Il y a presque dix ans, les éditions Musica Falsa publiaient un drôle de livre signé Pacôme Thiellement intitulé Poppermost, considérations sur la mort de Paul McCartney, que je n'ai lu "vraiment" que très récemment, à la faveur de trajets ferroviaires, entre Paris et Marseille, en écoutant, casques sur les oreilles, non pas les Beatles mais plutôt des chants juifs ou des reprises de reprises de reprises…. Est-ce d'ailleurs un livre sur les Beatles? Rien n'est moins sûr. En fait, l'auteur, en recourant à une méthode schizo-analytique dont il relance la donne en la nourrissant de réflexions pop, se penche sur la question du devenir, et son avortement. Quand devient-on Beatles (ou plus précisément "autre", "walrus")? Quand cesse-t-on de déplier le désordre du monde pour redevenir celui qui ne devient plus mais se contente de passer par les cases de l'être? Le grand concept à l'œuvre dans le livre est celui de "tour", que Thiellement décline également en "entourloupe". Etre l'homme-œuf demande un certain sens du vertige, façon derviche. Eclairant cette histoire de "tour" avec les lueur de Lewis Carroll, Artaud et quelques autres, confrontant l'entreprise des Beatles aux derniers avatars du christianisme, Thiellement finit par créer un livre d'un romantisme très particulier, un romantisme irradié où la question de l'identité est sans cesse remise sur la sellette, comme s'il importait, jusqu'au bout, d'être "naïf" (au sens poétique), et de croire, une avant-dernière fois (celle-là, seule, compte) qu'il est possible de se défaire de soi-même, une bonne fois pour toutes, et ce sans verser dans les ornières diverses qui accompagnent l'infini des chemins pop-rock (satanisme, guitar-héroïsme, mercantilisme etc, tout ce qui lie le rock et la pop à une orthodoxie cheap). Le livre se double en outre d'une belle visite aux Residents, qui aide à tout mieux comprendre et faire détonner. L'anonyme comme phase deux du collectif. Deviens ce que personne n'est: ni toi ni lui ni les autres, mais all together.
Riche et furibond, généreux et bousculeur, bourré de freaks et de tricks (mais ne trichant jamais avec le lecteur — il est bien trop généreux pour ça), Poppermost redistribue les cartes de la mythologie pop (malicieux tarot…), et, dans une langue qui se rêve sans organes, approche au plus près de la couture entre eros & thanatos, l'air de rien, comme si la ritournelle du devenir butinait le plus noir sillon. C'est le livre d'un troubadour shooté à la pensée, un livre joyeux, funambule, qui ne laisse entrer la tristesse que pour mieux y chercher des lignes de fuite, possibles ou impossibles. C'est aussi un livre sur l'amitié, donc un livre de philosophe, entre marteau et enclume, qui sans cesse attrape le lecteur par les épaules pour l'entraîner dans une danse, possiblement nervalienne, dont le nom reste à inventer. Bref, une revolution 9 + 1 + 1…
C'est le livre de celui qui sait que I am he as you are he as you are me and we are all together.
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Pacôme Thiellement, Poppermost, éd. musica falsa, 2002
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