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En ce début d’année, je vous sens
fébrile. Et vous êtes fébrile parce que vous êtes inquiet. Votre inquiétude est
légitime, elle a les contours d’une fièvre et, comme elle, part non d’un bon
sentiment, mais d’un sentiment agité. Vous êtes fébrile parce que vous redoutez
le moment où cette fébrilité s’estompera pour laisser place à une comédie de
sérénité qui n’abusera que votre reflet. Restez donc fébrile, et pour cela
lisez la revue Castatrophes, riche en
éclats de poésie contemporaine, qu’a brillamment coordonnée Pierre Vinclair,
avec la collaboration de Laurent Albarracin et Guillaume Condello. Un numéro d’une
haute tenue, comme on dit, de cette revue née en ligne il y a un peu plus de
deux ans.
La poésie américaine s’y voit
accordée une belle place, entre autres avec un texte d’Eliot Weinberger (auteur
admiré entre autres par Enrique Vila-Matas), intitulé « Mahomet », extrait
de son livre An Elemental Thing (et non « elementary » comme il est
écrit en fin de texte, mais l’erreur est humaine, ne pinaillons pas). Le texte
de Weinberger est suivi d’un texte impressionnant signé Serge Airoldi, qu’on
avait pu découvrir déjà il y a deux ans chez Arléa avec son Rose Hanoï. « Voici l’espèce »,
texte post-joycien à la cadence anaphorique, où la naissance est à la fois mythe et
surgissement, envoûtant et puissant, jamais prisonnier de sa forme :
« j’éclos de la crainte de la mort, des cadastres sans forme, des murailles hautes d’Avila, comme une incertitude même du terme & du lieu de la cité. J’éclos de la fin promise du fatâ, le jeune guerrier. J’éclos dans le grain de la voix paisible. Le timbre si doux, si terrible, d’une vieille femme antique – le diable est le dieu sens dessus dessous. Le dieu n’est que le locataire de l’homme, tu imagines la qualité de sa permanence. »
Parmi les autres textes, citons
encore « Dèze le mécréant, pionnier allophage », d’Alexander Dickow, dédié (tiens tiens) à l’excellent Adam Biles – certains ont peut-être lu Dickow chez l’éditeur Louise Bottu.
Bon, je vous laisse découvrir le sens du mot « allophagie ».
Vous trouverez également dans ce
recueil des textes de Pierre Lafargue, où bégaiement et association d’idées
travaillent la glotte du lecteur ; un texte à deux mains signé Pierre
Lenchépé et Ivar Ch’Vavar, où la phrase recommence en début de ligne comme si
la violence du retour la hissait sur des ergots ou tranchait net sa nécessaire interruption spatiale (lisez, vous verrez…) ;
des poèmes de Cyril Wong, traduits al
dente par Pierre Vinclair, qui a rapporté de Singapour de bien fortes choses, apparemment. Ah, j'allais oublier: un texte intitulé "Planète plate", variations sur un espace échappant à toute logique géologique mais poétique de par son immanence mentale, signé Fabrice Caravaca – ce dernier dirige par ailleurs les excellentes éditions Le Dernier Télégramme:
"La planète plate parce qu'elle est planète-plate gronde aussi comme la possibilité de l'orage. Elle radiographie l'ensemble des ciels et en remuant dans ses nuits elle renvoie ses craquements ou ses grondements sur tout l'espace immense qui est le sien. Toute la planète gronde, craque, émet des sons qui se répercutent d'un bout à l'autre des territoires. Echos multiples traversant la surface de la planète et qui se répercutent ans l'infini possible des sons."
Bref, vous l’aurez compris, en
matière de revue poétique, c’est LE coup de cœur de ce début d’année. Renoncez
à acheter ce roman fibreux dont tout le monde vous cause et ruez-vous chez un libraire
pour acheter (ou commander) ce Catastrophes qui, bien sûr, se veut
bouleversement.
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Catastrophes, éd. le corridor bleu, 20 €
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RépondreSupprimerCher Monsieur, J'aurais aimé vous envoyer le livre où figure "Dèze". Ce livre n'est pas encore paru, mais si vous voulez recevoir un exemplaire, je serais enchanté de savoir à quelle adresse l'envoyer: n'hésitez pas à me faire signe dans ce sens, et au plaisir de vous lire j'espère. Bonne année 2020 (et meilleure année pour nous tous en politique). Merci -- Alex Dickow
RépondreSupprimerécrivez-moi: claro.lot49@gmail.com, je vous donnerai mon adresse…
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