vendredi 26 août 2011

Un chien sinon rien: Chevillard à la curée


Eric Chevillard, Chiens écrasés, précédé de Introduction à la zoolâtrie, et suivi de Tigres écrasés, Le Tigre, 2011

Il y avait l’Hécatombe à Diane, d’Agrippa d’Aubigné, ce charmant recueil où l’auteur des Tragiques sacrifiait généreusement une centaine de bovidés pour convaincre sa muse du bien-fondé de ses aspirations amoureuses. Il y a désormais les Chiens écrasés d’Eric Chevillard. Le toutou est, en effet, notre bœuf moderne. Moins cornu mais tout aussi sacrifiable, il se doit de périr afin que le cœur de l’homme, affranchi de ses oppressions, s’envole plus aisément vers le lecteur. Eric Chevillard, en scribe zélé, s’ingénie donc à renvoyer au paradis des canidés tout ce qui mord, aboie, geint et griffe le cuir de nos canapés. Il recense, avec une précision qui confine au sadisme, les trépas, nombreux et variés, auxquels sont conviés les descendants de Toto et Milou, hissant ainsi l’art de Fénéon à des sommets zoocides encore inégalés. Exemple : « Entre le marteau et l’enclume, mais que cherchait donc là Mimi ? »
Le projet pourrait paraître frivole, quoique sanglant, du moins si l’on en reste aux apparences. Simple exercice de détestation ? Pas sûr. En effet, un examen des manuscrits préparatoires de Chiens écrasés, obligeamment prêtés par l’auteur au rédacteur de ce blog, nous a permis d’accéder à un précieux sous-texte. Au départ, et nous espérons que cette révélation sera appréciée à sa juste et indispensable valeur, Eric Chevillard avait intitulé son recueil Jardin broyé. Et en guise des nombreux patronymes canins qui figurent dans ce texte (qu’on peut trouver dans toutes les bonnes librairies intéressées pas les publications du Tigre éditeur), un seul nom revenait avec la constance d’une idée fixe : Alexandre. Exemple : « C’était la première fois que la gentille petite Julie préparait une soupe pour sa maman. Mais il y a de la morve sur les lames du mixer et Alexandre a disparu. »
Le déplacement opéré lors du travail final est donc à la fois une tentative de camouflage de l’objet honni et un procédé zoomorphique visant à renvoyer l’écrivaillon jardinier à sa niche fatale. La SPA ne s’y est pas trompée, qui a refusé, malgré les pressions, de traîner Eric Chevillard devant les tribunaux pour appel au meurtre canin.
C’est avec une impatience non mitigée que nous attendons le prochain livre de l’auteur de Démolir Nisard, dont on connaît d’ores et déjà dorénavant, par des indiscrétions, le titre de travail : Alex rien de nouveau.

1 commentaire:

  1. L'autofictif est le premier blog que j'ouvre, je guette Agathe et je me marre.

    Wenn ein kind war ich, quand j'étais enfant, ce phrasé dans -Les ailes du désir- de Wim Wenders et chez Peter Handke m'obsède, je reprends, Wenn ein kind war ich, Agathe c'était tout moi.

    Exemple : une proche imbécile pour sceller mon devenir de future ménagère m'a offert un fer à repasser modèle enfant, c'est ainsi que j'ai marqué au fer, en sculptant son bois, la table de salle à manger et dans ce lieu de convivialité les visiteurs demandaient mais kicékafaitsa ? Et mes très proches répondaient en chœur, c'est Agathe, mais aussi en cœur Ils ont confisqué le fer dangereux, j'étais fort capable de poser le fer sur mes joues pour voir comment il peut aussi friper la peau.

    Je ne savais pas qu'une fois adulte, je dessinerais en repassant des encres thermiques sur le papier et que ce serait mes seules retrouvailles avec le fer à repasser du passé, le pied de nez à la proche imbécile à qui je réponds maintenant : Barbara Strozzi 17e musicienne et Artemisia Gentileschi peintre au musée des Offices, l'époque ne t'a pas attendue pour faire en sorte que les femmes existent.

    Toute fiction est anamorphose sonique pour tenter d'évacuer l'ombre et Madame La Fée ne comprend rien elle ne sait dire que crétin.

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