Vient (enfin) de paraître aux éditions Libertalia un essai de Jean-Luc Sahagian intitulé Victor Serge l’homme double – Histoire d’un XXe siècle échoué. La préface est de l'ami Yves Pagès (on peut la lire en intégralité ici; on peut aussi, surtout, acheter le livre dans une vraie librairie, avec en prime, tant qu'on y est, l'excellent essai de Mathieu Ribouste, Les marchands de peur, aux mêmes éditions libertalia) – en attendant, voici un extrait de la préface d'YP:
"Fils d’émigrés russes anti-tsaristes, Victor Serge a 27 ans quand un monde bascule, là-bas, à l’Est du charnier européen, du côté des Soviets. La terre de ses origines familiales a tremblé, et ce séisme, comme pour tant d’autres, lui ouvre des horizons. La Révolution, avec son grand appel d’air, il ne la rejoindra qu’en janvier 1919 pour devenir un des soutiens intellectuels les plus ardents du régime bolchevique, avant qu’il ne lui faille déchanter, sa proximité avec des oppositionnels de gauche au stalinisme naissant devant lui coûter très cher. Cruel retour de flamme à la hauteur de ses idéaux jamais repentis : déportation à Orenbourg en 1933, internement psychiatrique de sa femme Loubia en 1934 et expulsion d’URSS en 1936. Mais bien avant l’enthousiasme du léniniste fraîchement converti, bien avant les compromis tactiques du propagandiste du Komintern, bien avant les temps amers de l’exil et les querelles entre ex-compagnons de route de Trotski, bien avant que se confrontent les points de vue du romancier et de l’homme d’action, le jeune Victor avait eu une première vie politique, tout un parcours déjà tumultueux, enraciné dans les milieux libertaires belge puis français du début du XXe siècle. Et l’on ne comprendrait pas grand-chose aux doutes, scrupules et nuances qui ont sous-tendu par la suite son éthique militante et littéraire si l’on continuait à traiter à la légère cette période fondatrice, comme un simple défouloir adolescent, une sorte de stade infantile de ses engagements ultérieurs, quand l’âge adulte vous remet dans le droit chemin de la raison d’État, fut-il prolétarien." (Yves Pagès)
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