jeudi 30 juin 2022

Que faire de la peur ? (demandait Alejandra Pizarnik)

QUE FAIRE DE LA PEUR ? (DEMANDAIT ALEJANDRA PIZARNIK)

lorsqu’au monde au monde on vient seul au monde accroupi à même le monde
un tiers du corps encore enfoui encore enseveli dans l’autre monde des mères
ne vivant au commencement qu’un commencement de monde à même le corps
accroupi devant nous vivant la fin de notre commencement encore en leur corps
le sang séchant si vite à même le leur qu’à commencer on ne vient au monde
qu’à proportion d’un tiers du sang qu’en soi le monde des mères ensevelit vivant

lorsqu’entier devenu au monde on pardonne au monde entier de ne l’être pas
d’être ce qu’il n’est pas puisqu’entier rien ne l’est ni soi ni celui qu’encore
on ignore au monde et qui un jour devient soi mais si peu en vérité si peu
qu’au monde dans son entier on veut être le membre tranché à qui l’on pardonne
d’être au monde en vérité d’un tranchement d’une ignorance en nous vivant

ainsi le sang séché des mères aide à recommencer quand au monde on advient
de cela et de rien d’autre il n’est question quand la question d’être nous se pose
ce qu’on est on l’advient sans rien d’autre à défaire que le nœud de nous expirant
en vérité d’un tranchement au monde à la fin de notre commencement hors la mère
n’étant que l’ignorance advenant entière à même le corps de nous pardonnant à nous-mêmes
la peur qu’en nous notre sang ensevelit dès qu’au monde on advient à proportion
du sang que nos mères en nous ont laissé comme un nœud vivant

(extrait de "Animal errant, retour d'abattoir", à paraître chez Flammarion dans la collection Poésie dirigée par Yves di Manno – sortie janvier 2023)

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