vois noir. Noir poix. Gras. Mes paupières sont grasses. Enflées. Noires et gonflées par les gifles."
Le roman n'est pas écrit intégralement dans cette tonalité, il y a des ressacs, de la légèreté, l'angoisse de Pêche va et vient, mais quand elle revient, Emma Glass sait trouver les syllabes qui saignent… C'est un roman assez bref – 128 pages – qui ne lâche pas le corps blessé de son héroïne, laquelle vit chez ses parents (qui ne pensent qu'à baiser), a un petit ami (empreint d'une quiétude végétale), et se sait traquée par son agresseur (elle devra l'affronter une nouvelle fois… mais la donne aura changé). Pour ceux et celles que ça intéresserait, voici le début en anglais…
(Formidablement) traduit (Merci !), c'est aussi et toujours très très fort ! Quelle écriture ! Quel "univers" !... Un choc (qui passe quasi inaperçu !)de la "rentrée" littéraire !
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