Il y a quelque chose que je ne comprends pas bien. Hier soir, Eric Zemmour dédicaçait son dernier ouvrage, Destin français – titre qui reprend celui d'un livre du fasciste Jacques Doriot, mais c'est sans doute un hasard objectif… – dans une librairie du Quartier Latin, récemment ouverte. Les forces de police étaient présentes lors de cette séance. Pour quelle raison? Selon la Préfecture de police, il s'agissait d'éviter "une éventuelle perturbation des militants de la mouvance contestataire radicale de la séance de rencontre dans un établissement proche des milieux d'extrême-droite".
On se demande pourquoi les forces de police, qui sont au service d'un gouvernement démocratique ayant accédé au pouvoir en battant l'extrême-droite lors des élections présidentielles, plutôt que de protéger une librairie dirigée par un proche de Patrick Buisson (ancien conseiller de Sarkozy et auteur d'un fringant Album Le Pen) qui vend, entre autres joyeusetés, des livres écrits par des antisémites et/ou des négationnistes (Henry Coston a droit à un rayon entier; idem pour Saint-Loup, ex-membre des Waffen-SS…), et plutôt que d'assurer la sécurité d'un auteur ayant sans cesse écrit et tenu des propos racistes, n'a pas appliqué la loi Pleven ou la loi Gayssot, ou simplement estimé que l'idéologie ici mise en scène était contraire aux principes de la République. Et que c'était cette rencontre qui pouvait être considérée comme "une éventuelle perturbation".
On se demande aussi pourquoi cette même police s'est imaginé qu'une librairie "proche des milieux d'extrême-droite" et invitant un auteur tenant en permanence des propos passibles de poursuites judiciaires, pouvait provoquer l'ire de "militants de la mouvance contestataire radicale", et seulement la leur. N'a-t-elle pu imaginer que, désireux de protester contre cette combinaison d'infâmes, divers citoyens, pas forcément contestataire, pas forcément radicaux, auraient eu à cœur de venir "perturber" une rencontre qui, manifestement, en célébrant les noces d'un nazillon ultra-médiatisé et d'une officine crypto-fasciste (excusez ce langage suranné, qui ne recouvre bien sûr aucune réalité…), était en soi "perturbante"?
Bref, il y a quelque chose que je ne comprends pas. Mais c'est sans doute parce que je n'ai pas encore pris mon café.