jeudi 13 avril 2017

De l'intermittence du cannibale

Ce blog traîne un peu la patte, il est vrai, mais j'ose croire que c'est pour la bonne cause. Relecture des épreuves du Jérusalem d'Alan Moore (on vous invite d'ailleurs à faire quelques tours de manège sur le site consacré au roman, où je poste régulièrement depuis quelque temps sur la traduction de ce monstre); traduction d'un incroyable roman de Michael Cisco, intitulé Animal Money, pour les éditions Diable Vauvert (un truc bien fou qui me permet de renouer avec le Diable comme au temps béni de l'Habitus de James Flint — et Cisco souffle, avec Blake Butler, un vent faramineux sur la littérature américaine ); et surtout la phase deux de l'écriture d'un roman au long cours, commencé si j'en crois mes carnets, le 18 décembre 2014.

Oui, après deux ans et demie de prises de notes, de recherches, de tâtonnements structurels, d'esquisses volantes, de gamberge incessante, le livre a atteint sa masse critique, et je peux enfin m'y consacrer en sachant où je vais. L'entrée en écriture proprement dite est toujours un moment crucial, le terrain a été balisé, les grandes routes tracées, les petits sentiers dessinés, mais surtout on a attendu que le livre révèle son fonctionnement secret, c'est-à-dire la façon dont il souhaitait être écrit.

Non pas appliquer une méthode d'écriture à un livre, mais brasser des matériaux, des idées, des franges de proses, laisser le tout infuser longuement dans la cave du cerveau jusqu'à ce qu'apparaisse une "façon" de traiter l'organique accumulé. Importance de laisser un projet en cours vous surprendre: ainsi, on sera contraint de faire vibrer davantage les choses, d'éviter la complaisance d'écriture, de travailler la phrase autrement.
(De quoi va parler ce livre? La question n'est pas là. Je pourrais le résumer en un "pitch" qui n'avancerait personne: la rencontre en Haute-Marne d'un ectoplasmologue et d'une crytpo-abductée. Piratant Sartre, je pourrais également dire que la mort est un moulin. Il n'y aurait plus qu'un pas à faire pour convoquer Don Quichotte.)

Mais je n'oublie pas la vocation de ce blog et m'efforce de poursuivre l'aléatoire labyrinthe des lectures. Les livres s'empilent au chevet, telles des bûches avides d'étincelles.

Je pars quelques jours au vert avec de chouettes fagots (Une fuite en Egypte de Philippe De Jonckeere, éd. Inculte, dont la ponctuation relève il me semble l'incroyable pari d'être constituante d'une esthétique de la perte; Chansons du seuil, de Peter Gizzi, éd. Corti, traduit par l'indispensable Stéphane Bouquet ; Je rêve que je vis? Libérée de Bergen-Belsen, de Ceija Stojka, aux éditions Isabelle Sauvage, traduit par Sabine Macher ; Thanathea, d'Ivan Divis, que publie La Baconnière, adapté par André Ourednik). 

… Et voilà que je reçois, des éditions Othello, excroissance des éditions Attila, le magnifique Spoon River, d'Edgar Lee Masters, que je rêvais de retraduire mais dont s'est chargé haut la plume le collectif General Instin. Ainsi que Honky Zombie Tonk, de Henning Wagenbreth, traduit par Jörg Stickan (Attila), une petite furie violente en couleurs; et tant qu'à faire, le mythique GEnove, villes épuisées, de Benoît Vincent, là encore chez Othello. 

PS: Et quant à l'illustration numéro un de ce post, eh bien, si vous n'avez pas vu le film, n'hésitez pas. Ma Loute forever. Pour le côté cannibale, vous comprendrez assez vite…







5 commentaires:

  1. Bon, pour l'intermittence tu es pardonné, puisque c'est pour la bonne cause ; pour ta mise au vert, elle s'accompagne généralement d'une absence totale de connexion aux moyens dits modernes de communication, j'anticipe donc une nouvelle interruption de ce blog... là ça va devenir vraiment "hard" pour moi (et je suis sûr que je ne serai pas le seul touché !), ton blog est une drogue dure et j'y suis complètement accro depuis trop longtemps pour envisager un quelconque sevrage, je vais donc devoir relire Madame Bovary en boucle pour survivre entre deux doses trop espacées vu mon état de dépendance ! Le pardon va s'avérer beaucoup plus difficile à accorder !!!

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  2. Des blogs qui trainent un peu la patte comme le vôtre, on aimerait en croiser plus souvent.

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  3. Bon conseil pour "Ma loute", ce film est un ofni, une composition outrée en paysages naturels qui tient de façon inattendue du théâtre et du délire qui quelquefois nous fait retenir un cri d'horreur ou un gémissement de dégoût, les paysages y sont merveilleusement trouvés et donnent envie de revisiter la région en dépit des aspects véhiculés allant du glauque au burlesque flirtant avec le symbolisme si ce n'est le surréalisme.

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  4. Oh Ma Loute, chef d'œuvre du génial Bruno Dumont.
    Merci Machin.

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  5. "mieux vaut un blog qui traine la patte qu'un blog qui la lève" Laika (dans Habitus)

    pourquoi cette agressivité envers la Haute Marne ?
    je suis aller voir Chaumont : il n'y a RIEN
    rien qui puisse susciter l'ire

    quant à l'Habitus de James Flint, voir ce qu'en pense la chienne Laika
    en toutes confidences, elle m'a dit avoir préféré
    "Alors Belka, tu n'aboies plus" de Hideo Furukawa (Ph. Picquier)

    Nous sommes des chiens et les chiens, quand ils sentent la compagnie,
    Ils se dérangent et on leur fout la paix
    Nous voulons la Paix des Chiens
    Nous sommes des chiens de " bonne volonté "
    Et nous ne sommes pas contre le fait qu´on laisse venir à nous certaines chiennes



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