
Le Jeudi 27 Mai à 19h30, autrement dit ce soir, La librairie Atout-Livre (203 bis avenue Daumesnil, 75012) est heureuse et impatiente et carrément fière de recevoir  Mathieu Larnaudie à l’occasion de la parution de son dernier roman  Les Effondrés (Actes Sud). Claro s'autorisera une brève présentation de l'homme et de l'œuvre.  
  Mathieu Larnaudie est également éditeur, et il viendra  présenter la collection dont il a la charge aux Editions Burozoïque : Le  répertoire des îles. A cette occasion, sera également présent Sylvain  Prudhomme qui publie L’Affaire furtif aux éditions Burozoïque.
A signaler également la parution imminente du numéro 19 de la revue Inculte, avec un dossier sur "le cul", des interventions, entre autres, de Mathias Enard, Maylis de Kerangal, Stéphane Legrand, Aurélie Djian, J.-M. Blas  de Roblès etc. + un entretien avec Paul Verhaegen, l'auteur d'Oméga Mineur (éd. lot 49).
Et pour ceux qui veulent en savoir un peu plus sur le roman de Mathieu Larnaudie, Les Effondrés, je remets en ligne ma critique postée il y a peu sur ce blog:
Les lecteurs du roman de Viken  Berberian, Das Kapital, se  souviennent peut-être de ce passage dans lequel on assistait à une  conversation entre deux traders dans les toilettes de leur tour  d'argent, passage où il était question de désastre déterministe et de  gargouillement intestinal. Une scène similaire se joue dans le récit de  Mathieu Larnaudie, Les Effondrés,  qui sort mercredi aux éditions Actes Sud, et l'on ne peut s'empêcher de  déchiffrer, dans ce jeu d'échos, une certaine façon de raconter la  crise: quand le nabab redevient simple mortel, quand son tube digestif  duplique les mouvement économico-péristaltiques d'un système qui vient  tout bonnement d'exploser.
De  même qu'Yves Pagès avait ausculté, de l'intérieur, les destins craqués  des travailleurs éphémères, dans sa série de portraits tremblés  intitulée Petites natures mortes au  travail, Mathieu Larnaudie s'attaque aujourd'hui à une tout autre  tribu, celle des seigneurs du dollar, les rois du Bloomberg, les  chevaliers de l'industrie capitaliste, les saisissant à l'instant  stupéfiant où leur cheval de bataille s'écroule sous eux, rosse traître  et empoisonnée, au moment même de la Crise.
En vingt-quatre courts  chapitres, comme autant d'heures qui blessent avant que la dernière ne  tue, au cours d'une journée abstraite où l'on voit choir et déchoir tous  ces manitous/saltimbanques, en un effondrement cadencé, au frais d'une  entropie qu'ils estimaient improbable, Mathieu Larnaudie décrit et  raconte l'avancée sournoise de la fêlure sur ce mur qui à New York est  une rue, à Berlin un souvenir et partout ailleurs une frontière.
Et  pour mieux nous faire voir et entendre ce lézardage, Larnaudie le laisse  envahir la phrase, étirant celle-ci jusqu'au point de rupture,  développant des arborescences, procédant par fourches, écarts,  dilatations, rendant ainsi quasi palpable les différentes strates que  traversent ces fauchés d'un  nouveau genre (c'est-à-dire ces sectionnés).
Ce qui est rendu  prégnant, surtout, c'est la stupeur, cette incrédulité discernable  derrière les lunettes de ces chouettes du fric qui n'ont pas vu venir la  crise, ou alors cru qu'elle serait minime, accessoire, mais surtout pas  endémique, surtout pas constitutive au système même qu'ils prônaient,  et auquel pourtant ils ne souscrivaient que dans un but  d'auto-enrichissement, rappelant par leur conduite même que la  perversion du système était l'essence même du moteur capitaliste et non  son éventuel dévoiement. Deleuze et Guattari avaient en leur temps  suffisamment pointé cette vérité historique, à savoir que le capitalisme  ne fonctionne que par dysfonctionnements. L'heure de la crise est donc  aussi l'heure du grand décillement. Non, ce n'est pas une avanie, non,  les malversations ne sont pas un simple virus portant un rude coup à un  gros corps malade. Le système crève, victime de ses propres conducteurs,  ces chauffards de l'autoroute financière, et voilà l'Etat contraint de  renflouer les caisses, de tancer des brigands qui l'instant d'avant  étaient ses mécènes et complices, voilà la justice venant demander des  comptes à ces vautours persuadés de voler plus haut que les nues.
Mais  de ces champions de la chute, jamais Larnaudie ne rit. Il conserve  l'ironie à un degré d'ébullition raisonnable, préférant refaire au moyen  de ses phrases tentaculaires le tracé de vies parties souvent de rien,  suivre les volutes d'une ascension de plus en plus désincarnée, défaire  les petits nœuds obscurs de ces puissants que la crise réinvente en  simples boursicoteurs foireux.
Le livre devient ainsi non pas un  tribunal mais une série de stations, où l'on voit trébucher et tomber  les apôtres du green gold.
Impossible de citer in extenso un passage des Effondrés, tant le déroulement  proustien de la phrase défie la section, mais qu'on goûte au moins un  des débuts de ces longues périodes qu'on pourrait dire oratoires mais  qu'il serait sans doute plus judicieux de qualifier d'orageuses, tant la  phrase larnaudienne est pareille à un précis grondement accompagné  d'impressionnants éclairs, à la fois rumeur et zébrure:
"Et  l'on vit, quelques jours plus tard, succéder, sur la colline du  Capitole, dans ce périmètre de la ville de Washington intégralement  dédié aux diverses instances de représentation du peuple américain et de  sa volonté souveraine, au Maestro destitué, défroqué, devant la  commission de surveillance exceptionnelle, à la place même où celui-ci  avait posé son étroit arrière-train pour apostasier de sa foi et faire  table rase de ses certitudes, ou pour homologuer la complète réforme  intellectuelle qu'il avait opérée […]"
Un chantre de la  débâcle? Avec Les Effondrés,  Mathieu Larnaudie, après l'impressionnant Strangulation et le poético-programmatique La Constitutante piratesque, donne en  cent soixante-dix pages la mesure de son acuité stylistique et nous  offre de vertigineux tableaux vivants, créant sans aucun doute une  "hécatombe" où des bœufs cravatés poussent un dernier mugissement ébahi  alors que le merlin de la fin de l'Histoire s'abat sur leur front point  trop vierge. La fiction, elle au moins, n'est pas en crise.
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Mathieu  Larnaudie, 
Les Effondrés, éd. Actes Sud, 18€, sortie le 7 avril 2010