On n'a suivi que très vaguement cette histoire de fin du monde, prévue de longue date par d'improbables abeilles, occupé qu'on était par d'autres fins liés à d'autres mondes, qu'on appelle livres, et qui, à la différence de ce marigot où nous vivons et qui n'existe pas, ou alors sous forme d'hallucination collective, n'en finissent pas de recommencer, telles des phrases devenues fugitives et affranchies de leur séculaire syntaxe pour étendre leurs rhizomes un peu partout dans la conscience, la chair, le temps. Que les mondes soient mortels, nul n'en doute, il suffit pour cela de se pencher au-dessus d'un puits, d'un verre, d'un œil, et de laisser fondre et pleurer le peu d'encouragement à vivre que nous a légué la postérité d'avant. Mais l'on respecte néanmoins cet immense besoin qu'ont certains à guetter, dans le jour gris et banal, les signes d'une soudaine sanction, comme si, à l'approche de ces fêtes ineptes où le dernier bûcher n'est plus qu'un âtre dans lequel se roule, roussi, hagard, un gros benêt tout de rouge vêtu, il n'y avait plus de place que pour l'élan superstitiel, le goût déjà suranné pour les joujoux létaux. Comme si, à l'heure de claquer ses économies dans de superfétatoires offrandes, à l'orée du sacro-saint potltatch, d'aucuns sentaient qu'une huitième et définitive plaie pourrait parapher non sans panache tout ce cirque calendriesque. Face à ce clownesque effroi, on se contentera de rappeler aux populations paniquées que les librairies seront ouvertes dimanche prochain et que les rares survivants de l'apocalypse sont invités à s'y rendre pour faire pénitence.
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