mardi 23 août 2011

La France du mal

Dans les années 70, les bd pour adultes petit format fleurissent en France. Il y a la célébrissime Maghella de l'italien Dino Leonetti, souvent censurée dans ses éditions françaises, aux aventures pleines de rebondissements (c'est le moins qu'on puisse dire…), souvent liées à un contexte féerique. Et puis il y a toute une pléthore d'autres lubriques opuscules, qu'on pouvait alors acquérir moyennant trois francs six sous. Outre des récits chauds en couleur (bien que souvent en noir et blanc), ce qui frappe ce sont les phrases d'accroche, bourrées de fautes d'orthographe, pesantes de grivoiserie gauloise, et n'hésitant pas à promettre l'impossible. Un bref florilège donnera une idée de la délicatesse de ces incitations à la lecture pour gaucher: "de quoi satisfaire ses passions les plus folles sans se ruiner"; "de l'inédit pour se fendre la pipe! une bouffarde qui va faire un tabac! sans blague" (oïnk, oïnk! NdB); "une histoire gaudriolante qu'on se passera de bouche en bouche pour en boucher un coin" (là, c'est 4 francs…); "un numéro flambant au poil et à poil!"; "des scènes folles comme personne à ce jour n'avait encore osé en montrer!"…
Ces publications sont très souvent publiées par Evilfrance, dont Gustave Cariot nous conte brièvement la genèse sur son site kebekmac :
Elvifrance est un éditeur français de bande dessinée érotique en petit format, la plupart des titres étant d'origine italienne. Suite à un impayé des éditions Canal à Erregi de certains droits d'auteurs, Cavedon et Barbieri décident de publier eux-mêmes leur production. Ils contactent Georges Bielec et créent Elvifrance SARL le 28 avril 1970. Les premiers titres à paraître sont Isabella, de Sandro Angiolini et Cavedon et Jungla de Stelio Fenzo, Mario Cubbino et Trivellato. Devant le succès, les titres se suivent à un rythme effréné : Lucifera, Goldboy, Jacula, Sam Bot, Lucrèce, Zara la vampire, Wallestein, etc. Les BD publiées par Elvifrance abordent tous les genres : horreur, humour, aventure, avec comme point commun un aspect fortement égrillard et, au fil des annéees, une tendance de plus en plus marquée vers l'érotisme et le gore. Les BD d'Elvifrance se signalent également par une grande crudité des dialogues, souvent source d'humour avec jeux de mots. Rapidement, Elvifrance va devenir la cible favorite de la commission de censure dont il subira les foudres à répétition avec 532 titres interdits aux mineurs et 176 titres interdits d'exposition. Malgré cela, le succès continue et les titres se multiplient. Une filiale appelée Novel Press est même créée et Elvifrance devient plus importante que la maison mère italienne. Au fil des années, ces BD italiennes pour adultes évoluent de plus en plus vers la pornographie. Dans les années 1980, la BD petit format s'essouffle et Elvifrance n'échappe pas au phénomène. Les BD de poche en noir et blanc ayant du mal à rivaliser aux films X de Canal+ ainsi qu'à la déferlante des vidéo-cassettes du même type. Malgré des tentatives pour trouver des nouveaux marchés, Bielec est obligé de fermer boutique le 15 avril 1992.
On se fera donc un plaisir de rouvrir ici partiellement boutique et de proposer, de temps à autre, un choix de couvertures,  afin de rendre justice à ces "porno-boucs" petit format mais grand fond, qu'on ne trouve plus que chez les libraires avisés et les vide-greniers de province. Rigol-hard? Yessir!

1 commentaire:

  1. Quelques pages, pour se mettre quelque chose en bouche:
    http://aucarrefouretrange.blogspot.com/search/label/Elvifrance

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